Il est possible d’en apprendre beaucoup par l’intermédiaire des archives militaires dont il est systématiquement question dans les pages de ce site. Cependant elles sont loin de « tout dire ». Voici quelques pistes, avec toujours comme objectif de retrouver un combattant de 14-18.
1. Mener l’enquête
Vouloir retrouver le parcours d’une personne, vous l’avez peut-être déjà constaté, s’apparente à une enquête. Le vocabulaire est d’ailleurs le même que pour une enquête de police car la méthode est identique. Pas d’affirmation gratuite, on expose des faits que l’on peut démontrer avec des preuves (des sources en histoire), on élabore des hypothèses avec des indices et on cherche à les étayer pour les démontrer. On mène donc des investigations pour trouver des faits que l’on recoupe afin d’arriver à des certitudes. Seule la fin diffère : en Histoire, on ne juge pas. Le but n’est pas de rendre un verdict contre les acteurs des faits de cette époque, on cherche simplement à comprendre comment les personnes ont vécu ces faits, quels étaient ces faits.
Le chercheur n’a pas de parti pris. Il mène son investigation de manière neutre, dans le seul but de pouvoir établir les faits, quitte ensuite à mettre ces faits au service d’un thème en Histoire, d’un objet d’étude.
Franchir la limite est facile : un adjectif peut facilement montrer son sentiment personnel sur une question. Il ne fait que traduire notre propre vision, notre émotion, notre ressenti. Mais qui ne sera pas obligatoirement partagée par notre lecteur. On cherche à comprendre une époque, ce qui s’est passé en un lieu à une date, à retrouver les éléments diffus de la vie d’une personne. Non ce qu’en pense la personne qui fait l’étude. Cela n’est pas une volonté de déshumaniser le travail sur un individu, juste le rappel d’une règle importante dans la recherche historique. Nos sujets d’études vivaient dans un autre contexte, pensaient différemment. Donner son opinion, ses sentiments, fruits de notre époque, de notre parcours personnel, les plaquer sur une autre époque, c’est s’éloigner du but qui est de comprendre une époque qui n’est pas la nôtre, de personnes qui ne sont pas nous. On ne fait pas de l’Histoire avec des intuitions, mais avec des sources.
Au fait, en grec ancien, le mot « historia » – qui a donné notre mot « Histoire » – veut dire « enquête ».
2. Les principales sources d’informations
Construire le parcours d’un homme, lui donner du volume, de la vie, nécessite des informations. Une seule source donnera des résultats moins riches que le croisement de plusieurs.
– Les souvenirs de famille par transmission orale :
Au cours d’une discussion, vous avez pu entendre des récits sur un membre de la famille, sur quelques faits liés au combattant sur lequel vous faites des recherches. Il y a même des « légendes familiales », souvent sur des éléments glorieux ou dignes d’aventures romanesques et de ce fait mieux conservées que d’autres souvenirs plus quotidiens.
Ces bribes donnent souvent des éléments anecdotiques à ne pas négliger. Ces éléments sont utiles et à conserver. Mais pour les utiliser, il convient de faire preuve de prudence, une prudence d’autant plus grande que le nombre d’intermédiaires a été grand et que le fait est ancien. Même dans le cas d’un témoignage direct (par le combattant), la prudence s’impose : tout témoignage peut faire l’objet d’une sélection voire d’une reconstruction (consciente ou non d’ailleurs).
Pour utiliser ces souvenirs transmis oralement sans les prendre pour argent comptant, il est nécessaire de les croiser avec d’autres sources qui les confirment ou les nuancent.
– Les souvenirs de famille transmis par des écrits :
Dans cette catégorie, je ne place que les écrits a posteriori et sur le sujet qui nous intéresse : une petite biographie réalisée par un membre de la famille, des notes ou une autobiographie rédigées par le combattant.
Il arrive que le contenu d’une autobiographie soit très dense. Ce ne doit pas être une raison pour abandonner votre recherche au prétexte que tout est déjà écrit. D’une part, ces écrits laissent souvent des pans entiers sous silence. D’autre part, il faut voir ces écrits comme une source supplémentaire d’informations à confronter aux autres.
– Les sources familiales transmises par les documents :
Une photographie, une carte postale, une lettre, une correspondance sont autant de documents à intégrer au dossier de la recherche sur une personne. On imagine mal la quantité d’informations fournies par le portrait d’un homme en uniforme, ou une simple carte postale. Vous pouvez trouver dans certaines pages de ce site des éléments permettant de trouver des éléments de datation ou d’interprétation.
