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Sur les bancs de l’école (1)

Utiliser les sources scolaires pour en apprendre plus sur les conscrits

    Il peut paraître étonnant de proposer une recherche liée aux sources scolaires pour évoquer des hommes mobilisés pendant la Première Guerre mondiale. Pourtant, il y a un lien direct : quand nous travaillons sur le parcours d’un homme, on est souvent amené à évoquer son degré d’instruction. Or, des sources existent qui permettent de développer considérablement cet aspect de la biographie d’un homme. À la condition que les sources aient été conservées ou soient accessibles, au moins trois possibilités s’ouvrent au chercheur : travailler sur l’instituteur, travailler sur un élève, travailler sur une classe. De même, cette source permet de s’interroger non sur le devenir des natifs d’une commune ou des mobilisés, mais sur ce qu’il advint d’une classe ou des élèves d’une école.

  • Présentation des sources

    Il y a deux sources distinctes et complémentaires permettant d’aborder en détail la scolarisation de ces hommes.

1. Le registre d’appel journalier est un document officiel. Il doit être obligatoirement tenu par l’instituteur matin et soir, tous les jours de classe. Le registre est divisé en mois. Chaque mois représente deux pages : celle de gauche est utilisée pour noter les absences, celle de droite la moyenne des notes obtenues dans toutes les matières ! Ainsi, plus que les seules absences, on découvre la réussite scolaire de chaque élève, ses points forts, ses points faibles.

    Il arrive que l’instituteur ait remplacé la note par le classement de l’élève dans la matière travaillée.

    Dans certains cas, il est même possible que l’instituteur ait noté le motif des absences. Dans l’exemple ci-dessous, en juin 1903, l’école de Fay (Sarthe) est fermée trois jours. Le premier pour participer aux obsèques de la maîtresse, le second pour le passage du certificat d’études pour les filles et le troisième pour la visite du président de la République.

2. Le registre matricule des élèves admis à l’école est un autre document. Il est complémentaire du registre d’appel car il donne d’abord une liste des élèves complétée d’informations sur l’enfant : sa date de naissance, ses parents, sa date d’entrée à l’école, la date où il a obtenu le certificat d’études primaires, sa sortie définitive de l’école et, mais pas systématiquement, un avis général sur l’élève avec mention de sa destination s’il est parti avant la fin de la scolarité obligatoire.

3. Un dernier document peut être utile, surtout dans le cadre d’une recherche sur les élèves d’une école. Il s’agit de la liste annuelle d’inscription des élèves. « Cette liste est commencée tous les ans au moment de la rentrée des classes. Elle doit comprendre, sans aucune exception, tous les élèves (anciens et nouveaux) qui s’y présentent successivement depuis le jour de la rentrée jusqu’au dernier jour de l’année scolaire » explique l’instruction imprimée sur la première page de cette liste.

On imagine mal la richesse de ces sources. Elles complètent souvent le registre matricule :

– Ces enfants ont usé leurs fonds de culotte sur les bancs de la même classe. On peut retrouver la composition des classes.

– On peut narrer un pan entier de la vie d’une commune.

– Le niveau scolaire dans chaque matière est noté, plus ou moins précisément suivant l’instituteur il est vrai. Du simple classement aux moyennes dans chaque matière évaluée.

– Toutes les journées d’absence et de présence, ce qui peut expliquer un niveau scolaire mais aussi montrer le travail des enfants à la ferme.

– On peut trouver mention d’une épidémie (ex : rougeole à Pruillé-le-Chétif en février 1906, maladie de Croup, grippe, varicelle…).

– On apprend la date de l’éventuel passage du certificat d’études.

    Toutefois, cette source laisse la part belle à l’imagination et aux hypothèses en l’absence de mentions de la part de l’instituteur pour expliquer les absences par exemple, ou une inscription tardive par rapport aux autres élèves. Si l’explication du travail à la ferme ou l’aide aux parents est celle qui vient tout de suite, il existe de nombreuses autres raisons possibles : maladie et épidémie, conditions climatiques (en particulier en hiver avec le froid et le verglas), garde des autres enfants de la famille, des bestiaux, travail des champs, fenaison, foins…

    Valérie Quevaine a eu l’occasion de consulter une autre source en lien avec ces absences. Voilà ce qu’elle note. Si on s’intéresse aux causes des absences, il y a dans le fonds communal les archives de la commission scolaire. Cette commission, composée entre autres de membres du conseil municipal, était chargée de convoquer les parents de l’enfant absent illégalement, de les entendre sur les causes et éventuellement de prononcer des sanctions allant de l’affichage à des amendes.

    Assez souvent lorsque les communes sont à dominante agricole, où les élus sont eux-mêmes des agriculteurs, les absences liées aux travaux des champs sont peu sanctionnées, juste un rappel qu’il faut faire un effort. De plus on reprochait souvent à ces commissions de ne pas se réunir assez régulièrement voire jamais. L’instituteur ou l’institutrice devait dresser chaque mois une liste des « réfractaires » suivant le terme utilisé et l’adresser à la commune avec date des absences et motifs.

    Concernant les recherches autour de la Première Guerre mondiale, outre les pistes déjà évoquées, ces documents permettent en premier lieu d’enrichir la connaissance de la vie d’un conscrit, qu’il soit ancien élève ou instituteur. C’est aussi un moyen de découvrir ce qui fut mis en place afin d’assurer la continuité du service une fois l’instituteur mobilisé.

  • En guise de conclusion

    Cette source est d’une richesse remarquable et elle offre un grand nombre de possibilités de recherches et d’informations. Toutefois, sa conservation est extrêmement aléatoire (documents détruits, documents toujours conservés dans l’école, documents déposés aux Archives départementales). La question qui se pose le plus souvent est de savoir si ces documents ont été conservés ou non, puis s’ils sont accessibles et finalement où peuvent-ils être consultés. Dans le cas de la Sarthe, le constat aux Archives départementales a été que les ensembles cohérents concernent entre 10 et 15 écoles du département pour l’époque qui nous intéresse !

  • Pour aller plus loin :

Les écoliers de l’école de Pruillé-le-Chétif : des bancs de l’école aux rangs de l’armée

  • Remerciements

À Valérie Quevaine pour ses remarques sur les élèves absents.

  • Sources :

Archives départementales de la Sarthe : https://archives.sarthe.fr/

– 1 T 1453 : Registre d’appel journalier de l’école de Fay.

– 1 T 1454 : Listes annuelles d’inscription des élèves à l’école de Fay.

– 1 T 1478 : Registre matricule des élèves admis à l’école primaire de Pruillé-le-Chétif.

– 1 T 1480 : Registre d’appel journalier, école primaire de garçons, commune de Pruillé-le-Chétif, années scolaires 1904-1905, 1905-1906, 1906-1907.

  • La suite de la recherche :

Après avoir quitté les bancs de l’école, le jeune homme doit se faire recenser le mois de décembre de son vingtième anniversaire. Voir la page à ce sujet.

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