Un document à ne pas confondre avec la Fiche matricule
Cet autre document lié à un matricule ne concerne qu’une minorité des hommes. C’est toutefois un document qui peut se révéler utile pour retrouver la trace d’un engagé volontaire ou d’un homme ayant changé de domicile et de circonscription militaire.
- Qu’est-ce qu’une liste matricule ?
Il s’agit d’un registre temporaire réunissant les fiches des engagés volontaires et celles des hommes changés de subdivision suite à un « transfert » de domicile. Cette liste est établie en respectant les articles 19 et 20 instructions du 28 décembre 1895 (1), qui elle-même remplace des instructions plus anciennes :
Liste matricule.
Instruction du 28 décembre 1895 sur l’administration des hommes des différentes catégories de réserve dans leurs foyers. Journal militaire n° 31 bis, Librairie Baudoin, Paris, 1896, pages 115 et 116. Accès direct à la première page sur Gallica.
Art. 19. En vue de la bonne administration des hommes des réserves, il est indispensable que ceux de ces hommes qui transfèrent leur domicile hors de leur « subdivision d’origine » soient inscrits et immatriculés au bureau de recrutement de la nouvelle subdivision dans laquelle ils viennent s’établir.
A cet effet dans chaque subdivision, il est établi, comme annexe au registre matricule de chaque classe, un document de même nature appelé liste matricule (modèle N°1), sur lequel sont immatriculés les hommes qui, non originaires de la subdivision, viennent y fixer leur domicile.
Ces hommes sont inscrits sur la liste formant annexe au registre matricule de leur classe de recrutement. Ils en sont rayés, soit lorsqu’ils quittent la subdivision par changement de domicile, soit lorsqu’ils sont dégagés de toute obligation militaire (libération définitive, décès, réforme).
La liste matricule est établie par les soins du commandant de recrutement, qui est avisé des immatriculations à effectuer dans la forme et dans les conditions prévues au chapitre X.
Engagés volontaires
Art. 20. Le registre matricule de chaque classe n’étant ouvert qu’à la suite des opérations de révision qui la concernent, il est nécessaire d’immatriculer provisoirement, en attendant leur inscription définitive au registre matricule, les hommes (engagés volontaires) liés au service avant l’appel de leur classe.
Dans ce but, l’engagé volontaire est immatriculé sur la liste matricule de la classe appelée à l’activité dans l’année de son engagement.
Ainsi, le jeune homme qui s’engage dans le courant de 1895, est inscrit sur la liste matricule de la classe 1894, appelée à l’activité en 1895.
Dans les bureaux de recrutement de la Seine, les engagés volontaires sont immatriculés sur des registres spéciaux divisés par année d’engagement.
L’engagé volontaire est immatriculé soit au bureau de recrutement de la subdivision dont dépend le domicile de sa famille, soit, si sa famille est fixée à l’étranger, au bureau de recrutement de la subdivision dont fait partie la commune chef lieu de canton au siège de laquelle il a contacté son engagement.
Si l’engagé volontaire est orphelin, il est immatriculé au bureau de recrutement dont dépend son lieu de naissance.
Tant que l’engagé volontaire n’a pas été porté sur le registre matricule de sa classe, sa subdivision d’origine est celle sur la liste matricule de laquelle il est inscrit. Il ne cesse de figurer sur cette liste qu’après avoir été définitivement immatriculé au registre matricule, à moins qu’il n’ait été préalablement dégagé de toute obligation militaire (décès, réforme).
En vue de l’immatriculation provisoire des engagés volontaires, les maires sont tenus, dès qu’un acte d’engagement a été souscrit devant eux, d’en adresser une copie au bureau du commandant de recrutement qui doit assurer l’immatriculation de l’engagé.
Le commandant de recrutement immatricule l’homme aussitôt qu’il a reçu la copie de son acte d’engagement, copie qu’il conserve dans ses archives. Il établit en même temps le livret individuel et le livret matricule, qu’aux termes du décret du 14 janvier 1889 il doit adresser au corps.
À la suite des opérations de révision de sa classe, l’engagé est définitivement immatriculé, comme il est prévu article 18, sur le registre matricule de la subdivision où il a tiré au sort et qui devient exclusivement sa subdivision d’origine. Son nom est alors rayé de la liste matricule et toutes les indications le concernant qui figurent sur cette liste (signalement, services, mutations, etc.) sont reportées au registre matricule. A cet effet, et s’il y a lieu, le commandant de recrutement détenteur du registre matricule avise de la radiation à opérer le commandant de recrutement détenteur de la liste matricule et lui demande en même temps un relevé des inscriptions portées sur cette liste au titre de l’homme qui en est rayé. L’envoi de cet état est toujours accompagné des pièces d’archives de l’homme qu’il concerne.
