Aller au contenu

Dater une photographie : avant ou après 1914 ?

Support, timbre, uniformes comme indices précieux

Un homme en uniforme ressemble souvent à un autre homme en uniforme, surtout pour l’œil non averti. D’autant plus que les poses sont bien souvent les mêmes, pour un portrait ou une photographie de groupe. Afin d’éviter de prendre une photographie de militaires de 1925 ou 1939 pour un soldat de 1905 ou de 1914, voici quelques pistes.

  • Les différents supports de la photographie

Il n’y a pas de recette fonctionnant à tous les coups pour reconnaître la période où a été prise une photographie. Toutefois, en associant plusieurs éléments, on peut arriver à une idée précise de la période de la prise de vue.

Le support de la photographie est le premier élément qui permet une datation. Photographie sur papier, sur papier collé sur un carton et sur carte postale sont les trois supports les plus fréquents. Voir cet article sur le site.

Les photographies sur papier et sur papier collé sur un carton couvrent toute la période. Le carton et l’uniforme permettent souvent une datation. Ce dernier point sera développé à la fin. Pour le support cartonné, on trouvera de nombreux exemples sur le site très complet en français Military Photos. Je ne vais donc pas m’étendre sur ce support, n’ayant pas la documentation nécessaire. Je vais plus développer le cas des photos-cartes.

  • Dater une photo-carte

Je découpe en trois périodes la production des photos-cartes : la première jusqu’en 1904, les modèles les plus courants et de qualité entre 1904 et 1920, et pour terminer les modèles d’après-guerre.

– Avant 1904 : on reconnaît aisément les photos-cartes prises avant 1904 car elles sont d’un modèle réglementé : un recto comprenant la photographie et une zone blanche pour la correspondance, un verso réservé à l’adresse. Si leur usage est exclusif avant novembre 1903, date de l’autorisation des autres modèles, ce type de photo-carte se retrouve encore dans la période suivante, simplement en raison de l’écoulement des stocks de papier de ce modèle. De même on va pouvoir trouver des modèles avec bande blanche sur le recto et un verso du modèle suivant. Rien n’est simple.

– De 1904 aux années 1920 : le modèle avec verso divisé (une partie correspondance et une partie adresse) est autorisée à partir de novembre 1903 et donne naissance à une série de cartes reprenant cette règle. Il semble que le modèle ait d’abord rappelé l’autorisation d’utilisation édictée par l’UPU, soit avec le rappel des pays où elle pouvait être envoyée, soit avec l’indication de se renseigner pour savoir où elle était acceptée. Ces mentions disparaissent rapidement au profit d’un modèle qui existe sous de multiples variantes, avec ou sans le nom du photographe ou de l’imprimeur. Toutefois, on peut trouver des modèles plus anciens tout au long de la période.

Les modèles invitant à vérifier vers quels pays la carte est utilisable

Le modèle le plus courant et quelques-unes de ses variantes
au niveau de l’adresse, de la police, de l’emplacement pour un timbre.

– Après 1920 : les choses se compliquent pour l’amateur de photos-cartes. En effet, les anciens modèles continuent d’être utilisés mais d’autres formes apparaissent, caractéristiques de la période qui suit la Première Guerre mondiale.
Sur l’exemple ci-dessous, on voit un verso classique, mais avec une carte dont les bords sont « dentelés ». Ce type de support se répand après la guerre.

A partir des années 30, les photos-cartes ont tendance à avoir une teinte jaune, non en raison d’une couleur passée mais en raison d’un type d’impression plus économique. La qualité du grain peut être aussi moins fine (passage de la phototypie à l’héliotypie, sans parler de l’évolution de la qualité du papier amorcée pendant la guerre). L’exemple ci-dessous montre cette teinte plus jaune, même si la numérisation est moins fidèle à la couleur d’origine (qui est plus bistre que le rosé présenté). On notera aussi la présence d’un cadre blanc autour de l’image alors que pendant la période précédente, l’image allait jusqu’au bord.

Seulement, entre la fin de la guerre et l’adoption du modèle présenté ci-dessus, la période de transition rend difficile la datation, tout particulièrement pour les militaires. La question qui se pose alors est : cette photographie a-t-elle été prise pendant la guerre ou après ? C’est le cas de cette photographie de groupes de chasseurs alpins de corvée de pommes de terre, ci-dessous.

