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Fontainebleau, 46e RI, avant 1914, une fraction de seconde

J’ai une affection particulière pour ce cliché.

Bien qu’en ayant observé beaucoup, il appartient à la catégorie de ceux qui m’ont le plus marqué. Ce n’est pas un cliché datant de la Première Guerre mondiale. Il montre des soldats d’avant-guerre. Il n’est pas spectaculaire. Acheté 4,29 euros en 2019 sur Delcampe, il était juste indiqué « Groupe militaire », aucun texte au verso ne permettant d’en savoir plus. On peut juste observer que la photo carte a été arrachée d’un album où elle avait été collée.

Cette photographie a donc perdu tout contexte, toute chance de comprendre quel soldat parmi ce groupe a pu l’acheter ou pourquoi une autre personne l’avait collée dans un album.

J’imaginais pouvoir trouver quoi dire, voire retrouver la localisation exacte. Un long mur le long d’un parc. Grâce au seul élément identifiable, on sait que ces hommes appartiennent au 46e RI.

Or, ce régiment était caserné à Fontainebleau, espace connu pour sa forêt et ses parcs. Autant dire que la probabilité de retrouver le lieu est mince et sans résultat pour autant.

Reste ce qui est visible. Et là, il y a matière. Deux grilles s’offrent à notre regard. Un jour peut-être, en trouvant une image prise au même endroit, ou un regard extérieur aidera à localiser cette image. D’autres attendent toujours des années après le début de la recherche comme celle de ce photographe qui dure depuis 2011.

  • Au cours d’une marche

La première lecture est la description de cette colonne de soldats au cours d’une marche d’entraînement. La structure de la colonne est visible. Encadrés par des sous-officiers, les hommes avancent en cadence. Ils portent armes et sacs, le fourniment complet.

Cette simple lecture peut s’accompagner de zooms sur quelques détails comme toujours sur des clichés de groupe. Un homme est particulièrement grand par exemple.

On voit bien les gradés, des prix de tirs, des manières de tenir le fusil, les différents outils sur le sac…

Ce n’est pourtant pas ce point qui m’intéresse ici. C’est sa spontanéité.

  • Une image prise sur le vif

L’observation de plusieurs séries de photographies dont une a été étudiée ici montre qu’un photographe au moins avait l’habitude de suivre les soldats lors de marches. En témoigne le grand nombre de clichés spécifiquement sur le 46e RI en marche, en forêt, à la popote avant-guerre.

Un exemple de cliché du 46e RI en marche avant-guerre.

Cela donne des clichés plus spontanés que ce que l’on a souvent, probablement en raison du grand risque de flou à cause du mouvement.

Les images spontanées sont donc rares, surtout s’il s’agit de groupes. Là, c’est toute une partie de colonne en marche qui est visible sur cette photographie bien nette malgré le mouvement. Et puis il y a ces soldats qui tournent la tête vers le photographe, qui sourient.

Mais est-ce bien le photographe qui attire regards et sourires ? On peut légitimement s’interroger car ce cliché immortalise au premier plan le passage d’une femme à bicyclette, remontant la colonne.

Les hommes ont-ils bombé le torse au passage de cette femme ou en raison du photographe qui est un peu en surplomb par rapport à la route et qui devait donc être bien visible ? Ou est-ce l’addition des deux, suivant l’angle des regards ?

Évidemment, c’est impossible de le dire et c’est ce qui fait tout l’intérêt de l’image. Trouver des hypothèses, interpréter sans romancer, s’en tenir aux faits, aux détails visibles sans y plonger nos propres représentations.

Même si ce cliché restera définitivement énigmatique, quelle chance d’avoir ce photographe qui déclenche son appareil au moment exact où le croisement se fait, pendant la fraction de seconde où cette femme passe devant l’objectif, immortalisant les sourires, un instant moins posé, finalement si vivant. Une seconde plus tard, tout aurait été différent.

  • En guise de conclusion

Ainsi, malgré les impossibles, j’en ai fait mon fond d’écran, me plaisant à me perdre dans les détails de l’image, à observer les regards amusés, le sérieux d’autres, incapable d’en comprendre le sens général.

Tout espoir de « faire parler » cette image n’est pas perdu pour autant : un cliché identique ayant voyagé, une image montrant le même lieu sont autant de pistes qui restent espérées, comme pour la majorité des clichés.


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