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LÉON MAYEUX (1892-1963), un chasseur annezinois

Cet homme a fait d’abord l’objet d’une étude courte liée à deux photographies. Grâce aux recherches de Thibaut Vallé, c’est plus qu’un simple complément qu’il est désormais possible de proposer mais bien une biographie plus complète. Pas « complète » évidemment, mais grâce à une fiche matricule particulièrement riche, une présentation plus fouillée que ce qu’il est possible de proposer habituellement.

  • La famille de Léon

Léon est né le 4 janvier 1892 à Annezin. Sa mère est originaire de la commune, mais son père Philogone y élit domicile en 1891 à l’occasion de son mariage. À la naissance de Léon, sa mère est âgée de 29 ans alors que son père n’en a que 24. Il ne le connaîtra pas beaucoup : Philogone décède en août 1895. Il avait été réformé par l’armée l’année précédente en raison d’une bronchite spécifique.

Comme son père, Léon n’est pas très grand : avec son 1,57 m, il est 1 centimètre plus grand. Il a aussi un niveau scolaire identique : s’il sait lire et écrire, les courriers montrent des lacunes importantes. Par contre, il ne devient pas aide de culture ou forgeron, métiers exercés tour à tour par Philogone : le canton a une autre richesse nécessitant de la main-d’œuvre, la houille. Léon devient houilleur.

Sa mère se remarie en avec Jules Douchet en juin 1906, toujours à Annezin.

En 1911, Léon habite rue de la gare, avec son oncle Jules Douchet (à ne pas confondre avec son beau-père, un homonyme), son épouse et ses trois enfants. Point commun : ils travaillent tous dans la même mine, celle de Bruay. En décembre 1912, les obligations militaires commencent pour Léon : il est recensé, puis, au printemps, il passe devant le conseil de révision.

  • Léon militaire

Le conseil de révision ayant examiné et reconnu Léon « Bon pour le service armé », il est affecté au 18e bataillon de chasseurs à pied (18e BCP) de Longuyon. Il y arrive le 10 octobre 1913. D’abord affecté à la 1ère compagnie, il passe à la 6e compagnie le 15 novembre 1913. Est-ce en prévision de l’arrivée prochaine de la classe 1913 ?

Il fait allusion à la classe 1913 dans sa carte du 26 novembre : « les bleus il y en a d’arrivées aujourd’hui je les plains il en ont pour 3 ans eux ce n’est pas la même choses que nous [la classe 1912] nous les lesseront 1 an(…) ». Effectivement, la classe 1912 fut la dernière à avoir deux ans de service obligatoire suivant la loi de 1905 quand la classe 1913, incorporée à peine une mois après, inaugura la loi des trois ans. Évidemment, le déclenchement de la guerre bouleversa tous les calculs des conscrits ! Son mot fait sourire : les hommes de la classe 1913 sont qualifiés par Léon de « bleus » alors qu’il n’est lui-même chasseur que depuis 45 jours quand il écrit.

Ce qui est exceptionnel dans les données disponibles, c’est que l’on trouve trace de ses permissions. C’est indirectement que l’information nous est parvenue. Parmi les documents servant à établir la fiche matricule, il y avait les informations du fameux livret matricule, brûlé à la fin des obligations militaires de la classe. Or, le secrétaire a découpé certaines parties du livret pour les coller sur la fiche. Lors de la numérisation, tous les feuillets étant retournés, on accède à la partie sur les permissions !

On apprend alors que le « à bientôt » de Léon dans sa carte du 12 décembre 1913 est de circonstance : il est parti quelques jours plus tard en permission !

Ses permissions au cours de ses obligations militaires, on les compte sur les doigts d’une main. La première est celle qui s’achève le 28 décembre 1913 et dure cinq jours. La seconde lui permet d’avoir six jours et se termine le 21 avril 1914. Ensuite, il doit attendre 1916 pour avoir la troisième et 1917 pour les deux dernières…

La période des classes ne dut pas être vécue avec grand enthousiasme par Léon si l’on en croit ses quelques écrits. Il ne parle que de la fuite ! Il faut dire que l’entraînement des chasseurs à pied est plus intense et ponctué de marches. Quand ces marches sont très progressives dans l’infanterie «  de ligne », Léon en est déjà à faire des marches de 30 kilomètres au bout de deux mois. Malgré la dureté d’une vie qui ne l’a pas épargné, c’est encore chez lui qu’il est le mieux.

  • Léon mobilisé

Avant même la mobilisation et la déclaration de guerre, des troupes françaises prennent position non loin de la frontière pour protéger les opérations de concentration : les troupes de couverture. Ainsi, il est fort probable que Léon soit parti avec le 1er échelon du bataillon (renforcé le 2 août par le 23e échelon composé des réservistes) en position dès la fin de journée du 31 juillet 1914. Il connaît son baptême du feu, comme tout le bataillon, le 22 août 1914, en Belgique à Bellefontaine. Le combat est victorieux mais ne peut empêcher le début de la retraite des troupes françaises. Pas de retraite pour Léon : il fait partie des 76 blessés de la journée. Une balle lui fait une « plaie en séton » à la joue gauche et une balle le blesse dans la région thoracique.

