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Trésors d’Archives n°16 – Emploi pour un mutilé

Que faire quand on est amputé et que l’on ne peut plus exercer la profession d’avant-guerre ? C’est la question que se pose Auguste Fiault depuis son hôpital.

  • Lettre reçue à la préfecture d’Alençon (Orne) le 11 avril 1915

Besançon, Le 8 Avril 1915
Monsieur le Préfet

J’ai l’honneur de vous prier de bien vouloir vous intéresser à mon sort.

Je suis le nommé Fiault Auguste orriginaire (Normandie) nâit à S- Roc sur Egrenne domicilié chez son frère à saint Boner-Les Forges (profession cultivateur ; étant de la classe mille neuf cent douze j’ai été appelé sous les drapeaux l’année dernière Au 167 dinf en garnison à Toul.

Ayant contracté une blessure le 1er Novembre en faisant l’assaut du bois-le-Prêtre, la quelle c’est suivie de l’amputation du bras gauche ; ne pouvant continuer à exercer ma profession je viendrais vous solliciter de bien vouloir me trouver une place de facteur dans mon pays ‘y cela vous est possible ce qui pourrai me tirer des mauvais pas de la vie car étant seul et m’a seul résource c’était m’est bras ; maintenant que l’on m’en à enlevé un en défendant glorieusement la patrie, je compte donc sur le Gouvernement ainsi que sur vous s’y cela vous est permis. Je pourrais remplir le poste confié dès de suite car je doit passer le conseil la semaine prochaine et je saurais rentré au pays de suite ?

S’y vous pouviez me faire obtenir la place demandée je saurais au comble de mes vœux.

Daignez âgréer
Monsieur le Préfet l’assurance de mon profond dévoument
A. Fiault

Avec ses mots, Auguste Fiault exprime son désarroi d’avoir perdu son outil de travail. Comme on l’observe souvent, il a été écrit sur la lettre originale la suite donnée à ce courrier.

Du 13 avril 1915
répondu que la perte d’un
membre empêche totalement
de postuler à un emploi de facteur
Adresser une demande sur feuille à 0,60
à l’effet d’obtenir un débit de tabacs.

  • Quelle vie après la guerre ?

Les documents consultés n’indiquent pas si Auguste Fiault fit une demande de débit de tabac. La fiche matricule nous donne un indice : en 1937, il est noté comme étant cultivateur. Toutefois, d’autres documents sont formels : il fut nommé facteur des postes en 1920 et il exerça cette profession de nombreuses années ! Comment expliquer la mention de la fiche matricule ?

Autre élément important figurant sur ce document, son amputation « non appareillable » s’aggrava d’un névrome douloureux du moignon qui alla en s’accentuant (douleur concernant un ou plusieurs nerfs liée à l’amputation). Il reçut une pension d’abord de 1000 francs réévaluée à 2400 francs en 1935, il fut décoré d’abord de la Médaille militaire le 20 août 1916 puis de la Légion d’honneur par décret présidentiel le 29 novembre 1935.

Il est décédé dans la commune de Briouze le 7 juin 1969. Il n’y vivait pas seul, ayant épousé Angèle Germaine Céline Loret à Bellon-en-Houlme le 20 octobre 1919.

  • En guise de conclusion

Les courriers envoyés aux préfets sont une source non négligeable de récits de vie comme celui d’Auguste Fiault. Il ne recevait pas que des lettres de dénonciation. Certains courriers montrent des aspects auxquels on pense peu en lisant les mentions souvent factuelles et laconiques des fiches matricules.

  • Sources

Archives départementales de l’Orne : https://archives.orne.fr/

– M 52 : rapports, opinion publique, correspondance.

– R 1222 : fiche matricule d’Auguste Fiault, classe 1912, matricule 800 au bureau de recrutement d’Argentan.

Mise en ligne de la page : 15 septembre 2019.


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