– Les sources administratives :
Le sources administratives sont d’une grande richesse. On pense souvent à l’état civil, mais en plus des différents actes disponibles (naissance, mariage et décès, parfois divorce), de nombreuses sources sont disponibles dans les archives départementales. Recensement de la population (parfois en ligne), il n’y a pas de pistes à négliger.
Gros plan : Le recensement de la population.
Gros plan : le recueil des actes administratifs de la préfecture
Gros plan : les archives des préfectures
– La presse locale :
Elle est souvent très riche. Parfois des listes de noms, mais surtout des informations pour mieux appréhender la vie quotidienne de l’époque sur laquelle vous travaillez. Les bibliothèques municipales ou les archives départementales peuvent disposer de cette source, parfois mise en ligne également.
Gros plan : La presse locale avant guerre
– Les sources militaires :
La principale source est le registre matricule. Plusieurs pages de ce site lui sont consacrées tant la fiche matricule de chaque conscrit est riche en informations. Disponibles aux Archives départementales du lieu où l’homme s’est fait recenser suite aux versements effectués par l’administration militaire, ces registres ne sont toutefois pas les seules sources disponibles. Centralisés par le préfet, certains documents complémentaires sont regroupés dans la série R avec les registres matricules.
Pour les engagés volontaires ou les hommes ayant changé de domicile, il est possible de trouver une source complémentaire : la liste matricule.
Le Fichier des Morts pour la France du site Mémoire des Hommes est un bon pont de départ pour retrouver la fiche matricule d’un soldat mort au cours du conflit.
Gros plan : Le fichier des MPF du site Mémoire des Hommes (MDH)
3. Proposition de synthèse des sources en fonction de ce vous cherchez :
Les raisons de se lancer dans la recherche du parcours d’un homme mobilisé pendant la Première Guerre mondiale sont multiples : généalogie, découverte d’un document, recherches diverses (sur un régiment, une commune, un monument, un lieu de combats…).
On imagine souvent mal la quantité de documents qui peuvent apporter – potentiellement – des informations sur un homme.
Ce qui suit est une liste des sources disponibles. Évidemment, cet ensemble est théorique et il est fréquent dans une recherche soit de ne pas trouver d’informations dans la source, soit de réaliser que la source n’existe pas dans le département. Sont notées en vert les informations que l’ont est à peu près sûr d’obtenir. Pour toutes les autres, leur disponibilité voire leur existence dépend de ce qui a été transmis aux services d’archives. Quand c’est possible, on peut en savoir plus sur la source en cliquant sur le lien « voir cet article ».
Ces sources sont réparties en quatre étapes :
– Les informations sur la période qui précède les obligations militaires.
– Les informations sur les obligations militaires jusqu’à l’incorporation.
– Les informations sur le parcours d’un homme pendant la guerre.
– Les informations sur l’après-guerre.
Ces informations concernent les soldats de France métropolitaine. Pour les soldats d’Algérie, voyez le mode d’emploi d’une telle recherche réalisé par Michael Bourlet :http://sourcesdelagrandeguerre.fr/WordPress3/?p=3240
Pour alléger la lecture, j’ai utilisé les trois abréviations suivantes :
– AD : Archives départementales
– AM : Archives municipales
– BM : Bibliothèque municipale
Toutes les adresses des sites des Archives départementales ainsi que la possibilité de consulter les registres matricules en ligne sont sur cette page.
Attention : cette page n’a pas la prétention d’être exhaustive. Elle sera complétée au fur et à mesure des travaux sur d’autres sources. Je ne peux que conseiller la consultation des inventaires des série R et M dans les Archives départementales, elles regorgent d’informations.
Si vous remarquez des erreurs, des oublis, n’hésitez pas à me contacter.
