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6. Armand Michel : l’offensive de Champagne, septembre 1915.

Joffre, généralissime des armées françaises, affirme le 23 août, s’opposant dans l’idée à Foch, que la rupture du front par des offensives puissantes est possible, dans différentes régions et sur un très large front. Les offensives d’Artois et de Champagne sont fixées au 25 septembre.
En Champagne, 35 divisions seront mobilisées et  l’offensive s’étalera sur 25 km. Le 22 septembre, l’artillerie entre en action. Il tombe une pluie diluvienne ne cessera jusqu’au 29 septembre.

« …Le 6ème C.A. [dont le 294e RI d’Armand fait partie], placé derrière le 2ème Corps Colonial du Général Blondlat, et dont les éléments de tête sont à hauteur de notre deuxième ligne de défense (cote 170 au Sud-est de Souain…), devra suivre pas à pas la progression du Corps Colonial pour exploiter les succès de ce Corps(…) »

  • Le 294ème RI dans l’attaque du 25 septembre (1) :


Cliquez sur la carte pour la voir taille normale.
Source du fond de carte : JMO du 112e RIT, SHD 26N796/14, page 22.

Le 25 septembre, entre Suippes et Jonchery sur Suippe, le 294ème croise, le 132ème régiment de Reims (2). Peut-être Armand a-t-il rencontré un homme qui habitait le même quartier que lui, Henri Collet dont il est question dans une autre biographie ?
Le 294ème gagne au jour ses emplacements de combat, en deuxième échelon, de part et d’autre de la route Souain-Sommepy.
Le 26, avant le jour, le 294ème R.I. reçoit l’ordre d’aller prendre position au nord de Souain en soutien du 6ème C.A. Après avoir gagné ses emplacements par la voie romaine et la ferme des Wacques, souvent évoqué par la famille. Le régiment s’installe en position d’attente vers les bois Guillaume et du Sultan sous de violents tirs d’artillerie ennemie.
Le 27, le régiment passe en première ligne et attaque la tranchée des Vandales, à l’ouest de la Ferme Navarin, relevant des éléments du 54ème R.I. et du Corps Colonial. Sous des tirs d’artillerie de plus en plus violents, les attaques continuent les 28 et 29, mais se heurtent à des réseaux épais de fils de fer intacts.

Le 29 l’attaque générale est arrêtée, c’est un échec. Le 6 octobre les combats reprendront pour dix jours afin de rectifier les « aspérités » du front, surtout vers Tahure, permettant la prise de Tahure et de la butte Tahure.
Le 30 au soir, le 294ème RI passe en réserve jusqu’au 3 octobre, date à laquelle il prend position à l’est de la route Souain-Sommepy et commence des préparatifs d’attaque.

  • Le 294ème RI dans l’attaque du 6 octobre

Une autre offensive prévue pour le 6 octobre, doit essayer d’enlever la totalité de la 2ème ligne allemande, c’est-à-dire la ligne de hauteurs Est-Ouest jalonnée par les buttes de Tahure et de Souain, la ferme Navarin, et qui s’étend à l’ouest jusqu’à la vallée de la Suippe. Mais cette fois l’ennemi n’est pas surpris, partout il a renforcé son front, établi de nouvelles lignes, des tranchées aux noms évocateurs : Tranchées des Teutonnes, des Gretchens, des Vandales, des Satyres, de la Kultur et reçu des renforts et massé de l’artillerie.


L’attaque du 294ème RI du 8 octobre 1915
Les traits rouge semblent indiquer les limites entre deux division et la ligne de front avant l’attaque.
Source du fond de carte :
JMO de la 51e DI, SHD 26N362/2, page 106.

Le 6 octobre, les unités de la 56ème DI attaquent en vain. Une compagnie tente un coup de main sur les organisations du bois P18 ; mais est arrêtée sous les réseaux ennemis profonds et intacts.
Le 8, les troupes d’assaut sont disposées en 2 colonnes avec l’ordre d’atteindre la lisière Nord du bois P18. La 17ème compagnie, celle d’Armand, est dans la colonne de gauche qui doit donner l’assaut sur P18 en suivant le 69ème Bataillon de Chasseurs à Pied, en passant par la clairière entre les bois U3 et U4.

A 14h30, le régiment attaque par vagues le bois P18, masqué par un rideau de fumée intense, et s’empare des trois premières tranchées ennemies. La 17ème compagnie ne peut sortir et reste dans la parallèle de départ, à l’ouest de U4. Elle avait perdu tous ses officiers. La mort du sous-lieutenant Cibille pourrait être d’ailleurs considérée comme un suicide d’après l’aspirant Laby, voir plus bas. Les hommes étaient fatigués par 12 journées passées sous les bombardements.

