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Trésors d’archives n°27 – Auguste Guiet, combat de Ouezzen

    Les combats dans le Sud tunisien en 1915 sont dans l’ombre de la Grande Guerre. Celui qui nous intéresse est un échec cuisant pour les troupes françaises, composées en partie des chasseurs du 5e Bataillon d’Infanterie Légère d’Afrique (BILA). Cette unité regroupait des hommes condamnés à des peines infamantes empêchant leur affectation dans les unités « classiques ».

    Une compagnie du 5e BILA combat le 15 septembre 1915 à Ouezzen, près du camp de Déhibat, au Sud-Est de la Tunisie. Toutefois, un élément est absent des quelques récits rencontrés. Il est donné dans un document établi suite à la disparition d’un chasseur ce jour-là.

  • Le chasseur Guiet

    Après deux condamnations pour vol en 1896, Auguste Guiet, 20 ans, est condamné à de la prison. Il ne peut donc assister à son conseil de révision et est noté « bon absent ». Ses condamnations font qu’il est affecté au 4e Bataillon d’Infanterie Légère d’Afrique. Il reste en Tunisie du 8 décembre 1897 au 10 octobre 1900. La simple indication qu’il devient chasseur première classe le 6 novembre 1898 puis qu’il est remis chasseur 2e classe le 28 mars 1899 nous indique qu’il ne fut pas un chasseur irréprochable. Son certificat de bonne conduite est donc refusé.

    Après avoir vécu en région parisienne et participé à trois périodes d’exercices – au 104e RI en 1903, au 115e RI en 1906 et 4e Groupe Spécial en 1913 – il est mobilisé le 7 août 1914. Impossible de dire ce qu’il se passe pour lui jusqu’en juin 1915. Le 10 juin, il arrive au 5e BILA à Gabès. La trace suivante est le 15 septembre 1915, date de sa disparition au combat d’Ouezzen.

  • Le combat de Ouezzen du 15 septembre 1915
Carte extraite des AFGG (voir sources).

    Le meilleur résumé disponible est celui des AFGG.

« La situation reste calme jusqu’au commencement de septembre. Le 13, un groupe de rebelles attaque une reconnaissance de chasseurs d’Afrique à huit kilomètres de Déhibat. Un escadron et une compagnie sont envoyés pour les dégager ; les adversaires se replient sur Ouezzen. Le lendemain, un détachement d’une compagnie, d’une section d’artillerie et de deux goums est envoyé de Déhibat en répression dans cette région, mais assailli par de nombreux rebelles, il doit se replier. Pour réparer cet échec, le 15 septembre, la garnison de Déhibat (deux compagnies, six pelotons de cavalerie, une section de mitrailleuses, une section d’artillerie et les goums), marche sur Ouezzen. Pressée par des forces très supérieures, elle est obligée de se replier, après avoir subi des pertes sérieuses. »

    Les Français lancent une opération de représailles dans un terrain difficile, face à un ennemi sous-évalué en qualité et en quantité. Le repli sur le camp suit le violent affrontement. L’annexe 2694 des AFGG précise les pertes : officiellement 27 tués et 33 blessés, sans qu’il ne soit fait mention de disparus.

  • La disparition du chasseur Guiet

    Quand un seul soldat voire aucun ne peut attester du décès effectif d’un camarade, un acte de disparition est dressé par le corps. C’est le cas pour Auguste Guiet.

« Service de Santé en Campagne
Acte de disparitions
Désignation du corps ou de la formation : Bureau Spécial de Campagne du 5e Batailon d’Infie Légère d’Afrique

Nous soussigné Le Chef du Bureau Spécial de Comptabilité du 5e BATAILLON D’INFIE LEGERE d’AFRIQUE
Certifie que le nommé Guiet Auguste, Valentin
fils de Auguste
et de Thuau Valentine

Né le 8 juillet 1876 à Cérans Foulletourte
département de la Sarthe, Grade 2e classe

Inscrit sous le n° T 2010 du registre matricule, a disparu le 15 Septembre 1915 et que depuis cette époque, toutes les recherches auxquelles il a été procédé pour découvrir son sort sont demeurées infructueuses.