Cette blessure lui vaut quelques mois d’éloignement du front : il arrive le 26 août à l’hôpital complémentaire n°24 situé dans le collège Saint Marie à La Roche-sur-Yon. Il en sort le 24 septembre et obtient 15 jours de convalescence. Est-il autorisé à les passer à Annezin, la commune étant dans la zone des Armées ?

Ensuite, il attend son tour dans un dépôt pour retourner au front. Les 23 et 24 mars, le 18e BCP reçoit des renforts depuis plusieurs dépôts, sans qu’il soit possible de déterminer duquel arrivait Léon ni dans quelle compagnie il fut affecté (probablement toujours la 6e en l’absence de mention contraire dans la fiche indiquant ses affectations successives) : on sait simplement qu’il est considéré dans la zone des armées à compter du 25 mars (mais pour une arrivée possible le 24). Dès le 20 juin 1915, pendant une attaque dans le secteur de la tranchée de Calonne, Léon est blessé une nouvelle fois : son corps est criblé d’éclats d’obus ou de mortier. Évacué le 21, il arrive le 24 juin à l’hôpital annexe 1, dans une ville non localisée (peut-être Grenoble). Il en sort le 7 juillet et part le 17 au dépôt des convalescents 31, situé à Aigle (Isère). Il n’y reste que trois jours. Il ne retrouve la zone des armées que le 14 avril 1916, dans une nouvelle unité : le 44e BCP.

Il est d’abord affecté à la 10e compagnie puis passe à la 9e le 10 septembre 1916. Finalement, le 25 février 1917, il est évacué et quitte définitivement le front : il a des troubles visuels. Une commission de réforme en mai 1917 le maintien « service armé » mais avec une nuance de taille : « Inapte infanterie et toutes armes ». Et pour cause : il n’a plus que 2 dioptries aux deux yeux !!! Est-ce suite de sa blessure de 1915 ? Il n’y a hélas aucun élément dans sa fiche matricule concernant la cause de cette perte de vision.

Affecté au 8e escadron du train en juillet, il reste à l’arrière et est finalement mis en sursis : il redevient mineur aux mines de Bruay à partir du 8 septembre 1917. Il retourne chez lui, et retrouve son travail d’avant-guerre.

  • Après la guerre :

Sans avoir repris l’uniforme, Léon est démobilisé en août 1919. Il continue sa vie à Annezin. Il se marie dans la commune le 28 avril 1923. De cette union naissent deux enfants avant 1927 puisqu’à cette date il passe à la classe de mobilisation 1908 (2 ans en moins par enfant suivant l’article 58 de la loi du 1er avril 1923).

Sa santé dut être un sujet de préoccupation : en janvier 1929 il passe devant une commission de réforme. Elle note la présence de multiples cicatrices mais une invalidité inférieure à 10 %. On lui diagnostique un début d’emphysème lié à sa profession. Il a dû y penser, à 33 ans, cette maladie étant – aujourd’hui encore – incurable et son père étant décédé à 28 ans, son grand-père paternel à 39.

En 1928, il obtient sa carte d’ancien combattant. Après sa citation à l’ordre du bataillon du 8 août 1916, « Bon chasseur ayant toujours fait son devoir. Blessé deux fois au cours de la campagne », il obtient la Médaille militaire le 18 avril 1950.

Le dernier chapitre de cette histoire s’écrit le 28 avril 1963 avec le décès de Léon âgé de plus de 71 ans, le jour de son 40e anniversaire de mariage, dans cette commune dont seules ses obligations militaires l’éloignèrent : Annezin, 73 rue de la gare où il s’installa en 1948.

  • Remerciements

Une fois encore, je commence par Thibaut Vallé qui a permis la réalisation de cet article en trouvant les sources nécessaires concernant Léon Mayeux et sa famille.

Mes remerciements également à Patrick Honoré, bénévole au Musée de Poche d’Annezin pour les informations concernant la commune pendant la guerre. Je ne peux que conseiller le numéro du bulletin de l’association consacré à Annezin pendant la guerre. Ce numéro est lisible à cette adresse.

  • Sources :

Concernant le père de Léon Mayeux :

– Fiche matricule de Philogone Mayeux, classe 1887, matricule 1103 au bureau de recrutement de Béthune, Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 R 8072, vue 109/509.

– Acte de décès de Philogone Mayeux, Annezin, 1895, Archives départementales du Pas-de-Calais, 3 E 035/14, vue 48/261.

Concernant Léon Mayeux :

– Recensement de la population d’Annezin, 1911, Archives départementales Pas-de-Calais, M 3587.

– Fiche matricule de Léon Mayeux, classe 1912, matricule 2583 au bureau de recrutement de Béthune, Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 R 8275, vues 217 à 221/1244.

– Acte de naissance de Léon Mayeux, Annezin, 1892, Archives départementales du Pas-de-Calais, 5 MIR 035/3, vue 1374/1435.

– JMO du 18e BCP, SHD 26 N 821/25 et 26 N 821/26.

– Anonyme, Le 18e bataillon de chasseurs à pied pendant la Campagne 1914-1918, Paris, éditions Berger-Levrault, sans date.

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Publication de la page : 17 août 2014.

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