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Présentation originale pour des carnets de guerre

PAILLETTE Raymond, 1914-1918, journal de guerre, les carnets de dessin d’un peintre de Montmartre au front. Paris, OREP éditions, 2014.

39,90 euros, c’est beaucoup. C’est trop pour une simple transcription de carnet ou pour un seul témoignage, qu’il soit à destination des passionnés ou du grand public. Toutefois, ici, ils se justifient pleinement. Ce n’est pas une simple transcription : il s’agit d’un coffret comprenant cinq documents différents. Tous ont en commun une grande ingéniosité et surtout une mise en page imaginative et réfléchie, de grande qualité.

Voici ce qui le compose :

– La présentation « technique » des 41e et 121e BCP, affectation du soldat au cours du conflit. Ce livret de quelques pages donne la liste des officiers et les affectations successives de chacun de ces bataillons au cours du conflit et la place de ces deux bataillons dans la structure de l’armée en général.
– La carte au format A3 montrant les différents espaces où cet homme a été engagé. Indispensable mais trop souvent absent des témoignages, cet outil est bien pensé. Le verso n’est pas laissé blanc mais est utilisé pour une très belle reproduction d’une photographie, toujours en grand format. Le seul regret est qu’il s’agit d’une photographie sans rapport réel avec Adrien Paillette.
– Le fac-similé d’un carnet de notes et de dessins qui montre la richesse du coup de crayon mais aussi de ce que l’auteur écrivait. C’est une initiative exceptionnelle : permettre au lecteur de tenir en main une copie à l’échelle d’un de ces carnets. La copie est certes sur un papier épais, mais il est d’une très belle qualité.
– Le fac-similé d’une vingtaine de dessins qui montrent l’étendue de ce que cet homme a croqué, donnant un ensemble très riche. Par contre, pourquoi avoir ajouté des fiches sur l’armement, les uniformes et même des photographies sans rapport avec Adrien Paillette ? Ces documents intéressants sont moins pertinents que les dessins. Ces fiches s’adressent clairement à des lecteurs  ayant peu de connaissances sur le sujet, la colorisation en étant un signe complémentaire.
– La transcription intégrale des carnets de ce soldat qui a traversé l’ensemble du conflit, notant, croquant, dessinant. Dans un format à l’italienne original, cette édition mêle dessins et notes avec beaucoup de soin et de rigueur. On retrouve également des cartes en plus de la grande carte déjà mentionnée : astucieuses, elles permettent vraiment de suivre le parcours de ce combattant. Alors que nombre de témoignages ont soit des cartes illisibles soit pas de carte du tout, le choix fait ici me semble le meilleur compromis possible.

Une édition donc très riche qui a réussi à se démarquer positivement du lot impressionnant de publications liées au centenaire en 2014. Le travail de Yann Thomas ne peut être que salué ici (les très belles photographies – même si ce ne sont que des illustrations – proviennent de sa collection). On le retrouve aussi dans la rédaction de la préface.

  • Quelques éléments sur le parcours de Raymond Paillette

Avant la lecture des carnets, la lecture de la préface est un indispensable pour en savoir plus sur leur auteur. J’y ai toutefois noté une erreur : appartenant à la classe 1909, il est indiqué qu’il fit trois ans de service, de 1909 à 1912. Or, à moins qu’il se soit engagé volontairement (ce qui n’est jamais mentionné), il a été appelé de 1910 et 1912, pendant deux ans comme les autres hommes de sa classe.
Contrairement au choix fait par le rédacteur de l’introduction, je vais parler d’André Paillette et non de « Raymond André Paillette ». Il signe ses dessins « A. Paillette », ce qui indique quel était son prénom d’usage.

Passée cette préface, on aborde les 190 pages de la transcription des 11 carnets. Chaque page contient à la fois les mots et des reproductions de dessins dont il est question pendant la période.
Ces dessins sont une vraie richesse de ces carnets et méritent effectivement d’être publiés. André croque, dessine régulièrement, plus au début du conflit qu’à la fin. Il montre des scènes peu photographiées, voire pas du tout en ce qui concerne août 1914 : la partie de cartes avec un veilleur, le retour d’une section isolée à l’avant…

Voici une présentation de ces onze carnets en trois thèmes : le parcours d’André Paillette, l’importance de l’amitié et ses observations personnelles.

