Aller au contenu

Les périodes d’exercices des réservistes

Principes et organisation

Une fois la période dans l’armée d’active achevée, la recrue passe dans la réserve. Mais cela ne veut pas dire qu’il en a fini en temps de paix, de l’uniforme et de la caserne. Les obligations militaires du citoyen ne s’arrêtent pas là. Il va devoir encore revêtir l’uniforme à l’occasion de trois périodes d’exercices officiellement appelées « Appels périodiques en temps de paix ».

Bibliothèque multimédia intercommunale d »Épinal, CP 4237 P/R
Cliquez pour accéder au document dans Gallica
  • Le principe des périodes d’exercice

Le réserviste est un soldat qui est mobilisable pour compléter les effectifs des soldats de l’active ou pour constituer des unités de réserve. Il peut donc être appelé pour partir à la guerre. Afin que ces réservistes restent opérationnels, même 10 ans après la fin de leur service militaire, trois périodes d’exercices sont organisées par les différentes lois de recrutement et circulaires ministérielles. Puis une quatrième pour certains territoriaux à partir de 1890. Ces périodes sont fixées par les lois de recrutement ou des lois spécifiques pour certaines modifications de durée comme le montre le tableau ci-dessous.

Une circulaire ministérielle annuelle organise ces périodes (voir l’exemple de la circulaire pour les appels en 1901). Chaque corps d’armée met ensuite en place son calendrier en tenant compte des instructions du ministère ainsi que des moyens alloués pour les manœuvres.

Les hommes concernés sont avertis par le maire jusqu’au début du XXe siècle et par voie d’affichage en début d’année. En 1900 est testé l’envoi de la convocation par courrier environ deux mois avant l’appel. Le système ayant donné satisfaction, il devint la règle dès l’année suivante toujours complété par l’affichage. L’appelé reçoit une carte deux mois avant la date de sa période.

Chaque période d’exercice a ses spécificités. Les voici en détails.

  • La première période d’exercices

Elle se déroule théoriquement la 2e année après le passage dans la réserve de l’armée d’active. Elle dure 28 jours jusqu’en 1905, puis 23. Théoriquement encore, tous les hommes classés « bons pour le service armé » sont assujettis à cette période (mais ce n’est pas le cas des hommes du service auxiliaire). Dans l’infanterie, la majorité est appelée fin août afin qu’ils participent aux grandes manœuvres qui se déroulent la première quinzaine de septembre.

Cependant, comme on peut le constater sur certaines fiches matricules, tous ne sont pas convoqués en août et septembre.

D’abord parce que certains ont obtenu une dispense. Une dispense est tout simplement la suppression de cette période pour celui qui en bénéficie. La dispense 6% est la plus fréquente. Elle indique que 6% des réservistes de chaque corps d’armée pouvaient être dispensés d’une période d’exercices car « soutiens indispensables de famille ». Cette dispense peut se trouver dans les trois périodes.

Il existe aussi la dispense « article 64 » (de la loi de 1905) qui concerne les soldats ayant participé à certaines guerres coloniales pendant leur service et uniquement valable pour la première période. La dispense « article 61 » concerne les sapeurs-pompiers engagés pour 5 ans. L’article 41 de la loi de 1905 les personnes établies hors d’Europe.


La dispense « article 48 » fait référence à l’article 48 de la loi de recrutement de 1889. Par cet article, tout homme père de 4 enfants passe automatiquement dans l’armée territoriale et n’a donc pas d’obligation de participer aux périodes de la réserve de l’armée d’active. Avec 6 enfants vivants, l’homme passe dans la réserve de l’armée d’active automatiquement (ajout dans l’article 48 dans la loi de 1905).

La dispense « article 49 » de la loi de 1889 concerne les instituteurs des écoles publiques. Le complément de cette loi par la circulaire du 23 février 1901, elle leur permet d’être dispensés d’une des deux premières périodes .

Ensuite, d’autres sont ajournés, c’est-à-dire qu’ils demandent le report de leur période à une autre date pour l’un des motifs suivants : maladie, urgence, cas de force majeure (calamité, exceptionnelle…). Le motif doit être justifié et est vérifié par la gendarmerie.

Il est possible de devancer l’appel, donc faire la période avant l’appel. Une fois encore, la demande doit être motivée et ne peut avoir lieu que dans les corps qui organisent des appels par série ou échelonnés.

