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Au détour des JMO 01 – Noms de tranchées autour de Lihons

Sur une carte datant de septembre 1915, dans le JMO du 327e RI, la mention de boyaux et de tranchées dont le nom est précédé de « soldat », « adjudant » ou « lieutenant » a attiré mon attention. Nous sommes au nord de Lihons, dans la Somme. Secteur tenu par la 51e DI d’octobre 1914 à août 1915 et plus particulièrement par les 75e et 140e RI. Très rapidement, il s’est avéré que tous ces noms sont ceux d’hommes du 75e RI tombés entre août 1914 et avril 1915.

– Soldat Grenier, 75e RI, décédé le 20/08/1914.
– Adjudant Chalançon, 75e RI, tué le 25/09/1914 à Lihons lors des premiers combats du 75e dans le secteur.
– Soldat Aubert, 75e RI, décédé le 18/10/1914 à Lihons.
– Sergent Rochette, 75e RI, tué à Lihons le 22/10/1914.
– Adjudant Dannonay, 75e RI, décédé le 19/12/1914 suite à des blessures reçues à Lihons, probablement lors des combats pour la tranchée Pommier du 17/12/1914 (voir lieutenant Pion).
– Lieutenant Pion, 75e RI, 26/01/1915, commandant la 3e compagnie, blessé lors de l’attaque de la tranchée du Pommier le 17/12/1914, secteur de Lihons, décédé des suites de ses blessures le 26/01/1915.
« A conduit sa compagnie à l’attaque d’une tranchée en faisant preuve du plus grand courage. A été grièvement blessé d’un coup de baïonnette en entrant le premier dans l’élément de gauche de la tranchée. »
Chevalier de la Légion d’honneur.

Citation à l’ordre de l’Armée attribuée à la 3e compagnie du 75e :
« Aux ordres du lieutenant PION, le 17 décembre 1914, s’est élancée à la pointe du jour sur une tranchée allemande près de Lihu, s’en est emparé, faisant 30 prisonniers.
S’est maintenue sur le terrain conquis, malgré les pertes, sous un bombardement violent, a repoussé toutes les contre-attaques de l’ennemi et montré les plus belles qualités de courage et de ténacité ».

– Commandant Parison, 75e RI, chef de bataillon, décédé le 09/04/1915.
« A donné pendant huit mois de campagne l’exemple des plus belles vertus militaires : dédain du danger, ardeur au combat, maîtrise absolue de lui-même, inébranlable force morale. Très grièvement blessé en exécutant une reconnaissance de tranchée, a conservé jusqu’à la mort la superbe attitude qu’il avait au feu ». Cité à l’ordre de l’armée.

Il semble donc que ce dernier hommage leur fut rendu lors de la dénomination des tranchées. Le peu de cartes trouvées pour cette période empêche de savoir quand elles furent dénommées ainsi. Après février 1915, c’est la seule certitude, vu l’état d’avancement du réseau sur une carte du secteur datée de février 1915.

Source : SHD 26 N 1280, JMO de la compagnie 14/1 du Génie, page 19.

Peut-être le nom de lieu leur a-t-il donné cette idée : le bois Auger ressemble au nom du lieutenant colonel Augerd, commandant le 75e RI…

La carrière Parison, tout comme le bois du même nom, existait avant la guerre. Leur dénomination n’est donc pas liée au commandant Parison, à l’inverse de ce que suggère la flèche sur la première image.

Le JMO du 327e RI n’est pas le seul à mentionner le nom de ces tranchées. Le JMO de la 53e brigade (à laquelle appartient le 75e RI, avec le 140e) le fait également. On peut même suivre l’évolution du tracé de ces tranchées sur plusieurs cartes grâce à celles que l’on trouve dans le JMO du 75e RI. Mais une seule indique les dénominations. Elle est placée en fin de JMO, sans date et plus étrange, avec des noms différents :
– Aubert est devenu Augerd du nom du lieutenant-colonel qui a quitté le 7 mars 1915 le régiment ;
– Chalançon est devenu Chalaincon (probablement une erreur de copiste) ;
– Grenier est devenu Brenier autre soldat du 75e RI tombé à Lihu, secteur de Lihons, le 18 mars 1915.

Les autres lieux sont absents, seul le soldat Aubert est resté lui-même. Il est probable qu’il s’agisse d’un premier état, des premiers noms donnés, avant les modifications toujours valables lors de la relève par le 327e RI quelques mois plus tard.

Cela reflète bien la mémoire de ces hommes qui ne reste plus que sur une carte (en attendant les annexes ou d’autres découvertes), car suite à l’avancée française de 1916 puis des combats dans le secteurs jusqu’en 1918, ces noms n’apparaissent plus, tout comme le tracé de ces boyaux et tranchées. Jusqu’à l’effacement complet d’après-guerre.

Source : SHD GR 26 N 507/4, JMO de la 43e brigade, octobre 1916, page 143.
  • Sources :

SHD GR 26 N 751/2 : JMO du 75e RI
Historique du 75e RI. http://tableaudhonneur.free.fr/75eRI.pdf

Article initialement publié à cette adresse : https://forum.pages14-18.com/viewtopic.php?t=7545


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