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Le certificat de bonne conduite (CdBC)

Voici une information que l’on trouve systématiquement sur la fiche matricule, sous différentes formes, avec deux possibilités seulement, « accordé » ou « refusé ».

  • Le principe

Les hommes libérables répondant aux exigences fixées par le règlement de service intérieur obtiennent un certificat de bonne conduite. Sous la forme d’un diplôme signé par le chef de corps, le général de brigade ou l’officier général dont le corps relève directement, ce document avait une valeur particulière pour l’homme. Il marquait la fin du service actif et revêtait une grande importance pour un futur emploi (dans la gendarmerie par exemple). Dans un livre à la gloire de l’œuvre éducative et moralisatrice de l’armée, un lieutenant écrit, ce qui résume bien la vision qu’on avait du certificat de bonne conduite à l’époque : « le certificat de bonne conduite qu’ils emportent, signé du Colonel et du Conseil d’Administration du Corps, est la meilleure des références ». C’est aussi un discours présent dans la littérature pour jeunes garçons comme dans un ouvrage de la série « Tu seras », Tu seras chef de famille : « Le devoir de tout bon Français est de mériter un certificat de bonne conduite pendant son service militaire. C’est son intérêt, car cette pièce est fort utile pour trouver un emploi ».

On le retrouve souvent précieusement roulé voire encadré.

La variété des diplômes est grande car il devait respecter les modèles réglementaires (modèle XXVI pour l’infanterie, modèle XXVII pour la cavalerie et l’artillerie) décrits en annexe dans les règlements du service intérieur de chaque arme, mais n’y avait pas de modèle unique. Illustré ou non, de grande ou de petite taille, même son texte pouvait varier : « Le certificat est établi sur beau papier, résistant et illustré de faits d’armes tirés, autant que possible, de l’histoire du régiment » indique le règlement.

Les changements intervenus au cours de la période 1887-1914 expliquent la variété des diplômes, des textes et des informations qui y figurent. Il arrive que l’on trouve le statut marital de l’homme (célibataire, marié, veuf) et le nombre d’enfants qui n’est demandé par aucun des règlements consultés. Sur d’autres modèles, dans le respect des modèles, on trouve le détail des jours de punitions depuis 1883.

Gros plan : La note ministérielle du 16 janvier 1891.

Il était d’autant plus précieusement conservé qu’il n’est pas fourni de duplicata ou de copie. D’ailleurs, des sanctions étaient prévues par l’article 161 du code de justice militaire pour les personnes ayant réalisé ou utilisé un faux certificat de bonne conduite. Il n’est pas possible non plus aujourd’hui d’en obtenir une copie auprès des services de l’État.

  • Les conditions pour l’obtenir

Ce sont les décrets de règlement du service intérieur successifs qui précisent les modalités du précieux document. Le texte le plus ancien référencé dans les décrets est une note ministérielle en date du 26 juillet 1853 et semble donner les prescriptions pour recevoir le document, prescriptions globalement toujours en usage un demi-siècle plus tard.

Voici un résumé des modalités d’obtention du certificat :

Avant 1892Conditions : au moins un an de service armée, « aucune punition qui blesse l’honneur ou qui annonce l’indiscipline ou l’inconduite habituelle ».
1892-1905Article 327 du règlement du service intérieur dans l’infanterie.
Article 318 du règlement du service intérieur dans la cavalerie.
Article 345 du règlement du service intérieur dans l’artillerie.
Conditions : 1 an et 1 jour de présence effective. « Pas de punition touchant la probité, l’honneur, la moralité et qui n’a pas une conduite inhabituelle, pas de punition de 15 jours de prison au cours de la dernière année du service ».
1905-1913Au moins 6 mois de présence effective. Pas de punitions supérieures à 8 jours de prison régimentaire (peine entraînant un maintien au corps à l’échéance du temps de service actif de la classe).

Quelques jours avant la libération de la classe, une commission spéciale se réunit. Sa composition varie en fonction de l’unité (régiment, bataillon de chasseur, cavalerie, artillerie…). Dans tous les cas, elle est présidée par le chef de corps qui est au final le seul à signer le certificat. La décision prise par la commission est validée par le général de brigade. Même les désaccords entre la commission et le général de brigade sont prévus : c’est le ministre de la guerre qui décide en dernier ressort.
Pour en savoir plus, la lecture de l’article 327 du règlement du service intérieur de l’infanterie du 20 octobre 1892 est très instructif.

Gros plan : L’article 327 du règlement du service intérieur du 20 octobre 1892.

Une fois la décision définitive, le soldat reçoit son diplôme et le livret matricule est complété. On en trouve la mention réglementairement dans la fiche matricule de chaque conscrit et parfois dans son livret individuel.

  • Dans la fiche matricule

De ce certificat de bonne conduite ne reste bien souvent que la mention dans la fiche matricule, sous une forme manuscrite ou réalisée à l’aide d’un tampon, toujours avec des formulations variables :

– A reçu ou a obtenu un certificat de bonne conduite

– Certificat de bonne conduite : accordé (manuscrit)

– Certificat de bonne conduite : accordé (tampon)

– Un mélange des deux (tampon et manuscrit)

On trouve sa mention sous une forme complète comme dans les cas présentés ci-dessus, et c’est la forme la plus fréquente, mais aussi sous une forme abrégée : « Certificat de BC accordé » comme dans le cas ci-dessous voire « CDBC accordé ».

