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Presse locale avant-guerre

Une source pour la vie militaire

Cette source est disponible soit aux Archives départementales, soit aux archives municipales soit dans les bibliothèques des grandes villes. Depuis plusieurs années, de plus en plus d’éditions sont mises à la disposition des chercheurs sur internet ce qui facilite son accès et l’utilisation de cette source très riche pour qui a le temps de l’éplucher.

  • Présentation de la source

Il ne s’agit pas ici de travailler avec des journaux parisiens comme Le Temps ou le Figaro pour n’en citer que deux disponibles sur Gallica. Ce sont les journaux locaux qui vont être au centre de ce petit article, souvent publiés pour une ville ou un canton, parfois pour un département. Leur présentation est souvent la même, le nombre de pages pouvant aller en général de 2 à 6. Une première page consacrée aux nouvelles nationales et internationales, la suite s’attachant plus aux nouvelles de la localité et de ses alentours. La ou les dernières pages sont le plus souvent consacrées aux nouvelles sportives, financières, aux publicités, au roman feuilleton, aux petites annonces et aux horaires de trains.

  • L’omniprésence de l’armée dans la presse locale du début du XXe siècle

Ce sont les pages locales qui sont les plus riches en informations pouvant être utiles pour reconstruire le parcours d’un homme. En effet, les informations touchent des domaines qui concernent tout homme ayant été appelé sous les drapeaux avant la guerre ou pendant la guerre : informations sur le parcours de la classe (informations sur le recensement, le conseil de révision, l’appel de la classe, la libération), informations sur le quotidien des régiments locaux (activités sortant de l’ordinaire – séjour dans un camp, manœuvres… – événements au régiment…) et faits divers. Si l’on ajoute les informations sur l’armée au niveau national (questions de société, débats, nouveautés, promotions…), on peut dire que le thème de l’armée est abordé quasiment de manière quotidienne dans de nombreux journaux locaux, à certaines périodes. Voici, illustrée, une typologie des principaux thèmes liés à l’armée évoqués dans la presse locale et leur utilité pour le chercheur amateur. Cette présentation est illustrée essentiellement avec des articles du journal d’Angers Le Petit Courrier qui couvrent une période allant de septembre 1911 à août 1912. On y trouvera de fréquentes mentions du 135e RI, du 6e génie et du 71e régiment territorial de cette ville.

Chaque journal étant différent, certains se révèlent très riches en informations utiles sur l’armée, d’autres beaucoup moins. Cette synthèse montre tout ce qu’il est possible de trouver mais ne garantie pas que ce soit le cas pour tous les journaux locaux.
  • Pour suivre le régiment local

La presse locale suit avec beaucoup d’attention le ou les régiments locaux. On peut trouver des statistiques sur les effectifs, les promotions, mutations, nominations des officiers, les grands faits de l’année (manœuvres, étapes d’un mouvement, concerts de la musique régimentaire, retraites militaires, défilés, revues, inspections), décorations de soldats. Les manœuvres d’automne font l’objet de comptes-rendus quotidiens, à la manière d’un feuilleton.

Accessoirement, on peut trouver des informations sur un camp se trouvant à proximité et en déterminer l’occupation.

Le point commun de ces informations n’est pas spécialement d’informer les soldats mais leur famille et la population : la famille pour qu’elle puisse écrire lors des marches et manœuvres, la population pour qu’elle puisse participer aux festivités organisées ou être au courant de mesures de sécurité lors d’exercices à tirs réels ou à l’explosif.

On le voit, il est possible de suivre dans ses grandes lignes le parcours annuel du régiment où la personne au centre des recherches a fait son service militaire.

  • Suivre les recrues

En tant que source d’informations, la presse locale transmet tout ce qui touche aux devoirs des hommes vis-à-vis de l’armée.

– Pour la nouvelle classe, on va souvent trouver les rappels pour le recensement (en décembre), les dates du conseil de révision, et avant 1905 du tirage au sort, les dates de l’incorporation. Même si ce n’est pas valable pour les petites communes, certains journaux publient la liste des hommes appelés à passer devant le conseil de révision d’un canton voire le résultat du passage. C’est le cas dans les extraits ci-dessous : la première liste nominative donne aussi l’adresse de chaque conscrit, la seconde, le résultat de conseil de révision pour chaque homme convoqué.

On peut aussi trouver des données sur les dates ou le programme du Brevet d’Aptitude Militaire. Les journaux publient parfois des statistiques sur la répartition de la nouvelle classe dans les diverses armes, la provenance des nouvelles recrues du régiment.

