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Le bulletin de recherches des déserteurs et des insoumis

Le « bulletin de recherches des déserteurs & insoumis des armées actives de terre & de mer »

  • Une source rare :

N’ayant pu, pour l’instant, consulter que les numéros d’une série lacunaire disponibles aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, cet article n’est qu’une ébauche de présentation de cette source.

  • Au fil des pages du bulletin :

Le « bulletin de recherches des déserteurs & insoumis des armées actives de terre & de mer » est une publication du ministère de l’Intérieur qui fut éditée de 1911 à 1943. Je n’ai pas trouvé à qui elle était destinée : services du ministère de l’Intérieur ? gendarmeries ? En tout cas, il semble que les services de la préfecture en recevaient un exemplaire, ce qui expliquerait sa présence dans la série R des Archives départementales d’Ille-et-Vilaine et dans les inventaires de plusieurs départements (Gironde, Meuse pour n’en citer que deux).

Chaque bulletin regroupe, classés par ordre alphabétique, les noms, prénoms, date et lieu de naissance, unité des insoumis et déserteurs recherchés. Pour les déserteurs, les circonstances sont indiquées (« aux armées » par exemple). Chaque homme a un matricule qui forme une série continue qui reprend où elle s’est arrêtée au numéro précédent et se poursuit dans le numéro suivant.

À la suite de la liste des nouveaux déserteurs et insoumis est publiée la liste des hommes rayés de l’insoumission ou de la désertion. Elle est cette fois classée par ordre d’enregistrement.

Cette publication a évolué en termes de rythme (jusqu’à plusieurs numéros par semaine, puis une baisse significative – et logique – en 1919), en nombre de pages et dans son contenu. Pour ce dernier point, aux soldats français s’ajoutent :

– les soldats belges ;

– les travailleurs en provenance des colonies ;

– les soldats italiens.

  • Les limites de cette source

Il n’est pas question d’affirmer qu’il y eut plus de 100 000 déserteurs et insoumis au cours de la guerre, même si le dernier numéro consulté, celui du 20 octobre 1919, s’arrête au numéro 113 903. En effet, une partie des insoumis s’explique par le blocage des hommes en zone occupée par l’Allemagne comme dans l’exemple ci-dessous :

La consultation des fiches matricules montre que certains hommes ont longtemps été considérés comme insoumis bien que parfois décédés peu après leur naissance. Les mairies pouvaient oublier de signaler un décès au bureau de recrutement d’où un signalement pour insoumission. Dans le cas ci-dessous, a situation ne fut régularisée que tardivement, en 1941.

La recherche peut être compliquée en raison d’erreurs dans l’orthographe du nom. Dans l’exemple ci-dessous, il est minime, mais il peut s’avérer bien plus important dans d’autres cas.

Il faut aussi prendre en compte le fait que certains hommes se trouvent mentionnés plusieurs fois en cas de récidive et ces listes, comme tout travail humain, comptent des erreurs, des oublis. Dans l’exemple traité ci-après, on trouve une erreur dans le matricule et dans le nom !

Pour finir, la principale limite de la source pour qui voudrait chercher un nom est la difficulté pour le retrouver, bien que dans chaque numéro, les hommes soient classés par ordre alphabétique. On ne peut qu’espérer une numérisation prochaine à la fois pour permettre à tous de consulter ces listes et, dans l’idéal, comme le propose Gallica, une recherche « plein texte ».

  • Un exemple

Le cas d’Auguste Jérôme Allouchery permet de visualiser le fonctionnement de la publication.