  • Le parcours d’André Paillette au 41e BCP

Le parcours d’André est, comme toujours, individuel.
Mobilisé en août, il intègre le bataillon de réserve du 1er BCP, à savoir le 41e BCP. S’il n’a effectivement pas tiré un seul coup de feu avant 1916, c’est uniquement en raison des circonstances. En août 1914, au moment où sa compagnie a ses premières pertes, il est malade à l’infirmerie du bataillon.
En septembre, il est en première ligne, mais jamais en contact. Puis, il devient brancardier à la fin du mois. Il est rapidement confronté à une vie de caserne, loin de la réalité de la première ligne sauf lors des reconnaissances. Il n’empêche qu’il est confronté rapidement aux blessés et aux morts.

Le 17 novembre 1914, il manque d’être tué par un obus qui « réduit en bouillie » le soldat qui était devant lui. Journée marquée par de violents bombardements et un recul qu’il conclut par un « Quelle journée et j’ai eu peur », page 46. Cette simple phrase montre qu’André note beaucoup d’informations. Il a le souci de donner des détails.
Le 1er décembre, le brancardier qu’il remplace reprenant son poste, il devient cycliste du commandant. Il troque son « coupe-choux contre une cambine ». Rapidement, il en profite pour faire un long tour par le col de la Chipotte le 18 décembre. Emploi on ne peut mieux choisi tant le vélo avant-guerre tenait une place importante dans sa vie et que, tout au long de sa guerre, il n’aura de cesse de mentionner ses « courses », les rencontres avec des coureurs du tour de France notamment. Je reviendrai un peu plus sur ce thème ultérieurement.
Son premier Noël au front est marqué par son premier « cafard », terme qu’il utilise. Il y en aura bien d’autres. Le lendemain, il prend son premier bain depuis 5 mois. Le 7 janvier 1915, il se fait photographier et assiste au mariage d’un soldat, son « premier bleu ». Ce rappel est une référence aux relations à la caserne entre un « ancien » et un « bleu » de la nouvelle classe qui trouvait dans son ancien une sorte de parrain, de protecteur. Pareillement, il avait noté et avait été touché, en novembre 1914, par le décès de son caporal de 1911, Perrier.

Comme dans nombre de témoignages, on trouve d’autres passages obligés, les premiers prisonniers (qu’il dessine et dont deux dédicacent le croquis!), l’espionnage, la récupération de souvenirs (balade en vélo pour récupérer casques à pointe et fusil au début de la guerre, pièce d’aluminium du zeppelin abattu à Badonviller), la vaccination contre la typhoïde et ses conséquences, le port d’effets civils (ici, des pantalons de velours), l’arrivée des jeunes classes, la chasse aux poux (même si elle ne viendra pas tout de suite pour André), l’explosion d’une mine, le bruit que font les obus en tombant… D’autres sont moins fréquemment mentionnées dans d’autres témoignages : la messe de Pâques, l’éclatement d’un canon de 75, les bombardements même à l’arrière, le début des permissions en juillet 1915, la découverte d’un chien n’en sont que quelques exemples.
Par contre, il note aussi des anecdotes plus développées qui font tout l’intérêt de ces transcriptions de carnets. Comme celle d’une patrouille partie reboucher des travaux allemands dans la nuit et qui place à leur emplacement un panneau avec le mot « merde » avant de déposer des échantillons ! Il raconte aussi l’histoire de cette fanfare allemande jouant dans les tranchées, y compris des musiques françaises et les tentatives des chasseurs pour la faire cesser (avril 1915).
Une place toute particulière est consacrée au vélo et aux rencontre avec des coureurs. Pour n’en citer qu’une, il raconte celle avec Guyon de Lachaux de Fonds du 349e RI en mars 1915.

  • Le parcours d’André Guillette au 121e BCP

En août 1915, son bataillon sert à reconstituer le 121e BCP étrillé par des combats. Très vite, dès la fin septembre 1915, le bataillon est engagé en Champagne. À peine débarqué, « on ne peut faire un pas sans voir des cadavres », page 90. Nouvelle gradation dans l’horreur pour André : « je le répète jamais depuis que les hommes font la guerre une lutte fut plus terrible que celle que nous soutenons ici », page 90. Il aura largement le temps de revenir sur cette affirmation à mesure que les batailles se succéderont.
La première confrontation directe avec ce type de combat le pousse à écrire. Par contre, il le note lui-même, les horreurs qu’il voit le dégoûtent de dessiner.

Outre les cadavres, ses fonctions le conduisent en première ligne. Il a des coliques et le note. Du 6 au 8 octobre, il est sous le bombardement et les Allemands contre-attaquent. Il note : « Jamais de ma vie je n’ai été aussi sale (…) nous sommes couverts d’une poussière de craie qui traverse tout, une barbe de 15 jours, autant de jours sans être débarbouillés et le pire, couvert de poux ! », page 94. Il est en première ligne lors d’une attaque allemande le 10 octobre : « À un moment donné nous sommes pris dans un boyau sous le feu du canon revolver, instant terrible, les shrapnels nous éclatent au ras de la tête », page 97. Il ne peut se laver, sur le bord de la Suippe, que le 15 octobre et attrape un gros coup de froid. Le bataillon retourne dans les Vosges après un mois en ligne en Champagne.

Le 2 novembre, il passe secrétaire.

Le 28 février, il note pour la première fois « une furieuse canonnade sur Verdun ». Le départ des Vosges le conduit, après un passage par le secteur de Nancy, à Verdun. Fin mars, il perd son poste de cycliste et est affecté dans une compagnie comme simple chasseur. Le 30 avril, il écrit : « Chargement complet, jamais un sac ne m’a pesé aussi lourd et je fais avec peine les 8 km, il y avait 18 mois que je n’avais traîné le chargement », page 128.
Une autre guerre commence pour lui. On lui propose de faire des dessins des lignes, mais il refuse, très amer, dans un premier temps. Il acceptera ensuite et fera en particulier un dessin panoramique au télémétreur en avril.
En avril, il devient caporal et suit les cours d’élève sous-officier. Une belle revanche pour celui qui venait d’être chassé de son poste. C’est à cette occasion, le 12 mai qu’il tire pour la première fois depuis le début de la campagne ! Il manie aussi la pelle… qui lui donne des ampoules. Dès le mois de mai, il devient caporal-fourrier au bureau de la compagnie.

Après une description de ce qui deviendra la « Voie sacrée », il ne note presque plus rien jusqu’au 23 juin 1916. Ce n’est qu’à cette date qu’il prend le temps de raconter en détail cette expérience de la ligne à Verdun. Contrairement aux autres notes quotidiennes, celles-ci sont très longues, très détaillées.

Après Verdun, il devient rapidement sergent puis sergent-fourrier à la SHR d’où il avait été chassé quelques mois auparavant. Il remet toutefois son galon de sergent-fourrier pour n’être que sergent. C’est aussi à partir de ce moment que ses carnets comportent moins de dessins et surtout sont tenus moins régulièrement. Soit qu’il n’a rien de particulier à dire, soit qu’il manque de temps en raison de ses nouvelles fonctions, soit parce qu’après Verdun ce qu’il écrit lui semble insipide, terne.
Jusqu’au début 1917, il ne mentionne de fait que des résumés de plusieurs jours, ses rencontres avec des cyclistes.
Toutefois, il faut se garder d’être trop réducteur : ponctuellement, il va développer à nouveau longuement ses expériences, lors des combats dans lesquels il est engagé. Le premier se situe dans la Somme en décembre 1916, que l’on pourrait résumer en un seul mot tant il revient souvent dans les écrits d’André : la boue. Puis en juin et juillet 1917, le bataillon combat durement au Chemin des Dames. Il narre longuement son quotidien, les gaz, les mutineries qui forcent le bataillon à rester en ligne, ses 26 jours au front sans retour à l’arrière.

Après un nouveau passage dans les Vosges, le bataillon retourne dans une zone active du front pour faire face aux offensives allemandes du printemps 1918. Il tient un secteur au Kemmel, en Belgique après être passé aux côtés des Britanniques près d’Amiens. Puis, allant au repos, avec des effectifs très diminués, le bataillon doit participer à des contre-attaques qui échouent en Picardie.

