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13 – En avant la musique avec Marcel Fontaine au 150e RI (2)

Parfois, des histoires ont une suite. C’est le cas aujourd’hui : le parcours de Marcel Fontaine s’affine pour deux raisons : une aide extérieure et la découverte d’une seconde photo carte.

  • Un coup de chance ?

Trouver une seconde photo carte d’une même personne. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin ! C’est en cherchant dans la même boutique où j’avais trouvé la première en février dernier, mais dans une autre thématique, que j’ai finalement découvert sa « sœur ». La botte de foin n’était donc pas si grande ! Une photographie avec une bande de timbres collée a suffi pour attirer mon attention. J’ai tout de suite reconnu le visage de Marcel Fontaine.

  • Petit rappel

Marcel Fontaine est présent sur une photographie de groupe de musiciens du 150e RI. Mais la photo carte posait plusieurs problèmes : en quelle année a-t-elle été prise (pas d’année visible sur l’oblitération) et d’où vient Marcel Fontaine ?

Cette nouvelle carte, sans nous en apprendre autant qu’on le voudrait (il faut dire qu’avec le tarif 5 centimes = 5 mots + signature, pas de quoi écrire un roman !), nous permet d’avancer un peu tout de même.

Il est toujours au 150e RI. Il écrit une nouvelle fois à son oncle et à sa tante de Lillebonne. Par rapport à la première carte, le tampon de celle-ci est bien encré et bien lisible : 26 octobre 1909, de Saint-Mihiel (tout comme le photographe qui a imprimé son nom sur la carte). Voilà une information de premier ordre qui nous permet d’estimer que, s’il n’est pas un engagé volontaire, Marcel Fontaine était de la classe 1907 ou 1908, les deux classes du service actif en octobre 1909.

  • Un habitant de Seine Inférieure ?

Suite au premier article sur Marcel Fontaine, Valérie du blog les Pommiers dans la guerre 14-18 est partie en quête de notre Marcel aux archives départementales à Rouen. Vu qu’il écrit dans ce département, cela a poussé la curiosité de Valérie : et s’il était originaire de ce département, vu qu’une partie de sa famille y habite ? Hélas, personne n’a été trouvé dans les tables alphabétiques des registres matricules sous cette identité avant 1914. Par contre, grâce à un de ses correspondants, que je remercie chaleureusement à cette occasion pour sa recherche, elle a trouvé une piste pour un A. Clément à Lillebonne. Dans l’almanach de Lillebonne (année 1932), il y a un Auguste Clément au 10 boulevard de l’alliance. Mais est-ce le nôtre ?

La nouvelle carte nous donne un indice supplémentaire : ce A. Clément vivait Place du Marché à Lillebonne en 1909. Peut-être cet élément permettra-t-il d’en savoir plus (une adresse permet de retrouver plus facilement une personne dans le recensement d’une ville par exemple) et, qui sait, réussir à faire la généalogie de cette personne afin de mieux retrouver la trace de son neveu.

  • Un groupe, classique

Impossible de dire s’il s’agit de musiciens comme dans la première image. Rien ne le montre sur l’uniforme de ces 17 hommes. A-t-elle été prise à la même période que celle qui fait l’objet de cet article ? Ces deux images ont-elles été prises à plusieurs mois d’intervalle ? S’agit-il ici d’une photographie prise au début de ses classes ?

On voit distinctement deux caporaux qui ont blanchi leurs galons pour qu’ils soient bien visibles. Quatre hommes portent le képi. A part les deux caporaux qui sont tête nue, tous les autres sont coiffés du bonnet de police, plus ou moins penché comme toujours. Il semble qu’il y ait également un jeu avec le plis supérieur du bonnet : il est plus ou moins ouvert, volontairement a priori.

Deux ont leur pipe en bouche, deux leur baïonnette et deux, de manière plus inhabituelle, une brosse et un dernier une boite de conserve.

Bien difficile d’interpréter la présence de ces objets montrés pourtant de manière ostensible. Par contre, il n’est pas possible de dire si Marcel Fontaine s’est prêté à ce petit jeu car la vignette collée pour indiquer de qui il s’agit recouvre ses mains.

  • Jeu de miroir

C’est un effet qui n’est pas si fréquent sur les photographies. Le photographe semble avoir pris soin de faire ouvrir le battant d’une fenêtre, mais les autres reflètent ce qui se trouve devant le groupe.

Si on observe les fenêtres, on voit le reflet de la silhouette de l’homme qui se tient debout à l’extrême gauche du groupe. On perçoit aussi ce qui doit être vu, en partie en tout cas, par notre groupe d’hommes et qui se tient devant eux. Ce n’est hélas pas très net. Peut-être un mur couvert de lierre ou des arbres ?

  • Et quelques détails

Cet homme porte une brosse, probablement celle servant à cirer les brodequins. Or, il porte un brodequin à gauche, mais ce qui ressemble à une chaussure de repos à droite, blanche qui plus est. Les suites d’une marche qui a blessé son pied ?