  • Certificat accordé ou refusé

Tourner les pages de registres matricules permet de constater que la mention « refusée » n’est pas si fréquente. Dans son étude, l’historien Jules Maurin, dans le tome 3 de l’Histoire militaire de la France, indique que 1 à 2% des hommes d’une classe sont concernés.

Le cas ci-dessus est celui d’un mutin du 17e RI en 1907 : aucune indication de sa condamnation ni des faits, mais un envoi en Afrique du Nord puis le refus du certificat, c’est tout.

La liste des condamnations d’un homme ne suffit pas pour comprendre pourquoi elle n’a pas été accordée : la fiche matricule est bien souvent vide d’éléments pour le comprendre et l’indication d’un passage devant le Conseil de guerre n’est que la partie émergée de l’iceberg. Quand on observe les relevés de punitions de recrues dans les rares livrets militaires qui n’ont pas été détruits ou dans les dossiers de Conseil de guerre, on constate que la réalité dans sa complexité nous échappe et qu’on ne peut que l’approcher avec la mention allant avec le certificat de bonne conduite et les jours de maintien au corps.

Gros plan : Le relevé de punitions du soldat Pailleux (29e BCP)

De même, dans certains cas, un grand nombre de sanctions, un maintien au corps à la fin de la période d’active n’empêchaient pas une recrue de recevoir son certificat : la commission jugeait au cas par cas et le général de brigade pouvait faire la proposition pour qu’il l’obtienne.

  • Le cas des hommes qui ne sont pas tenus de présenter un certificat de bonne conduite

Les hommes ayant fait moins d’un an de service de 1889 à 1905 (article 327 du règlement du service intérieur) ou moins de six mois à partir de 1905, sont dispensés de présenter ce diplôme. Cela concerne les recrues réformées au cours du service actif. Cette dispense est parfois notée dans les fiches matricules comme on peut le constater dans l’exemple ci-dessous :

Toutefois, le cas où ces hommes seraient rappelés au service actif est aussi prévu (circulaire du 8 septembre 1898) : « Dans le cas où ces hommes seraient rappelés à l’activité, ledit certificat sera remis au conseil d’administration, qui, à la libération définitive de l’intéressé, délivrera ou en refusera un autre, dans les conditions réglementaires ». Un nouveau texte modifiera ce cas : l’ancien certificat sera détruit.

  • Le certificat de bonne conduite dans le livret militaire

Il est possible de trouver la mention de l’obtention du certificat de bonne conduite dans le livret individuel.

Toutefois, si dans la circulaire ministérielle du 16 août 1892 relative au renvoi dans leurs foyers des hommes à libérer en 1892 il est rappelé l’importance de faire figurer cette mention dans le livret individuel, on ne la trouvera que dans les modèles antérieurs au décret du 26 juin 1901 : à partir de cette date, la mention de refus ou de délivrance du certificat n’a plus à y figurer. Cela explique que le modèle 1906 ne possède plus d’emplacement à cet effet.

Toujours pour se conformer aux textes officiels, on trouve normalement l’indication pour certains hommes qu’ils n’ont à justifier de l’absence de certificat car ils n’ont pas passé un an à la caserne.

Avant 1901, il est aussi possible de trouver des livrets vierges de toute mention alors que l’homme a bien passé au moins un an et un jour à la caserne.

En contradiction avec le règlement, la case ne fut pas toujours complétée avant 1901 comme dans le cas ci-dessus. Cela explique les rappels officiels comme dans la circulaire ministérielle du 16 août 1892.

Gros plan : Le décret du 26 juin 1901

Pour compléter cette page, je suis à la recherche :

  • du texte la note ministérielle de juillet 1853 ;
  • d’images de certificats de bonne conduite.
  • Sources :

Guennebaud Louis. La vie à la caserne au point de vue social, Saint-Brieuc, Imprimerie René Prud’homme,1906, page 46. Accès direct sur Gallica.

Nicolas George, « Tu seras chef de famille », livre de lecture sur la morale domestique, Paris, Armand Colin & Cie, 1891, page 127. Accès direct sur Gallica.

Code de justice militaire pour l’armée de terre (9 juin 1857). Annexes, formules, modèles et dispositions diverses. 6e édition, mise à jour des textes en vigueur jusqu’au 1er octobre 1908, Editions H. Charles-Lavauzelle, Paris, 1908. Accès direct à l’ouvrage sur Gallica.

En complément, on peut se reporter vers le Code-manuel de justice militaire pour l’armée de terre, annoté d’après la jurisprudence de la cour de cassation et des conseils de révision, suivi d’une tenue d’audience très complète à l’usage des présidents et juges des conseils de guerre, des codes criminels, des dispositions concernant les opérations militaires…3e édition entièrement mise à jour. Editions H. Charles-Lavauzelle, Paris, 1895. Accès direct sur Gallica.

4. André Corvisier [dir.], Histoire militaire de la France tome III, De 1871 à 1940, sous la direction de Guy Pedroncini, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, page 102.

Pour un premier aperçu statistique des mutineries de 1907 au 17e RI voir les données fournies par Jules Maurin dans André Corvisier [dir.], Histoire militaire de la France tome III, De 1871 à 1940, sous la direction de Guy Pedroncini, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, page 115.

Journal militaire, 103e année, année 1891, deuxième semestre. Paris, L. Baudoin et Cie, 1891, page 68. Accès direct au texte sur Gallica.


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