1918 voit un regain d’intérêt d’André pour ses carnets. Il trouve en fait un compromis : s’il est allusif pour certaines périodes, il développe beaucoup plus les passages dans des secteurs actifs, qu’il s’agisse des combats ou de la vie à l’arrière de la première ligne.

  • L’amitié et la camaraderie

Cette amitié transparaît tout au long des onze carnets. : amitiés d’avant-guerre, amitiés nouées au fil des affectations. Plus généralement, André Paillette n’est pas isolé, il appartient à des groupes successifs et les relations amicales ont une place importante.
Ces relations sont visibles dès son arrivée à la caserne du 1er BCP. Le bataillon d’active est parti avec un petit nombre de réservistes. André l’écrit clairement : il est content d’être au bataillon de réserve, le 41e BCP, car il y retrouve de nombreuses connaissances.
En 1914, il note souvent l’ami avec qui il est : Lestelle en août, Maillard pendant les premiers mois. Il s’inquiète de la disparition de certains et évoquera à plusieurs occasions ses amis tués, disparus. Moins fréquent, il note sa violente dispute avec Maillard , « à propos de rien » en octobre 1914, avant de s’inquiéter de ne pas le revoir venir après une reconnaissance qui s’est mal passée. Même quand il écrira beaucoup moins, il mentionnera des amis tués ou rencontrés.

La camaraderie le conduit à s’investir dans la publication d’un « journal de tranchées », simple feuille recto-verso éditée à partir de mars 1915. « L’Echo du ravin » permet à André de dessiner sous le pseudonyme de « Pouche » et « A. Pouche ». 

Son passage au 121e BCP ne l’isole pas même si elle met fin à sa participation au journal (d’ailleurs, si vous avez la curiosité d’en tourner les pages dans Gallica, vous constaterez que son départ est marqué par une grosse baisse de qualité au niveau des illustrations).
Au 121e BCP, il retrouve au moins trois camarades et…Louis Engel, un champion de vélo. Il se félicite de la nomination d’un camarade sous-lieutenant comme d’un autre quittant le front pour devenir boucher.
A plusieurs occasions, il réussira à voir d’anciens camarades, des civils chez qui il avait logé par exemple. En novembre 1915, il réussit même à s’éclipser pour voir Maillard qui est dans un hôpital proche. Le contraire est vrai aussi : il est demandé en mars 1916 par des anciens camarades du « Moulin de la Galette ».
La correspondance fut-elle un autre moyen de garder le contact ? Impossible de le dire car s’il en parle au début du conflit, c’est un sujet qu’il n’aborde plus ensuite.

  • Remarques personnelles d’André Paillette

Jusqu’à la fin de ses carnets, André notera ponctuellement des remarques et des réflexions sur des thèmes liés à ce qu’il observe. Ces éléments sont un autre aspect intéressant de ses carnets.

Au début de la guerre, il profite d’un moment de repos pour inscrire ses impressions sur le soldat français. Il a déjà dit beaucoup de mal des soldats allemands, mais pas sous la forme d’un petit paragraphe. Il part d’une remarque sur le clairon qui ne sert à rien : « un régiment qui revient du combat ressemble plus à une bande de francs-tireurs ou de mercenaires qu’à une armée régulière, on voit des tenues invraisemblables », page 34. Le soldat français, « il paraît sale, très peu discipliné, ne pense qu’à son ventre, récrimine pour un rien et ne se rend pas suffisamment compte que nous sommes en guerre ».

Autre sujet qui revient régulièrement, les « percos » comme il le note le 29 janvier 1915. « On ne peut se faire une idée de la quantité de fausses nouvelles qui circulent journellement dans une armée en campagne, toutes naturellement plus abracadabrantes les unes que les autres » écrit-il en octobre 1914, page 34. Tout au long de ses notes on le voit parler de ces rumeurs. Un des plus beaux exemples est cette histoire d’envoi par les Allemands de jeunes français de la zone qu’ils occupent pour se battre sur le front de l’Est contre les Russes en octobre 1914.