Toutes ces possibilités sont rappelées systématiquement sur les affiches placardées dans chaque commune. Toutefois, la principale cause de cette variété de dates pour la période d’une même classe sont l’appel échelonné et l’appel en série. L’article 193 de l’instruction du 28 décembre 1895 qui organise l’appel échelonné et indique que cet article est mis en place :

« 1° Pour les hommes affectes aux compagnies d’ouvriers d’artillerie et d’artificiers, aux escadrons du train des équipages militaires, aux sections de secrétaires d’état-major et du recrutement, aux sections de commis et ouvriers militaires d’administration, aux sections d’infirmiers ;
2° Pour les réservistes et territoriaux de toutes armes exerçant les professions de tailleur, cordonnier, armurier, maréchal ferrant, bourrelier, et, dans les corps d’artillerie, d’ouvriers en bois et en fer ;
3° Pour les gendarmes réservistes et territoriaux ;
4° Pour les hommes destinés à remplir les emplois de greffier ou commis greffier dans les tribunaux militaires. »

Pour l’infanterie, c’est surtout l’appel en série qui explique ces dates différentes dans les fiches matricules : il s’agit d’appeler les hommes en fonction des besoins et de leur profession. Plus d’hommes sont nécessaires pendant les manœuvres, mais d’autres périodes d’exercices sont organisées au cours de l’année pour accueillir les hommes non convoqués en septembre. L’avantage de ce système est de pouvoir tenir compte des professions des appelés. Comme le rappelle la circulaire du 21 novembre 1903 « les agriculteurs étant appelés en dehors des époques qui correspondent aux travaux intensifs des champs, fenaison, moisson, semailles d’automne; les viticulteurs, en dehors de l’époque des vendanges, etc. ». Tel fut peut-être le cas d’Aimé Leroy (ci-dessous), boucher, qui fit sa période en juin alors que la majorité des hommes de sa classe convoqués au 117e RI du Mans le furent à partir du 20 août.

Le programme de cette première période va dépendre de la période pendant laquelle le réserviste est appelé.

– Dans la majorité des cas, il est appelé fin août pour participer aux manœuvres d’automne autour du 15 septembre. Elles durent de six à vingt jours suivant leur importance. Le programme effectué avant va donc varier en fonction de la durée des manœuvres.

Théoriquement, suivant la circulaire du 19 juillet 1902 qui complète celle du 17 mars 1900, tous les réservistes doivent suivre :

     – l’école du soldat ;
     – l’école de compagnie ;
     – l’entretien de l’armement en campagne (dont l’enrayage) ;
     – le service de campagne ;
     – le service extérieur ;
     – l’hygiène des hommes en campagne.

Le séjour pouvait être organisé de la manière suivante : le premier jour, l’arrivée des hommes, partie administrative ; le deuxième jour, l’habillement et l’armement ; les jours suivants avant le départ aux manœuvres, entraînement au tir et à la marche.

Après cet entraînement, ils complétaient les compagnies d’active pour participer aux manœuvres. Les hommes étaient renvoyés dans leur foyer dès leur retour des manœuvres.

– Pour les hommes appelés à une autre période, il y avait en général deux possibilités. Soit être appelé en octobre après la libération d’une classe, avant l’arrivée de la nouvelle classe, soit à une autre période de l’année (voir supra). Les hommes appelés faisaient alors partie de pelotons ou de compagnies d’instruction suivant leur nombre. Parfois, le régiment de réserve était mis sur pied à cette occasion. Puisqu’ils ne participaient pas aux manœuvres, ils devaient compléter leur formations par des tirs, des marches, des travaux de campagne et des théories sur les obligations des hommes de la réserve dans leurs foyers.

– Le dernier cas est celui des isolés. Dans un article de journal « Armée et Marine » en 1909, le n° 109, un officier constate que les hommes qui font leur période ainsi « passent leurs 28 jours à balayer la cour et les escaliers ».
Gros plan :La journée d’un réserviste – impressions d’un vingt-huit jours.

  • La deuxième période d’exercices

Elle concerne les hommes de la réserve de l’armée d’active et se déroule cinq ou six ans après leur passage dans la réserve.  Normalement, les réservistes appelés ne participent pas aux manœuvres d’automne. Cette période permet la mise en place du régiment de réserve tous les deux ans, ce qui explique que deux classes soient appelées en même temps tous les deux ans pour obtenir les effectifs nécessaires (numéro du régiment d’active + 200 = numéro du régiment de réserve. Ainsi le régiment de réserve du 117e RI est le 317e RI). Ce régiment participe parfois aux manœuvres d’automne.

  • La troisième période d’exercices

Le dernier appel se déroule trois ans après le passage des hommes dans l’infanterie territoriale. Cet appel dure au maximum neuf jours à partir de 1908 au lieu de treize auparavant. Il peut être l’occasion de mettre sur pied le régiment territorial qui n’existe de fait que pendant ces périodes.

Voilà comment pouvait s’organiser cette période de neuf jours afin de respecter le programme fixé par les circulaires du ministère de la guerre.

1er jour : arrivée, habillement, équipement, constitution des unités.
2e jour : visite médicale, début de l’instruction en rang serré, familiarisation avec les armes, théories sur le tir et l’exécution des mouvements.
3e jour : exécution des tirs (une demi-journée par compagnie).
4e jour au 6e jour : manœuvres et bivouacs, de préférence à proximité de la garnison au début.
7e et 8e jour : divers.
9e jour : départ.