L’incorporation de la nouvelle classe début octobre est un des marronniers de la presse de l’époque : on trouve chaque année des articles voire des photographies en première page.

– Pour les réservistes, la presse locale est aussi une bonne source d’informations à défaut d’avoir accès aux sources officielles (bulletins de la préfecture, textes officiels). On ne trouve pas toutes les dates des venues des réservistes à la caserne, c’est surtout la période des manœuvres d’automne (les « grandes manœuvres ») qui sont au centre des articles. En fin d’année est tout de même publiée la liste des appels de réservistes de l’année suivante.


– Tous les ans, la répartition des classes dans l’armée d’active, dans la réserve, dans l’armée territoriale et dans la réserve de l’armée territoriale faisait l’objet d’une publication dans la presse.

  • Les faits divers

Cette rubrique occupe une place importante dans la presse du début du XXe siècle, y compris dans les journaux locaux. Des militaires étant concernés, on pourra retrouver leur trace dans cette rubrique, en tant que témoin, victime, acteur, auteur. Les militaires étant jugés par la justice militaire, la majorité des cas se terminera devant un conseil de guerre dont il est fait une large publicité dans les colonne des journaux (dans la région militaire du journal et parfois dans celles limitrophes).

– Absences illégales, désertions ou insoumission, pour des avis de recherche ou des jugements ;
– Suicides, accident, noyade ;
– Assassinat, crimes, violences… ;
– Affaire d’espionnage (souvent à caractère national).

Dans presque tous les cas, les informations sont nominatives et permettent des recoupements avec la fiche matricule de l’homme concerné, même de retrouver son parcours pendant la guerre. A de rares exceptions, le nom est remplacé par une initiale. Les recherches sont toutefois parfois malaisées en raison de l’imprécision des informations sur la recrue et, plus souvent encore, en raison de coquilles dans le nom, d’erreurs de prénom pour ne citer que ces deux pièges. Les faits locaux font l’objet de développements plus complets et d’un suivi parfois sur plusieurs mois.

Les informations ainsi obtenues sont complémentaires de celles inscrites sur les fiches matricules. Ces dernières sont parfois moins précises pour les affaires de justice, mais peuvent aussi donner des détails supplémentaires dans d’autres cas de figure comme dans l’exemple ci-dessous (et accessoirement nous raconter la suite de l’histoire de cet homme) :

  • Un peu de vocabulaire

Non que les articles du siècle dernier soient écrits dans un langue qui nous soit étrangère, mais certains mots étaient d’une utilisation quasi quotidienne et peuvent être interpréter de manière différente aujourd’hui :

Tamponner : le plus souvent, il s’agit d’une collision entre deux trains. Puis par analogie, le terme a été utilisé pour les collisions entre un train et un obstacle (véhicule, être humain). Finalement, on peut le trouver dans le sens d’une collision toujours, entre deux véhicules (sans train) et parfois même pour une collision entre une automobile et une personne.

Chute : les journaux parlent souvent des chutes d’aviateurs. Il convient de ne pas imaginer l’aviateur tombant de son avion, mais bien l’avion s’écrasant au sol avec son pilote.

Tomber : même signification que la chute du pilote. Le plus souvent, l’avion tombe, il perd de l’altitude et s’écrase.

Apache : terme totalement tombé en désuétude, pourtant utiliser de manière très fréquente dans la presse du début du XXe siècle. Il s’agit ici d’une expression utilisée pour parler des jeunes voleurs et parfois par déformation, tout jeune délinquant. Vient de l’idée que les Apaches volaient leurs chevaux plutôt que de les élever eux-même.

Écumeur de gares : voleurs spécialisés dans les larcins commis dans les gares.

  • En guise de conclusion :

Même si la presse locale ne remplace pas l’accès à des sources officielles sur la vie du régiment (Archives départementales, SHD), elle peut combler quelques vides avec de précieuses indications et nous donner une vision un peu plus nette de la vie de la population à l’époque et de la place qu’avait l’armée dans la société. C’est une source qui peut aussi avoir un intérêt pour la vie et la compréhension du parcours d’un mobilisé pendant la guerre.

  • Sources :

Accès direct aux journaux dans le site Gallica.
Le Petit Courrier, disponible en consultation sur le site des Archives départementales du Maine-et-Loire (49). Cliquez sur le lien pour un accès direct aux ressources en ligne.


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