(…)
L’engagé volontaire non encore inscrit au registre matricule qui transporte son domicile hors de sa subdivision d’origine, est temporairement immatriculé dans la subdivision dont dépend son nouveau domicile et dans les conditions prévues à l’article 113.
Exempté admis à contracter un engagement volontaire.
Art. 21. L’exempté admis à contracter un engagement volontaire est immatriculé sur la liste matricule de la subdivision de son domicile. C’est donc au commandant de recrutement de cette subdivision que le maire doit envoyer la copie de l’acte d’engagement. Les engagés de cette catégorie sont rayés de la liste matricule à l’expiration des contrats qui les tient au service.
(…)
Changement de domicile ayant pour effet de transporter l’établissement de l’homme en dehors de la subdivision de région où il se trouvait avant sa déclaration.
Art. 113. Si le changement de domicile a pour effet de transporter l’établissement de l’homme en dehors de la subdivision dans laquelle il était fixé avant la déclaration, le commandant de recrutement du nouveau domicile inscrit sommairement le déclarant sur la liste matricule, à moins qu’il ne figure déjà sur le registre matricule de la subdivision, et adresse au recrutement du domicile précédent un avis modèle n° 30. (…)
Le plus souvent, il se compose d’un volume unique plus ou moins épais suivant le nombre de fiches, rarement de deux volumes. Le début du registre est composé des fiches des engagés volontaires, la suite des hommes ayant changé de domicile. Si les premières ont été établies l’année de l’engagement, donc l’année de la classe indiquée sur la liste, les secondes ont été établies parfois une décennie après puisqu’elles enregistrent les hommes arrivés dans la subdivision.
Pour résumer le texte de l’instruction, voici deux exemples :
– Pour les engagés volontaires :
Ce document est temporaire car il permet d’immatriculer les engagés volontaires tant qu’ils n’ont pas reçu un matricule en même temps que les autres hommes de leur classe de recrutement. On trouve la fiche de l’engagé volontaire dans la liste matricule de la classe appelée cette année là. Une fois l’homme immatriculé dans le registre matricule de leur classe, la fiche de la liste matricule est barrée et n’est plus complétée. Dans tous les cas observés, la classe de recensement, le bureau de recrutement et le matricule sont indiqués. On le voit soit dans le cadre prévu à cet effet en haut à droite de la fiche, soit par une mention manuscrite.
– Pour les hommes ayant changé de domicile :
Un « transfert » de domicile conduit au changement de subdivision de recrutement, ce qui entraîne automatiquement la création d’une fiche dans la liste matricule dans la classe de recrutement de l’homme. L’intéressé a donc deux fiches : une fiche matricule qui indique le changement de domicile et la fiche de la liste matricule. La fiche est rayée en cas de réintégration dans la subdivision d’origine.
Que trouve-t-on dans la liste matricule ?
Cette fiche ressemble à s’y méprendre à une fiche matricule classique. On peut vraiment y voir une fiche matricule temporaire pour les hommes concernés. Seule différence notable : le cadre en haut à droite permettant de noter la classe, le numéro matricule dans la liste.
Par contre, comme il a été indiqué plus haut, il faut distinguer deux cas :
– les fiches des engagés volontaires incomplètes car arrêtées après l’établissement de leur fiche matricule dans le registre matricule de la classe de recrutement ;
– les fiches des hommes ayant changé de subdivision, aussi complètes que les fiches matricules. Il ne s’agit pas d’une copie de la fiche matricule, mais une fiche établie avec les documents envoyés. On peut donc noter quelques différences entre les deux.
Les fiches des listes matricules comportent à peu près les mêmes informations que la classique fiche matricule. J’ai pu observer quatre modèles différents de fiches de listes matricules, celui respectant l’instruction du 28 décembre 1879, celui suivant l’instruction du 28 décembre 1895, le modèle conforme à l’instruction du 20 juin 1910 et la fiche de l’instruction ministérielle du 8 juin 1911. Toutefois, on peut trouver des anciens modèles de fiches utilisées postérieurement à la mise en place d’un nouveau (le modèle 1879 toujours utilisé en 1909 en Corrèze par exemple).
Modèle n° 1 de l’instruction du 28 décembre 1879 :
Ce modèle se différencie du suivant principalement par la présence d’une ligne pour le culte.
Modèle n° 1 de l’instruction du 28 décembre 1895 :
Modèle n° 5 de l’instruction ministérielle du 20 juin 1910
Modèle n° 12 du 8 juin 1911 :
Le modèle ci-dessous tient compte de la réorganisation de l’armée territoriale, appelée 1ère et 2e réserve à partir du début des années 1920.