  • L’uniforme et le texte

L’uniforme est aussi un indice important pour dater une photo-carte. Trois périodes sont à distinguer, pour ne parler que de l’infanterie :

– Avant l’hiver 1914 : la capote est de couleur bleu foncé et le pantalon rouge garance, ce qui donne des teintes en niveau de gris facilement identifiables. On peut aussi trouver des hommes en tenue de travail (treillis et bourgeron). Ce dernier est réservé à la caserne (donc le plus souvent avant guerre), pour l’uniforme, il s’agit d’un militaire d’avant la guerre ou du début du conflit.

– Hiver 1914-printemps 1915 : période de transition entre l’ancien uniforme et le nouveau, le fameux bleu horizon. Cette période mériterait une page à part entière tant les nuances sont nombreuses. Des chapitres de livres lui sont consacrés, ce n’est pas pour rien.

– A partir de 1915 : l’uniforme bleu horizon.

La carte présentant des chasseurs alpins est donc prise après 1915 puisque les uniformes sont tous bleu horizon. Mais pendant ou après la guerre ?

Les textes donnent de précieuses indications. Toute indication de la fin du service (« X jours au jus », « la quille dans X jours », « manœuvres de… ») ou d’année de classe va permettre de se faire une opinion fiable. Ici, on lit en bas à droite « 48 au jus« . On ne comptait pas les jours avant la fin du service pendant la guerre (et pour cause, on ne savait pas quand elle allait s’achever), il s’agit donc d’une photographie prise après la guerre (sans qu’il soit possible de dire quand, mais probablement avant les années trente en raison du procédé d’impression).

  • Le timbre utilisé

La photo-carte est une photographie sous forme de carte postale, donc utilisable pour la correspondance. De ce fait, elle a pu circuler sans enveloppe, donc timbrée. L’oblitération donne une datation assez fiable, mais il arrive plus souvent qu’on ne le voudrait qu’elle soit illisible. Dès lors, seul le timbre peut donner un indice. Attention toutefois, la fin de vente d’un timbre ne veut pas dire la fin de son utilisation, il faut, une fois de plus, être prudent : ce qui est le plus utile est la date de mise en vente.

La période 1900-1918 n’est pas si riche en timbres ayant pu être collés sur une photo-carte. Les tarifs sont restés stables et les émissions de nouveaux timbres rares.

Tarifs :

Dates de validité du tarif
Type de correspondance
Jusqu’au
31/12/1916
01/01/1917
31/03/1920
Carte postale pour l’intérieur10 c15 c
Carte postale pour l’intérieur 5 mots + signature5 c10 c
Source des données : Storch J., Françon R. et Brun J.-F., Marianne 1984-1985, Timbres de France, Annonay, 1984.

Je ne développe pas les tarifs après guerre, puisque hors du champ de recherche de ce site.

Types de timbres que l’on peut trouver sur une photo carte jusqu’en 1918 :

Type « Blanc » – en vente à partir de décembre 1900, remplacé en 1907.
Type « Mouchon » – en vente à partir de décembre 1900, remplacé en juin 1902.
Notez le cadre autour de la valeur qui est rectangulaire.
Type « Mouchon retouché » – en vente à partir de juin 1902, remplacé en mai 1903.
Dans ce type, le cadre de la valeur a été modifié, ce qui le distingue du précédent type.
Type « Semeuse lignée » – en vente à partir de mai 1903, remplacé en 1907.
Type « Semeuse avec sol » – en vente à partir d’avril 1906, remplacé en décembre 1906.
Type « Semeuse » – en vente à partir de juillet 1906, retiré en 1922.
Type « Semeuse » – en vente à partir de mars 1907, retiré en 1921.
Source des données : Storch J., Françon R. et Brun J.-F., Marianne 1984-1985, Timbres de France, Annonay, 1984.

Je ne développe pas les émissions d’après guerre, puisque hors du champ de recherche de ce site.

  • En guise de conclusion

En combinant les éléments d’une photo-carte que sont le support, le timbre, à défaut d’oblitération lisible ou de texte daté, on peut avoir une idée de la période où elle a été prise. Certes, cela peut donner une période couvrant quelques années, mais dans le cas d’une photographie vierge de toute inscription, c’est déjà une piste. L’étude de l’uniforme est aussi une mine d’information, mais cela nécessite des connaissances plus poussées.

  • Remerciements :

A Benoît pour les deux photos-cartes de groupes, certes postérieures à 1918, mais forts utiles pour la réalisation de cet article illustré.


Retour à la page la rubrique Se représenter la guerre

Étiquettes:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *