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24 – 92e RI, Clermont-Ferrand, février 1909

Vingt deux hommes du 92e RI et quelques indices pour retrouver celui qui a écrit, même si c’est sans espoir de lui rendre son visage. Ce n’est pourtant pas le résultat de cette petite recherche…

  • Au 92e RI de Clermont-Ferrand

Un homme au service militaire écrit à son meilleur ami. Ce n’est que grâce à son indication qu’il est possible de dire quel est le régiment : il est affecté à la 12e compagnie du 92e régiment d’infanterie.

Le numéro du régiment est illisible sur les képis, même sur celui du capitaine qui se trouve derrière le groupe.

Localiser le lieu de la prise de vue n’est pas simple, pour deux raisons. Nous ne nous trouvons pas dans l’enceinte d’une caserne : l’arrière plan n’a pas les alignements de bâtiments classiques des casernes, ou un environnement urbain, on aperçoit une fontaine et dans la partie floue de l’image, on devine un enfant qui n’aurait pas pu entrer dans la caserne a priori.

Cela donne l’impression d’un cliché pris à l’occasion d’une marche ou d’un exercice à l’extérieur de la caserne Assas de Clermont-Ferrand.

  • Par tous les temps

Le temps est hivernal. On le constate à l’absence de feuilles sur les arbres ou au sol et à la tenue des hommes : ils n’ont pas de capote à l’exception du sergent visible à gauche sur l’image précédente. Ils sont clairement bien couverts, leurs bourgerons s’ouvrant légèrement et le tout donnant un aspect plus épais que lorsqu’il est porté seul.

De même, le capitaine est aussi couvert. Seul point commun de tous ces hommes : l’absence de gants comme on peut le voir parfois. L’uniformité des tenues et des équipements est seulement cassée par la pipe d’un homme et la marque de grade du caporal (une patelette de galonnage sur son torse).

Le sol au niveau des hommes intrigue : il ressort très blanc, bien plus que l’herbe ou que la terre. Le sol est d’ailleurs plus clair que le bourgeron qui est écru : serait-ce de la neige ? La confirmation vient en zoomant sur les pieds des hommes : c’est bien de la neige, collant au genou et surtout sur les bords de la semelle des brodequins. On remarque aussi qu’au pied de la fontaine, la neige a fondu et laisse apparaître la terre ou l’herbe.

Ce temps est logique pour un mois de février (le cliché a été pris avant le 23 février, date de l’envoi du courrier). C’est que les classes ne s’arrêtent pas avec l’hiver : marches, entraînements divers se poursuivent. Ici, sans qu’il soit possible de déterminer le contexte exact, ces hommes ont l’équipement complet : fusil, cartouchières modèle 1882 modifié, mais aussi le havresac et l’outil réglementaire.   

Le nombre d’outils laisse à penser que nous sommes devant une section (chaque escouade a deux pioches, or nous en voyons quatre sur l’image, ce qui fait deux escouades, c’est-à-dire une section). Mais 22 hommes dans une section, cela ne fait pas beaucoup. L’hypothèse reste en suspend.

  • Retrouver l’expéditeur

« Clermont-Ferrand, le 23/2/1909.       92e inf. 12e Cie
Cher ami,
Je t’écris deux mots sur une carte où tu pourras je pense reconnaître ton meilleur ami. Je vais bien et j’espère que tu sois de même. J’ai vu Maria B. dimanche, elle va au Bouchet samedi, tu pourras la voir. Je veux demander une permission aussi, mais c’est bien peu sûr qu’on me l’accorde.
Rien de bien nouveau à te dire pour le moment. Je termine en te serrant cordialement la main.
Ton ami, J. E.

Francisque Duchasseint
au Bouchet par Courpière
Puy de Dôme« 

On sait que son ami est Francisque Duchausseint habitant à Courpière. Direction l’état-civil de la commune de Courpière sur le site des Archives départementales du Puy-de-Dôme (2). On y trouve un François Duchausseint né dans la commune le 23 août 1885. Quel intérêt pour la recherche de l’expéditeur ? Il est probable que les deux hommes soient du même pays, vu que l’expéditeur le qualifie simplement de « ton meilleur ami » dans son texte. Recherche d’un homme né vers 1886-1887 dans les tables de la commune dont les intiales pourraient être « J. E. ». Hélas, rien. Je n’ai pas poussé la recherche jusqu’à chercher dans les communes autour, le « J. E. » n’étant pas sûr. Un recensement de population en 1911 permettrait peut-être de trouver une piste. Dernière piste possible : l’acte de mariage de François qui s’est marié avec Marie Missou le 20 novembre 1909. Peut-être un des témoins était-il son meilleur ami ? Bon, j’admets que la piste est plutôt hasardeuse…
Cette Marie Missou est-elle la Maria B. du courrier posté à peine 7 mois avant le mariage ? A première vue non, le prénom et l’initiale du nom ne concordant pas. Mais il semble que l’expéditeur transformait le prénom, Maria = Marie ? Pour le « B. », c’est moins évident…

François Duchasseint est mort des suites de blessures le 18 septembre 1915.

  • Retrouver la localisation

Alors que les éléments semblaient pouvoir permettre de retrouver l’expéditeur, c’est la localisation qui va pouvoir être déduite, malgré un cliché peu contrasté et difficilement lisible pour ce qui est de l’arrière plan et aucun élément concret dans le texte à part « Clermont-Ferrand ».

Pour aider à localiser ce lieu, deux éléments sont utiles : une place arborée, une fontaine à l’architecture et au décor spécifique, et les bâtiments visibles. Retour au site des Archives départementales du Puy-de-Dôme et ses 50 000 images de cartes postales récemment mises en ligne. Avec le mot-clé « fontaine », 797 images. Visionnées une à une, ce n’est qu’au-delà de la 750e qu’une fontaine similaire est apparue en bord d’une image de marché aux bestiaux bien peu nette. Piste sérieuse qui donne une localisation : place Bughes.

Une place arborée, une fontaine qui ressemble beaucoup, un emplacement logique car à proximité de la caserne d’Assas où est le 92e RI. Google View n’est d’aucune aide pour avoir une confirmation, l’urbanisation ayant mangé cet espace, bouchant totalement la vue et empêchant de voir le paysage à l’arrière plan même si la place existe toujours. La confirmation de la localisation vient d’un bâtiment visible à la fois sur la photographie ci-dessus et sur une carte postale d’époque.

  • En guise de conclusion

Malgré son manque de contraste, dû en partie à la neige qui se confond avec le ciel à l’arrière-plan, cette image donne assez d’indices pour être localisée. Malgré tout, il reste des éléments qui se refusent à la curiosité du lecteur : l’identité de l’expéditeur, la raison de la présence de ces hommes place des Bughes ce jour de février 1909.

  • Sources :

Archives départementales du Puy-de-Dôme, accès direct au site.


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