Où trouver cette liste matricule ?
La liste matricule se trouve théoriquement aux Archives départementales avec les registres matricules dans la série R. Dans les Archives départementales consultées, elles n’existent pas pour toutes les classes. Par exemple, aux Archives départementales de la Sarthe ou à celles de Vendée, les classes 1911 à 1918 uniquement sont conservées. Dans la mesure où il s’agit de versements du ministère des Armées dans les années 1970, il serait aisé d’imaginer qu’il en soit de même pour les autres circonscriptions de France, toutefois les inventaires en ligne ne le confirment pas : ces listes sont absentes des inventaires dans de nombreux cas.
Dans les cas où ces documents existent, on les trouve parfois sous des appellations incomplètes, comme en Meuse où il est question d’« étrangers à la subdivision uniquement, avec table » pour les classes 1899 à 1919. On trouve aussi les listes matricules sous des appellations erronées : « Liste matricule des hommes étrangers », certes mais « étrangers à la subdivision » (en Creuse). Il est même question de soldats « omis », terme annoté au crayon à papier sur les volumes de Corrèze.
Comment expliquer cette diversité de situations ? Erreur dans l’inventaire ? Non numérisation des listes dans certains départements. Je doute, les listes matricules étant clairement des annexes des registres et classées comme telles. Cette liste étant établie par le bureau de recrutement de la circonscription, faut-il y voir une politique variant d’un bureau à l’autre, certains conservant la liste tant que tous les hommes inscrits ne sont pas immatriculés dans un registre matricule, d’autres ayant détruit réglementairement la liste ?
Je vois en tout cas dans la conservation des listes matricules des années de guerre une conséquence du conflit qui a conduit la multiplication des engagements d’hommes pouvant avoir été tués avant l’immatriculation de leur classe de recrutement.
Il convient de ne pas chercher le matricule dans la liste matricule d’un homme à l’aide de la table alphabétique des registres matricule de la classe. En effet, la liste matricule possède sa propre table alphabétique, incluse en fin de registre. Il faut simplement demander le volume de la liste matricule et regarder la table qui se trouve à la fin pour trouver un homme.
- Un document incontournable dans quelques cas :
J’ai pu observer le cas où des hommes n’ont pas de fiche matricule mais uniquement une fiche dans la liste matricule. Il s’agit d’hommes morts au combat avant l’appel de leur classe. Est-ce que ce sont des cas isolés ? Des erreurs administratives ? Le peu d’exemples à ma disposition m’empêche de conclure.
Dans le cas du jeune engagé volontaire Georges Michel par exemple, il n’existe pas de fiche matricule à son nom en 1917 au bureau de recrutement de Mamers.
- La liste matricule, un outil difficile pour les chercheurs
La liste matricule n’est pas facile à utiliser pour retrouver une personne. En effet, s’il y a une table à la fin de chaque volume, les hommes figurant dans la liste matricule ne sont pas que des natifs de la subdivision : il s’agit d’engagés volontaires qui ont signé leur acte d’engagement dans une ville de la subdivision et pouvant ensuite avoir une fiche matricule dans un autre département. De même à part si on sait qu’une personne a pris domicile dans le département, difficile de savoir a priori si elle est dans la liste.
La recherche est un peu plus facile quand les hommes sont dans le fichier des morts pour la France : il arrive alors que le matricule soit clairement celui de la liste matricule et non du registre matricule, prenant la forme « LM suivie du matricule dans la liste ». C’est le cas de Georges Michel vu précédemment.
Le piège est qu’il arrive que le secrétaire ayant établi la fiche omette d’indiquer « LM ». On se retrouve alors à chercher une fiche matricule qui n’existe pas à ce matricule. En cherchant ce matricule, on retrouve un autre homme que celui voulu, le matricule de la liste n’ayant rien à voir avec le matricule de la liste. Et ce d’autant plus que l’indication d’un engagé volontaire sous la forme des lettres « EV » ou d’une précision sur la classe de recrutement et de la classe de mobilisation est loin d’être la règle. De ce fait, si vous êtes dans cette situation, il faut à la fois vérifier dans la table alphabétique si l’homme cherché est bien présent et voir s’il ne serait pas dans la liste matricule de la classe en question.
- Sources :
1. Instruction du 28 décembre 1895 sur l’administration des hommes des différentes catégories de réserve dans leurs foyers. Journal militaire n° 31 bis, Librairie Baudoin, Paris, 1896, pages 115 et 116. Accès direct à la première page sur Gallica.