Le caporal à gauche a une tache sous son œil gauche. Il ne s’agit pas d’une tache sur l’image mais bien d’un œil au beurre noir.

  • En guise de conclusion (1, mai 2011)

Cet exemple montre qu’il est toujours possible d’avancer dans ses recherches avec ce que l’on a et parfois un peu de chance. Cela peut prendre du temps, mais de précieuses aides extérieures, les archives peuvent parfois compléter suppléer les informations perdues en raison d’une dispersion des archives familiales, de l’oubli. Car, qu’on le veuille ou non, ces images ne peuvent plus nous dire que ce qu’elles montrent et ce que la curiosité peut découvrir. C’est tout ce qu’elles peuvent dire.

  • Mise à jour de mars 2018 – Marcel Fontaine retrouvé

Marcel Fontaine avait fait l’objet d’une double recherche suite à la découverte successive de deux photographies. Grâce à la masse d’informations fournies par Thibaut Vallé, Valérie Quevaine, Stéphan Agosto et par madame Ossart, il est possible de proposer une courte biographie.

  • Un Normand bien loin de chez lui…

La recherche documentaire commence dans le département de la Manche dans le village de Saussey, au milieu du XIXème siècle. Le 5 février 1857 y est célébré le mariage de Frédéric Clément et de Rosalie Lechevallier. Elle est du cru, il est marchand tamisier à Yvetot.
De ce mariage sont issus Mélanie Rosalie, née le 11 janvier 1858 à Saussey et au moins un frère.

Une vingtaine d’années plus tard, Armand Fontaine et Mélanie Clément se marient à Fauvelle, le 4 novembre 1884. De leur union naît Arsène Augustin Marcel Fontaine le 9 mai 1888 à Cany, toujours dans la Seine-Inférieure.

Encore vingt ans plus tard, à l’appel sous les drapeaux, Marcel est affecté au 150e RI. Il fait partie des ces hommes qui vont compléter les effectifs des régiments de la frontière, bien loin de leur département d’origine. Du 6 octobre 1909 au 23 septembre 1910, il fait son service actif. C’est à ce moment que furent prises les deux photographies de Marcel.

  • Au 150e RI, dans la Meuse

Avec ces deux photographies, un seul souvenir est parvenu de son séjour au 150e RI : un recueil de chansons. Il est imposant : il s’agit d’un cahier composé de près de 300 pages sur lequel une main a écrit à la plume les paroles de plus de 50 chansons. Une décoration de style géométrique a parachevé le travail. Il devait être précieux pour son auteur. Tout comme la personne qui le conserva : sa fiancée. Tout ce que l’on sait de cette histoire, c’est que le cahier fut conservé et est toujours dans la famille de cette femme.

  • Un bref retour à la vie civile

De retour à Cany, il est affecté comme réserviste au 74e RI où il effectue une période d’exercices en 1913 à l’occasion des manœuvres d’automne. Mobilisé en août 1914, on sait très peu de choses de son parcours. Il est grièvement blessé en septembre 1915, puis, alors qu’il est la 2e compagnie de mitrailleuses du 74e RI, il est tué le 4 décembre 1916.
Ce décès explique la maigreur de sa fiche matricule qui ne mentionne ni sa fonction de tambour (mais elle ne l’est pratiquement jamais) ni les détails de son parcours au front.

Marcel Fontaine est aujourd’hui inhumé dans la nécropole nationale de Bras-sur-Meuse, près de Verdun.

  • Un autre homme identifié !

Cette fois-ci, c’est grâce aux messages de monsieur F. Blaise-Fonder que le tambour major visible sur la première photo carte a été identifié. Il se nomme Jacquet.

  • En guise de conclusion (2, mars 2018)

La mise en ligne de documents et de ces petites recherches a un avantage considérable sur une publication papier ou sur la conservation égoïste des documents : elle permet d’en savoir plus et d’être éventuellement en relation avec des personnes ayant des compléments à apporter. Ces synergies et ces apports auraient été inimaginables il y a encore seulement une dizaine d’années. C’est réellement la grande force d’internet dont il faut user ! Si cela ne « matche » pas pour chaque cas, celui-ci en est un bon exemple : pas moins de cinq personnes ont participé directement à ces ajouts.

  • Remerciements :

Un grand merci à Thibaut Vallé, Valérie Quevaine, Stéphane Agosto, madame Ossart et monsieur  Blaise-Fonder pour leur aide sans laquelle la biographie de Marcel Fontaine serait restée bien incomplète.

  • Sources :

Archives départementales de Seine-Maritime :

3M/71 : Liste électorale de Lillebonne, 1913.
1 R 3233 : fiche matricule de Marcel Fontaine, classe 1908, matricule 220 au bureau de recrutement du Havre.


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