Un tir de barrage empêche le débouché du 354ème R.I. placé en réserve en U25. L’ennemi contre-attaque sans aucun succès mais les mitrailleuses ennemies prennent les tranchées conquises de flanc et, sous leur protection des détachements progressent, menaçant de couper nos communications. Cette contre-attaque ennemie est repoussée par les feux du 132ème également dans le secteur au bois P15 et P16.  Des combats corps à corps s’engagent et devant l’arrivée de renforts ennemis les unités d’attaque regagnent leurs parallèles de départ avec des pertes sensibles. Le régiment se replie sur U25 vers 16h30.


Emplacement approximatif des lieux de l’attaque du 8 octobre

sur un fond de carte IGN extrait de Géoportail.

  • Le récit officiel de ces journées dans ce secteur

« Les attaques du 7 octobre nous ont permis de modifier heureusement cette situation en poussant notre ligne en divers points sur les hauteurs et en retirant ainsi à l’adversaire l’avantage d’une situation partout dominante.
L’assaut ne pouvait, comme celui du 25 septembre, s’étendre à tout le front. Nous n’avions pas les moyens de masser de grosses réserves en des places d’armes abritées. Nous n’avions plus la disposition de nombreux boyaux pour les ravitaillements et les évacuations. Notre artillerie ne travaillait plus sur un terrain qu’une étude de plusieurs mois avait pu lui permettre de repérer avec une minutieuse précision.
En dépit de toutes ces difficultés, les attaques ont été brillamment exécutées et, malgré une brutale contre-offensive allemande, le bénéfice de ce nouvel effort a pu être conservé, notamment autour de la ferme Navarin et autour de Tahure. Autour de la ferme Navarin. – Des deux côtés de la route nationale de Souain à Sommepy, au nord de la ferme Navarin, les tranchées allemandes s’étendaient perpendiculairement à la route, tranchées des Vandales à l’ouest, tranchées de la Kultur à l’est, coupant dans leur largeur des boqueteaux de pins.
Quand, au matin du 7 octobre, nos soldats, troupes d’Afrique d’une part, troupes de l’est de l’autre, s’élancèrent sur ces tranchées, elles purent y constater l’efficacité du bombardement exécuté le 6 et pendant la nuit du 6 au 7. (…) (3)« 
D’autres textes montrent ce qu’il faut lire derrière le mot « effort ».

  • Avec le 294e RI, l’aspirant Laby raconte

Mercredi 6 octobre : (…)
À 3 heures du matin, tout le monde est debout. Les marmites tombent si près que la lampe à acétylène et les bougies de notre PS s’éteignent plusieurs fois. La 23ème compagnie attaque la première, mais les fils de fer barbelés ne sont pas complètement amochés et notre première vague se brise dessus. (…)
Jeudi 7 octobre (…) :
Le lieutenant Martinot, de la 23ème, est tué. C’est triste. Lui aussi déjeunait à la popote Babonneau. Le lieutenant Série du 5ème bataillon est tué. Bombardement continuel. Il paraît que les ailes avancent. Mais nous, impossible: on se cogne aux réseaux que l’artillerie n’a pu démolir. (…)
Vendredi 8 octobre.
Le régiment attaque à la baïonnette à 3 heures de l’après-midi. … Attaque superbe. On gagne de suite trois tranchées presque sans pertes (tranchée des Satyres). Mais l’artillerie de la 51ème DI, qui devait tirer sur une tranchée à notre droite, cesse son tir et on est pris de flanc par les mitrailleuses boches. On est obligé de battre en retraite sur nos premières positions. (…) Pertes énormes. Nous faisons des pansements sans arrêt, de 16 heures à 1 heure du matin, sous un bombardement terrible. On est absolument fou. On perd huit cents hommes environ et tous les officiers des compagnies sauf quatre (…).  Il n’y en a plus un seul au 5ème bataillon.
À la 17ème compagnie [celle d’Armand], le lieutenant Sibille, voyant qu’on est obligé de battre en retraite, s’élance seul avec son revolver et des grenades et se fait tuer au milieu des Boches.(…)

Grande victoire selon les journaux ! Echec réel sur le terrain ; le 1er novembre, l’ensemble des opérations était définitivement arrêté. Cet échec ruinait l’espoir de décision par la rupture du front. Et Armand Michel a disparu…

7. Deuil inachevé.

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1. Récit établit à l’aide de l’historique succinct du 294e RI et des JMO du 294ème Régiment d’Infanterie (SHD cote 26N741/7), du 69ème BCP (SHD 26N834/8), de la 111ème Brigade (SHD 26N526/4) et du 132ème Régiment d’Infanterie (SHD 26N688/2).

2. Les carnets de l’aspirant Laby, médecin dans les tranchées, 28 juillet 1914 – 14 juillet 1919, Editions Bayard, Paris, 2001.

3. Bulletin des Armées de la République française, 10-13 octobre 1915. Lire l’intégralité de l’article.

Dernière mise à jour de la page : 24 janvier 2011

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