1. La jeunesse avant les obligations militaires :
| ¤ Acte de naissance | AD du département de naissance ou service de l’état civil de la commune de naissance. Pour retrouver un Français né à l’étranger : Méthode proposée par les AM de Bagneux | |
| ¤ Acte de mariage | AD du département de la commune où s’est déroulé le mariage ou service de l’état civil de la commune où s’est déroulée la cérémonie. | |
| ¤ Recensement de la population | AD du département du domicile de la famille. | |
| ¤ Listes électorales | AD du département du domicile, série M. | |
| ¤ Annuaire | Gallica, AD du département du domicile. | |
| ¤ Presse locale | AD, AM, BM (liste du certificat d’étude, du brevet d’aptitude militaire…) |
2. Les obligations militaires avant-guerre :
| ¤ Fiche matricule | AD du département du domicile à 20 ans, série R. | |
| ¤ Listes de recrutement et tableaux de recensement | AD du département de domicile à 20 ans, série R ; parfois AM de la commune du domicile. | |
| ¤ Listes du tirage au sort | par arrondissement, avant 1905, AD du département du domicile à 20 ans, série R. | |
| ¤ Procès-verbaux des opérations du conseil de révision | AD du département du domicile à 20 ans, série R. | |
| ¤ Attestations fournies dans le cadre d’une dispense, d’un sursis | AD du département du domicile, série R. | |
| ¤ Dossier du passage devant le conseil de guerre | AD du chef-lieu de région militaire, série R. | |
| ¤ Enquêtes de moralité des préfectures (officiers) | AD du département d’affectation de l’officier. | |
| ¤ Le livret individuel | Non archivé, pas de copie possible. Seul exemplaire gardé (ou non) par le soldat et sa famille. | |
| ¤ Le Certificat de bonne conduite | Non archivé, pas de copie possible. Seul exemplaire gardé (ou non) par le soldat et sa famille. | |
| ¤ Une photographie | Pas de photographie systématique réalisée par les services de l’armée. Parfois un album régimentaire et surtout des clichés privés conservés parla famille. | |
3. Pendant la guerre :
a. Si trop âgé pour être mobilisé :
| ¤ Volontaire pour la garde civile | AD du département du domicile, série R ou M. |
b. Engagement volontaire :
| ¤ la liste matricule | Engagé volontaire quel que soit l’âge. AD du département d’engagement, série R. | |
| ¤ Actes d’engagement, liste des engagés | AD du département du domicile, série R. |
c. Si réformé ou exempté avant-guerre :
| ¤ Procès-verbaux des opérations du conseil de révision | Voir 1914 et 1917 pour l’examen des ajournés, réformés et exemptés – AD du domicile, série R. |
d. Si profession permettant un sursis ou un report à l’incorporation :
| ¤ Demandes, tableaux, bulletins individuels des professions concernées | AD du département du domicile, série R. |
e. Si l’homme a été blessé :
| ¤ Fragments de dossiers médicaux | Service des Archives Médicales Hospitalières des Armées, par mail. |
f. Si prisonnier :
| ¤ Dossier de la Croix rouge | Archives de la Croix rouge, Suisse. Accès au site. | |
| ¤ Divers | Listes de soldats prisonniers, listes de prisonniers recevant des colis, opérations en faveur des prisonniers, enquêtes officielles. AD du domicile, série R, série M parfois série J. Liste de prisonniers de la Gazette des Ardennes. Accès au site. |
g. Si mort à la guerre :
| ¤ Fiche Mémoire des Hommes | Site du SGA. Accès au site. | |
| ¤ Transcription de l’acte de décès ou du jugement | AD ou Service de l’état civil de la commune de transcription. | |
| ¤ Acte de décès dressé par le corps | Archives nationales, site de Fontainebleau. | |
| ¤ Jugement du tribunal en cas de disparition | AD du département du domicile, série U. | |
| ¤ Liste des familles ayant reçu un diplôme de MPF | AD du domicile de la famille, série M ou R. | |
| ¤ Mémentos et cartes de décès | SIte Généawiki. Plusieurs centaines de documents. | |
| ¤ Recherche de disparus | AM de grandes communes, AD du département du domicile, série R ou M |
h. Si détaché agricole :
| ¤ Listes des détachés | Parfois contrôles, affectations. AD du département de résidence, série R. |
i. Si officiers :
| ¤ Dossier d’officier | SHD Vincennes. Lien vers l’outil de recherche. Voir les articles très complets de Michael Bourlet sur son blog. |
j. Si médaillé :
| ¤ Textes de citations | Gallica. Accès direct à l’outil de recherche des citations. | |
| ¤ Dossier de la Légion d’honneur | Base Léonore, ministère de la culture. Accès à l’outil de recherche. |
k. Si déserteur ou insoumis :
| ¤ Bulletin des déserteurs et des insoumis | Trouvé dans un service d’AD,série R. |
4. Après la guerre :
a. Si mort à la guerre
| ¤ Dossier de succession | Enregistrement et déclarations de successions. AD du département du domicile, série Q. | |
| ¤ Dossier de pupille de la nation des enfants | Listes communales, demandes de secours, parfois dossier individuel. AD du département du domicile, série R. |
b. Si survivant à la guerre :
| ¤ Carte d’ancien combattant | AD du département du domicile au moment de la demande, série R. | |
| ¤ Dossier pour l’obtention de la carte d’ancien combattant | AD du département du domicile au moment de la demande, série R. | |
| ¤ Liste des mutilés par commune | AD du département du domicile au moment de la demande, série R. | |
| ¤ Emplois réservés | AD du département du domicile au moment de la demande, série R. |
Dernière mise à jour : 3 septembre 2023