La circulaire de 1903 rappelle les problèmes liés à l’organisation de ces exercices pour les territoriaux. Il est déconseillé au commandants de corps d’armée, qui fixent le calendrier, d’organiser les appels pour les territoriaux en octobre et au début du mois de novembre. En effet, pendant cette période, des réservistes sont déjà présents et la nouvelle classe arrive. Cela pose des problèmes à la fois pour l’hébergement et pour l’équipement des territoriaux.

Dans la mesure du possible, sous réserve que le personnel d’encadrement soit en nombre suffisant, il est recommandé d’organiser cette troisième période pendant les manœuvres d’automne ou pendant les séjours dans les camps d’instruction. Les soldats sont peu nombreux dans les casernes ce qui facilite l’hébergement des territoriaux.

  • La quatrième période d’exercices

Dans la grande majorité des cas, cette dernière période n’apparaît pas dans les fiches matricules car peu d’hommes étaient réellement convoqués. Elle ne concerne que certains hommes de la réserve de l’armée territoriale, affectés à la Garde des Voies de Communication (ou GVC). Ils pouvaient être appelés au maximum six jours à partir de 1908 (neuf avant). Mais les registres matricules montrent que le plus souvent, ils n’étaient appelés qu’un jour ou deux. Pour certains d’entre eux, il s’agissait de la surveillance des littoraux.

  • Des périodes d’exercices annulées

Si le cas est rare, il est malgré tout possible de lire sur quelques fiches matricules des mentions d’annulation de périodes d’exercices. Cependant ces annulations sont locales et non nationales. Elles sont dues à des calamités (inondations) ou des épidémies. Cela a pour conséquence l’annulation de toute ou partie des manœuvres d’automne dans le corps en question. Ce fut le cas pour le 4e corps en 1910 et même les grandes manœuvres d’armée des 6e et 1er corps en 1911 supprimées en raison d’une épidémie de fièvre aphteuse.

  • Les périodes d’exercices dans les fiches du registre matricule

Voici comment se présentent, le plus souvent, les mentions qui concernent ces périodes d’exercices. Dans une zone pré-imprimée, deux dates, une unité, point final.

De ces informations qui tiennent en une phrase, il est possible d’en déduire, avec un peu de recherche, quelques informations. Et surtout mieux comprendre ce qu’il y a derrière ces quelques mots.

  • Pour approfondir le sujet abordé par cette page :

Lire la transcription de l’instruction du 21 novembre 1903.
Etude de l’affiche des appels pour 1914 dans le 1er corps d’armée.
Les manœuvres d’automne, autrement appelées « Grandes manœuvres ».
– Pour en savoir plus sur les GVC. Voir la page à ce sujet.

  • Sources :

Copie d’une lettre du ministère de la guerre du 27 novembre 1899, dans Préfecture de Vendée, Recueil des actes administratifs 1900, Typographie Galipot – Thibault, La Roche-sur-Yon, 1901, pages 43-44. Accès direct au document sur le site des Archives départementales de Vendée.

Copie d’une instruction du ministère de la guerre de mars 1901, dans Préfecture de Vendée, Recueil des actes administratifs 1901, Typographie Galipot – Thibault, La Roche-sur-Yon, 1902, pages 253 à 256. Accès direct au document sur le site des Archives départementales de Vendée.

Bibliothèque numérique de Roubaix, Affiche des appels prévus en 1914. Accès direct à la notice.

Outre les textes des lois de 1889, 1905, 1908 et 1913, vous pouvez consulter l’ouvrage très court de H. Mingat, Des Obligations militaires imposées aux hommes des réserves en temps de paix et en cas de mobilisation, éditions H. Charles-Lavauzelle, Paris, 1914. 54 pages. Accès direct à l’ouvrage sur Gallica.

Loi ayant pour objet de dispenser les instituteurs publics de l’un des deux appels pour les manœuvres ou exercices de la réserve (Journal officiel du 24 février 1901). Publié dans le Journal militaire, 1er semestre 1901, Chapelot, Paris, 1901, page 208. Accès direct à la page sur Gallica.

Instruction du 28 décembre 1895 sur l’administration des hommes des différentes catégories de réserve dans leurs foyers. Journal militaire n° 31 bis, Librairie Baudoin, Paris, 1896, pages 115 et 116. Accès direct à la première page sur Gallica.

Instruction relative aux appels périodiques en temps de paix des hommes des différentes catégories de réserve. Publié dans le Journal militaire, 2e semestre 1903, Chapelot, 1904. Pages 468 à 477. Accès direct à la première page sur Gallica.

Circulaire relative à l’instruction des militaires de l’infanterie (officiers et troupe) de la réserve et de l’armée territoriale au cours des convocations (B. O., p. r., page 1538), Paris, 19 juillet 1902. Publié dans le Journal militaire pages 87 à 91. Accès direct à la page sur Gallica.

Armée et Marine n° 17, 5 septembre 1905, page 393. Accès direct à la page sur Gallica.

Armée et Marine n°109, 20 juillet 1909, page 214. Accès direct à la page sur Gallica.


Retour au Parcours des conscrits avant 1914

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *