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Le cas des GVC (Gardes des Voies de Communication) (1)

Pour une fraction des hommes de la R.A.T., la réserve de l’armée territoriale n’était pas sans obligations. Ils devaient faire encore quelques jours d’entraînements liés à leur fonction de surveillance des voies de communication en cas de conflit.

  • Un service récent

Il est fort probable que l’organisation de surveillance des voies ferrées mise en place en 1887 par le général Boulanger ait été la première. Je n’ai pas trouvé de texte plus ancien que cette instruction du ministère de la guerre  (1) du 7 janvier 1887 qui organise ce « service de police des voies ferrées et de leurs abords ». Il n’est fait référence à aucun texte antérieur, de même que dans les lois et décrets qui mettront en place les G.V.C. Juste deux tentatives (une par l’armée, l’autre avec des volontaires) dans le rapport du ministre de la guerre de 1890.

  • Une organisation originale

Ce service ne concerne que les communes traversées par une voie ferrée. Cependant, ce n’est pas la commune qui désigne les gardes : ils sont choisis parmi les hommes de la réserve de l’armée territoriale (cavalerie, services auxiliaires) de la commune par le chef du bureau de recrutement. Ils sont affectés à la surveillance de la portion de ligne se trouvant dans leur commune. Et si la commune manque d’hommes, ils peuvent être complétés par des habitants des communes limitrophes.

En cas de mobilisation ces hommes reçoivent un ordre individuel distribué par le maire qui se substitue au fascicule de mobilisation présent dans leur livret militaire. Si leur classe est appelée, ils doivent rester à la surveillance des voies, sauf lorsque leur groupe communal est dissout.

La mission est double : il s’agit essentiellement d’interdire l’approche des lignes et les actes de sabotage. Cette mission de « police » est effectuée sous la direction par l’officier de gendarmerie commandant l’arrondissement. Dans chaque commune dépendant d’une gendarmerie, on trouve un chef de groupe et un suppléant provenant de la réserve de l’armée territorial ou des soldats à défaut de gradés. A part ces deux hommes, aucun ne porte d’uniforme : le seul signe distinctif est un brassard tricolore fourni par la mairie. En guise d’armement, soit un sabre d’infanterie, « ancien modèle » comme l’indique l’instruction, soit un fusils de sapeur-pompier, ou de société de tirs. Avec 6 cartouches. Armements et brassard font l’objet de deux inspections par an, le 1er mars et le 1er octobre.

  • La création des G.V.C.

Ce service de police ne fut pas maintenu longtemps. Dès 1890, une loi (2)  puis le décret du 5 juillet (3)  mettent fin à l’instruction de 1887 et la remplacent par un service exclusivement composé de personnel militaire : les gardes des voies de communication, ou G.V.C. La présence d’un personnel militaire est soulignée dans le décret qui donne naissance aux G.V.C., ainsi que la possibilité de se porter volontaire pour ceux qui ne sont plus astreints aux obligations militaires. Dans la zone proche du front, ils auront tous un uniforme. Peut-être est-ce une décision qui a pour objectif d’éviter les méprises avec les francs-tireurs ? Des hommes armés mais sans uniformes n’auraient pas été protégés par les droits des hommes de troupe en cas de capture. Cet aspect est aussi rappelé dans le décret.

Cependant, la création des G.V.C. ne change pas que cela dans l’expérience précédente. Il ne s’agit toujours de surveiller les voies ferrées, mais aussi les canaux, les réseaux téléphoniques et télégraphiques qui ont un intérêt stratégique. Et tous les ouvrages d’art qui vont avec.

Les G.V.C. sont organisés au niveau des subdivisions de région, sous l’autorité du chef du corps d’armée. La sélection des hommes servant comme G.V.C. a des points communs avec l’expérience précédente : les hommes appartiennent toujours aux réservistes de l’armée territoriale, donc les hommes mobilisables les plus âgés. La R.A.T. n’est pas obligatoirement mobilisée et c’est donc parmi les hommes des classes les plus anciennes que l’on prend les G.V.C.. Mais ils ne sont plus pris uniquement dans les cavaliers et les services auxiliaires de la R.A.T.

Ils sont choisis dans les communes voisines (moins de 10 km) du point à surveiller ou si nécessaire à moins d’une journée de marche (l’instruction précise 28 km). Détail important : tous doivent savoir lire. Ils sont rattachés au dépôt du régiment d’infanterie territoriale de la subdivision : ils ont donc un uniforme qui porte le numéro de ce régiment. Sur ce dernier point, l’instruction ministérielle du 12 juillet 1890 ne fait pas mention d’uniformes mais d’un brassard, cette fois-ci bleu. Cependant, de nouvelles instruction rédigées en 1910 (4) et un texte plus tardif (5) mentionnent bien la présence d’uniformes (confirmée par les photographies de G.V.C. d’août 1914, bien qu’ils soient souvent incomplets ou disparates), des collections 2 ou 3 du dépôt. Pour l’armement, il est fourni également par le dépôt du régiment, tout comme les cadres qui dirigeront la surveillance des différents points.

Pour résumer les missions des GVC, voici un extrait de l’article 25 de l’instruction de 1910 :

« Les sentinelles et patrouilles de surveillance ont pour mission :
1° D’interdire l’accès de la voie ferrée à toute personne étrangère au chemin de fer ou au service spécial de garde ;
2° D’empêcher toute tentative de destruction ;
3° De signaler les parties de la voie sur lesquelles les trains ne pourraient passer sans danger et prévenir ainsi les déraillements.
A cet effet, elles surveillent avec soin les voies et leurs abords immédiats, ainsi que les lignes télégraphiques ; elles portent leur attention sur les environs et particulièrement sur les personnes se trouvant à proximité du chemin de fer et cherchant à s’en approcher. »

  • L’organisation spatiale du service des G.V.C.

Les brassards visibles sur les photographies ainsi que des pancartes indiquant une section, un poste, sont des indices pour comprendre l’organisation du service des G.V.C. Grâce à un dossier de la préfecture d’Eure-et-Loir conservé aux Archives départementales d’Eure-et-Loir (6), il est possible de donner une exemple concret.

Pour la surveillance des voies de chemin de fer, des postes sont placés dans les gares, des habitations à espace régulier non loin des voies. Chaque poste est commandé par un sous-officier et un caporal. L’effectif du poste est variable suivant la longueur du tronçon à surveiller (théoriquement 4 kilomètres maximum). Les postes sont regroupés sous le contrôle d’un chef de section recevant ses ordres d’un chef de service qui lui même obéit à un commandant de service.

Cela donne l’organigramme suivant pour le sud de l’Eure-et-Loir (cliquez sur l’image) :

On voit plus clairement cette organisation sur une carte des voies ferrées à la fin du XIXe siècle (les données sont pour 1899) :

Afin de rendre les choses un peu plus claires, voici l’organisation des postes et leur localisation entre Cloyes-sur-le-Loir et Châteaudun, au sud du département, le long de la voie Paris-Tours (cliquez sur l’image) :

Cette organisation est résumée dans les informations notées sur le brassard porté par chacun des hommes du service des G.V.C. (pour cet exemple, le poste d’Amilly en 1914, numéroté 9 en partant du début de la ligne Paris – Le Mans en Eure-et-Loir).

    Gros plan : Les brassards des GVC, théorie et pratiques.

  • Des périodes d’exercices

Nouveauté importante, dont la loi qui la met en place a précédé de quelques jours la création des G.V.C., des périodes d’exercices sont prévues pour les hommes désignés comme G.V.C. Jusqu’à présent, les hommes des R.A.T. n’étaient assujettis à aucun exercice militaire. Désormais, les G.V.C. pourront l’être mais dans la limite de 9 jours (réduits à 6 en 1905) au cours des années de R.A.T. (loi du 2 juillet 1890). Ces entraînements se déroulent d’une manière un peu différente des autres périodes d’exercices. Les G.V.C. se réunissent au point qu’ils sont chargés de surveiller en cas de mobilisation. Les membres du poste reçoivent alors une instruction de quelques heures par des officiers ou des sous-officiers secondés par des agents des ponts-et-chaussées ou des chemins de fer. En cas de convocation de plusieurs jours, les hommes sont exercés « à toutes les phases du service, telle que l’installation et le relèvement des postes » indique l’instruction du ministre. Ils ne reçoivent un uniforme que si la période dure plus d’une journée.

  • Sur la fiche matricule

Ces affectations aux G.V.C. ne font pas l’objet d’une mention particulière dans la fiche matricule car les hommes sont liés au dépôt d’un régiment d’infanterie territoriale qui lui est indiqué. Par contre, en théorie, les périodes d’exercices sont mentionnées comme dans l’exemple ci-dessous. Mais ce n’est semble-t-il pas souvent le cas.

  • Les autres services de surveillance

Surveillance des points importants du littoral

Certains hommes des R.A.T. furent assujettis à la surveillance du littoral comme le montre cet extrait de registre matricule :

Ces hommes sont notamment chargés de la surveillance des abords des phares, des sémaphores. Ils sont organisés comme les G.V.C. surveillant les voies ferrées.

Une période d’exercices pouvait consister pour un G.P.I.L. (Garde des Points Importants du Littoral) à la garde d’un phare, d’un sémaphore ou d’une guérite comme à Pennedepie en 1913 dans le Calvados (7).

Dans l’exemple ci-dessus, l’homme totalise 5 périodes d’exercices au cours de son service militaire contre trois pour la grande majorité des hommes de sa classe.

– Surveillance des voies navigables

Certains hommes des R.A.T. furent assujettis à la surveillance des voies navigables, en complément du personnel des ponts et chaussées (armé à l’occasion). Je n’ai pas encore vu d’indications concernant ce service dans une fiche matricule.

– Surveillance des lignes télégraphiques

Pour les lignes aux abords des voies ferrées, la charge de cette surveillance incombe aux G.V.C. du poste le plus proche. Pour les lignes importantes isolées, des postes sont mis en place en certains lieux (pas tout le long de la ligne). Chaque poste est pourvu de 4 hommes se relayant pour la surveillance (une seule sentinelle à la fois). Ces postes pouvant être éloignés de toute autorité militaire, la gendarmerie est chargée de la surveillance des G.V.C. qui y sont affectés.

  • Pour approfondir le sujet abordé par cette page

L’instruction de 1910.

Le site de Yannick Le Gratiet, GVC 14-18, incontournable pour toute recherche sur les GVC.

Le Poste 9 de GVC à Amilly (site extérieur). Une très intéressante analyse de deux photographies qui illustrent un des poste mentionné sur la carte d’Eure-et-Loir.

  • Sources :

1. Instruction transcrite dans Préfecture de Vendée, Recueil des actes administratifs, 1887, Typographie Paul Tremblay, La Roche-sur-Yon, 1888. Pages 164 à 172. Accès sur le site des Archives départementales de Vendée.

2. Loi du 2 juillet 1890. Bulletin des lois de la République française, partie principale tome 41e, 2e semestre 1890, Imprimerie nationale, Paris, 1891. Page 2. Accès sur Gallica.

3. Décret du 5 juillet 1890. Bulletin des lois de la République française, partie principale tome 41e, 2e semestre 1890, Imprimerie nationale, Paris, 1891. Pages 37 à 39. Accès sur Gallica.

4.  Ministère de la Guerre, Instruction générale sur le service de garde des voies de communication, loi du 2 juillet 1890 et décret du 5 juillet 1890, dispositions spéciales à la garde des lignes télégraphiques et des points importants du littoral, 18 octobre 1910, Imprimerie nationale, Paris. Transcription complète disponible ici. Source : Archives départementales de la Sarthe, AD72 1R825.

5. Capitaine Jouber (chargé des détails de la mobilisation), « Mobilisation du 57e Régiment d’Infanterie et des formations de réserve qui en dépendent, service de garde des voies de communication« , compte rendu manuscrit de la conférence du 1er février 1911.

6. Archives départementales d’Eure-et-Loir, AD28 2R121.

7. Site internet sur Pennedepie. Visite en janvier 2012. Accès au site.


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