Études de photographies prises entre 1900 et juillet 1914.
La photographie fixe un instant de vie. Un regard, une posture, une attitude. Elle ne donne à voir que ce que l’objectif a pu capter. Elle nous laisse bien souvent perplexe ou penseur. Qui sont ces personnes ? Qu’ont-ils fait avant ? Après ? Où était-ce ? A quelle occasion ? Si le plus souvent il n’y a plus de réponse à donner à ces questions, ces images peuvent nous en apprendre beaucoup si l’on prend soin de les regarder avec attention.
- Photographies et photo-cartes au début du XXe siècle
Ne pas se fier aux apparences. Les photos-cartes ressemblent beaucoup aux cartes postales. Au début du XXe siècle, il était courant de faire des tirages de photographies sur un support dont le verso permettait une correspondance. La principale différence vient de l’absence de légende sur le recto.
Une autre différence importante avec les cartes postales, le tirage. Les photos-cartes ne sont pas tirées en grande série, juste en fonction de la commande du client. Il était ensuite possible de l’utiliser comme n’importe quelle carte postale.
Il y aussi des tirages sur papier, parfois collés sur un carton, qui ne semblent pas toujours être le travail d’un photographe professionnel.
- Un exercice stéréotypé : le portrait chez le photographe
Plus que de stéréotype, on pourrait même parler de tradition ! Le portrait en uniforme, qu’il soit en pied ou en buste, semblait être un passage obligé. Seul ou en groupe. Du simple journalier à l’étudiant en lettre. Du simple soldat à l’officier. En voici une sélection avec des visages qui vous évoqueront peut-être quelques souvenirs et qui illustrent bien ce passage(2).
La majorité de la population n’ayant pas d’appareil photographique, un passage chez un photographe professionnel s’imposait. On reconnaît facilement le travail d’un photographe quand il est collé sur un carton portant son nom.
On peut différencier deux grandes familles de portraits : le portrait individuel et la photographie de groupe.
– Accoudé ou non à une balustrade ou une colonnade, l’homme est pris devant un décor dont on voit parfois le bas au niveau du sol. Il est pris légèrement de trois-quarts, le dos bien droit (la position de Maurice Genevoix est peu habituelle). En tenue de sortie ou en tenue normale, il est rarement entièrement équipé (Etienne Tanty a son équipement neuf – il a été pris juste avant son départ au front – mais pas de fusil).
Les hommes pouvaient aussi être photographiés en buste.
Sur ces clichés de photographes, l’accessoire le plus fréquent était la cigarette, symbole du passage à l’âge adulte, d’une certaine forme de maturité (comme le passage sous le drapeau).
Ces portraits pouvaient être agrémentés de couleurs, voire insérés dans un décor lié à l’arme ou le régiment d’affectation.
Sur les photographies de groupe prises chez un photographe, on retrouve les mêmes attitudes, les mêmes postures que sur les portraits individuels. Prise avec un camarade ou plusieurs, elle est le plus souvent solennelle, rigide même dans les attitudes. Cette raideur et le sérieux de ces prises est peut-être à mettre en rapport avec l’image que l’on voulait donner de soi (on donnait souvent un cliché à la famille), mais aussi avec le prix d’un tel cliché.
Un même cliché pouvait faire l’objet d’un tirage en différents formats. Au format 6cm x 9 cm ou 10×14 cm dans l’exemple ci-dessous :
On peut trouver parfois les photographies sur carton munies d’une feuille de papier de protection comme dans le cas ci-dessous. Bien souvent, les manipulations et le temps ont eu raison de cette feuille dont il ne reste qu’une trace au dos du carton.
- Un montage particulier
Il arrive que l’on observe parfois ce type d’image :
Réalisée pour être mise sous verre, cette image n’est pas une simple photographie. Il s’agit d’un fond imprimé, avec soldats en action de l’arme de l’acheteur et un cavalier. Ensuite étaient ajoutés à la main le blanc (sabre, étrier et mors), le jaune et surtout le rouge (dont le col). Restaient à coller la photographie du visage et la coiffe de l’homme.
Le travail était achevé une fois collé dans un angle l’écusson mentionnant le nom de l’homme représenté, sa classe, son matricule et son affectation. Cela donnait un souvenir original, digne d’être encadré et probablement plus coûteux qu’une simple photographie. Je n’ai pour l’instant observé ce type de montage que pour des armes montées (cavaliers ou, comme ici, artilleurs).
- Le portrait en extérieur
Qu’ils soient pris par un photographe professionnel ou amateur, les clichés en extérieur sont beaucoup plus vivants (très « animés » comme disent les vendeurs de cartes postales anciennes quand il y a beaucoup de personnes visibles). Les attitudes sont plus détendues : les sourires sont bien visibles, on voit même régulièrement des soldats faisant des plaisanteries, ou dans des attitudes détendues voire théâtrales. Mais ce n’est encore une fois pas une règle absolue comme le montrent les portraits individuels qui suivent.
Le plus souvent, il ne nous est, hélas, pas possible de déterminer si ces clichés ont été réalisés par des photographes professionnels (la qualité de la prise de vue le laisse toutefois imaginer). Ces photographes suivaient les manœuvres, la vie des casernes et venaient prendre des clichés officiels d’un régiment où tous les hommes, par section ou par compagnie, passaient devant l’objectif. Les photographies étaient ensuite vendues aux hommes sous forme de cartes postales ou publiées dans un album souvenir. Voici un exemple de ce type d’album, le 149e RI en décembre 1909.
- Pour approfondir le sujet abordé par cette page
Documents :
– D’autres albums de régiments : le 90e RI en 1904, le 68e RI en 1911, le 9e Escadron du Train des Equipages Militaires, sans date. Tous sur le blog de Jérôme Charraud sur les régiments indriens.
Le 149e en 1902, en mai 1905, en décembre 1909, sur le blog de Denis Delavois sur le 149e RI.
Pour compléter vos connaissances sur les photos-cartes, visitez ce site qui en montre l’évolution. Accès direct au site du CNRS de Lyon. Site indisponible au 10 juin 2011.
- Sources :
Source des portraits :
– Louis Barthas : couverture de l’édition 2003. Pendant son service militaire.
BARTHAS Louis, : Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, Editions La découverte, 2003 (première édition : 1978).
– Michel Urvoas : page 63. Pendant ses classes.
THOME Jacques, Le fantassin de Kerbruc, Editions Ivan Davy, Vauchrétien, 1991.
– Maurice Genevoix. Page 50. Février 1915, à Verdun.
Collectif, Hommage à Maurice Genevoix (1890-1980) : Une jeunesse éclatée de la Vaux-Marie aux Eparges, août 1914 – Avril 1915, Editions du Mémorial, Verdun, 1980.
– Étienne Tanty : 1er cahier de photographies. Au Havre, août 1914, en tenue neuve de mobilisation.
TANTY Étienne, Les violettes des tranchées, lettres d’un poilu qui n’aimait pas la guerre, Éditions Italiques, Paris, 2002.