Circonstances de la disparition

Le 15 Septembre 1915 après l’engagement de l’Ouezzen au cours du repli une vingtaine de chasseurs du 5e Bataillon d’Afrique ont été pris par les Rebelles, tués sur place, dépouillés de leurs vêtements et entassés les uns sur les autres. Les cadavres dont beaucoup étaient non identifiables ont été retrouvés plus tard.

Le décès du chasseur Guiet Auguste, Valentin ne paraît donc pas douteux.

Témoignage de M. le lieutenant Jeannel, actuellement présent au 5e Bon d’Afrique

Fait à Gabès le 23 Avril 1920

Suivent les signatures. »

    Le camp de Déhibat se retrouva isolé près d’un mois après cet engagement. C’est la raison probable pour laquelle les corps ne furent retrouvés que dans un état empêchant toute identification.

  • Imprécision géographique

    À défaut de listes ou de comptes rendus archivés au SHD, il est possible de se faire une idée de quelques-uns de ces disparus. Outre les différentes orthographes déjà mentionnées, on observe la vitesse variable de traitement de la disparition dans les tribunaux.

    Le nom du lieu des combats est une difficulté réelle pour l’utilisation des bases de données disponibles. En effet, on trouve indifféremment dans les fiches MDH l’orthographe « Ouezzem », « Ouezzan », « Oued Zem » avec parfois l’indication du Maroc – c’est effectivement une localité marocaine, mais toutes les autres informations concernant le soldat sont bien liées au combat en Tunisie – dans une évidente confusion avec un lieu de bataille réel ou une sonorité voisine.

    Toutes les fiches matricules ont été trouvées et consultées. Toutes confirment la disparition des hommes du tableau. On peut observer l’imprécision des fiches MDH, non seulement en ce qui concerne le nom du lieu, mais aussi certaines informations concernant la cause du décès, l’unité concernée. D’ailleurs, certaines fiches appartiennent au groupe des inachevées.

  • En guise de conclusion

    Cet exemple montre à quel point les dossiers des jugements déclaratifs de décès peuvent se révéler instructifs, y compris pour des combats peu documentés. C’est aussi un bon exemple des recoupements indispensables à faire quand on utilise le fichier MDH comme les fiches matricules.

  • Sources

– Archives départementales de la Sarthe :

1 R 1421 : Fiche matricule de GUIET Auguste Valentin, classe 1896, matricule 1518 au bureau de recrutement de Le Mans.

1 U 1864 : jugements déclaratifs de décès de militaires

– Le combat d’Ouezzen dans l’AFGG :

Les Armées Françaises dans la Grande Guerre, Tome IX. Les fronts secondaires.Deuxième volume. Les campagnes coloniales : Cameroun. – Togo. – Opérations contre les Senoussis, Précis page 847.

Cartes. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6280059h/f875.image.r=Dehibat%201915?rk=42918;4#

AFGG, Tome IX. Les fronts secondaires. Deuxième volume. Les campagnes coloniales : Cameroun. – Togo. – Opérations contre les Senoussis, Annexes 3e volume.

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65404798

Carte du Sud-Est tunisien dans les AFGG, Tome IX. Les fronts secondaires. Deuxième volume. Les campagnes coloniales : Cameroun. – Togo. – Opérations contre les Senoussis, volume de cartes.

Cartes.  : https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/e00566409fbd8cc3/566409fbdabcc

Quelques extraits d’ouvrages concernant l’engagement du 15 septembre 1915 :

https://gw.geneanet.org/deuffic?amp&lang=fr&p=joseph+marie&n=deuffic

Quelques pistes bibliographiques sur ce secteur :

https://forum.pages14-18.com/viewtopic.php?f=12&t=12890#p111259

Mise en ligne de la page : 5 septembre 2021.


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