ÉtapeFiche matriculeBulletin
Un parcours classique malgré des délits douaniers avant son incorporation1913 : Ajourné 1914 : Reconnu bon pour le service armé 21/10/1914 :Incorporation au 73e RI 08/01/1915 : Rejoint le 135e RI, probablement dans la zone des armées. 25/12/1915 : Affecté à la 3e compagnie du 407e RI
Refus d’obéissance à un ordre de service en territoire en état de guerre Condamnation18/05/1916 : refus d’obéissance 01/07/1916 : passe à la 2e compagnie du 407e RI 10/07/1916 : passage devant le conseil de guerre de la 130e DI. Condamné à 1 an de prison, peine suspendue
Désertion30/07/1916 : Passe à la 1ère compagnie du 39e RI 11/08/1916 : Manque aux appels 17/08/1916 : DéserteurInséré dans le n° 247 du 2 octobre 1916 59.721. – ALLOUCHERY (Auguste), né le 20 décembre 1892, à Auchy-lès-Hesdin (Pas-de-Calais), fils de feu Auguste et de feu Brunet Marie. Signalement : taille 1 m. 68 c. ; cheveux châtains ; yeux gris. Déserteur le 17 août 1916, du 39e régiment d’infanterie à Rouen.
Condamnation17/09/1916 : se présente volontairement à la gendarmerie de Houdain 21/09/1916 : retour au front 26/09/1916 : écroué à la prévôté de la 130e DI. 04/11/1916 : condamné à 2 ans de travaux publics, peine suspendue. 05/11/1916 : Affecté à la 9e compagnie du 407e RISignalement annulé dans le n°249 du 10 octobre 1916.
Désertions16/03/1917 : Manque aux appels 21/03/1917 : Déserteur 28/03/1917 : Arrestation 05/04/1917 : retour au 407e RI, en subsistance à la CHR 07/04/1917 : Manque aux appels 10/04/1917 : Déserteur 12/04/1917 : Arrêté à Paris 23/04/1917 : Ramené au corps par la gendarmerie
Inséré dans le n° 278 du 7 mai 1917 69.836. – ALLOUCHERIE (Auguste), né le 50 (sic) décembre 1892, à Auchy-les-Fesdin (Pas-de-Calais), fils de Auguste et de Brunet Marie. Signalement : taille 1 m. 60 c. ; cheveux châtains ; yeux marrons. Déserteur le 10 avril 1917, du 407e régiment d’infanterie aux armées. Nota. – Figure déjà au Bulletin 244, sous le n° 58.804.
Condamnation24/04/1917 : Affecté à la 24e compagnie et écroué à la prison du GQG de la 130e DI. 07/07/1917 : Condamné par le conseil de guerre de la 130e DI à 15 ans de détention et à la dégradation militaire pour désertion à l’intérieur en temps de guerre (…) et désertion en présence de l’ennemi. 02/08/1917 : Ecroué à la maison centrale de Melun, exclu de l’armée. 09/08/1918 : Admis bien qu’exclu à contracter un engagement pour la durée de la guerre.
Engagement volontaire Désertion28/08/1918 : Engagé volontaire pour la durée de la guerre au 2e BMILA. 17/09/1918 : Arrive au corps. 23/10/1918 : manquant à l’appel [02/11/1918 : Déserteur] Mention absente de la fiche matricule.Inséré dans le n° 360 du 2 décembre 1918 103.924. – ALLOUCHERY (Auguste-Jérôme), né le 20 décembre 1892, à Auchy-les-Esdin (Pas-de-Calais). Déserteur le 2 novembre 1918, du 2e bataillon d’Afrique aux armées. Nota. – Figure déjà au Bulletin 278, sous le n° 69.836.
Condamnation22/12/1918 : s’est présenté volontairement 01/02/1919 : passé au 1e BMILA après dissolution du 2e BMILA. 07/05/1919 : condamné par le conseil de guerre d’Oran à 5 ans de travaux publics pour désertion à l’intérieur en temps de guerre avec désertion antérieure. 05/07/1919 : écroué à l’établissement P. de Bossuet. 06/09/1919 : annulation de l’ordonnance de suspension des précédentes peines (1916, 1916 et 1917). 21/10/1919 : dirigé vers la prison civile d’Oran. 29/01/1920 : immatriculé aux exclus métropolitains. 01/04/1921 : par décret, obtient la remise du restant de la peine de 5 ans de travaux publics de 1919. 23/01/1922 : libéré de la maison centrale de Clairvaux

Même s’il manque quelques éléments au niveau des dates de fin du signalement, on constate que la diffusion dans le bulletin avait plusieurs inconvénients :

– a priori (puisque je ne me base que sur un seul exemple ! ), une publication qui manquait de réactivité. Il faut jusqu’à deux mois pour que la diffusion de l’information se fasse par le biais du bulletin… alors que l’homme est déjà arrêté et a déjà été condamné dans un cas. La rapidité semble toutefois meilleure en 1918.

– des informations mal typographiées : le nom contient une erreur dans la deuxième publication, la taille est imprécise (1,65 m dans la fiche matricule, 1,68 et 1,60 dans les bulletins), l’orthographe de la commune de naissance n’est jamais la même, le « 20 » décembre devient le « 50 » dans une publication et dans un cas la référence à une précédente insertion se trouve être complètement erronée.

  • En guise de conclusion

Cette source, malgré ses erreurs et la difficulté d’utilisation, pourrait se révéler fort utile s’il existait une série complète et surtout si elle était numérisée et indexée.

Si vous avez des informations sur cette source, n’hésitez pas à me contacter : tout élément complémentaire permettra de préciser les informations très partielles fournies ici.

  • Sources :

-« Bulletin de recherches des déserteurs & insoumis des armées actives de terre & de mer« , Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, 2 R 281.

– Fiche matricule d’Allouchery Auguste, classe 1912, matricule 125 au bureau de recrutement de Béthune, Archives départementales du Pas-de-Calais, 1 R 8270, vues 281 à 284.


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