Certaines remarques sont plus anecdotiques mais complètent le portrait que l’on peut se faire d’André Paillette. Toujours en octobre 1914, il s’interroge sur « un petit gars adopté par la 5e compagnie. Il a 12 ans, son père est mort et ses quatre frères sont au feu, il est habillé en chasseur et a déjà demandé un fusil. Je doute que l’on fasse droit à sa demande, 12 ans et combattant c’est un peu jeune ! », page 40. Par contre, il développe à plusieurs occasions des réflexions sur l’alcool, de manière générale ou pour mieux se critiquer après des soirées mémorables qui lui donnent un gros mal de tête le lendemain. Ainsi, il narre une « orgie » le 9 mai 1916 et conclut : « je constate de sang-froid que je suis tombé bien bas. La guerre est coupable certes et mon cafard y a été pour quelque chose », page 130.

Autre élément inhabituel et visible tout au long de ses carnets est son statut de vétéran, même s’il n’utilise jamais le mot. Il compte les mois, les anniversaires de sa mobilisation et constate à mesure que le temps passe qu’ils sont rares ceux qui sont là depuis août 1914 sans interruption. Au 21e mois, il dresse le portrait des « très rares sujets qui sont là depuis le début », avant de dévier sur l’alcool, le tabac, la flemme et les embusqués et de conclure : « La guerre n’aura malheureusement développé que la méchanceté et l’arrivisme », page 124.

Il ne porte pas de jugement sur des ententes tacites dans certains secteurs en mars 1915, mais est beaucoup plus long pour commenter très positivement le travail des cuistots qui prennent bien plus de risques que ce que l’on peut imaginer, à la fois lorsqu’ils sont à côté de leur feu sous un bombardement et pour apporter le ravitaillement à l’avant dans n’importe quelle condition.

Un élément récurrent dans ses remarques à partir de 1915 est l’arrière. C’est surtout à l’occasion de ses premières permissions et surtout du retour des premiers camarades qu’il en dresse un portrait peu flatteur. « Les civils se moquent de la guerre et s’en désintéressent complètement tout au moins ceux qui n’ont pas de proches sur le front », page 103.

Il est marqué par la destruction des lieux traversés dès 1914 mais à deux occasions, il dit tout le mal que cela lui fait. D’abord quand il voit l’état de maisons de membres de sa famille à Pommiers puis quand il déplore la destruction du Château de Coucy, « le donjon le plus beau du monde peut-être a sauté, c’est une perte irréparable ».

Un dernier point qui ressort de la lecture de ses carnets : l’évolution de la manière de faire la guerre à la fois dans l’organisation (apparition des grenadiers, des mitrailleurs sur fusil-mitrailleur…), dans les tactiques (coups de main, évolution des préparations d’artillerie, usage des gaz, des chars…). On perçoit bien le retour à une guerre de mouvements à la fin du conflit, faite de bombardements, d’avances, de reculs, mais avec l’utilisation des chars et surtout systématiquement des gaz. C’est dans cette dernière phase de la guerre qu’il dessine des cadavres, semble-t-il pour la première fois (il n’y a pas d’exemples avant dans les dessins reproduits).
Cette évolution transparaît aussi dans ses développements sur les loisirs offerts aux combattants. S’il parle surtout des spectacles dans lesquels il est toujours très investi, notamment pour la réalisation des décors et du programme, il ne manque pas une occasion de parler des rencontres de football, de boxe, parfois face à des Anglais.

Cet inventaire ne se veut pas exhaustif tant ces carnets sont d’une grande richesse, même si, une fois encore, ils sont plus développés jusqu’en 1916. À partir de 1916, tout est comparé avec Verdun. En 1918, c’est août 1914 qui redevient la référence dans le contexte d’une attaque menée n’importe comment à ses yeux : « L’attaque est loupée ce qui était forcé, hélas après 4 ans, faire encore une semblable folie ! », page 192.

  • En guise de conclusion

Chaque élément de ce coffret se justifie. S’il n’est pas toujours utile non plus de fournir un fac-similé, le cas de ce chasseur rend l’opération pertinente.
Mais rien que la transcription des carnets est un modèle du genre. Images et texte sont chacun à leur place. Peu de notes de bas de page envahissantes sur des points éloignés du sujet ou mettant en avant les digressions du transcripteur, de belles cartes, une biographie riche permettant de mieux connaître l’homme. Tout ce que l’on devrait trouver dans ce type de transcription en fait une édition riche, réussie et qui mériterait vraiment de donner naissance à une collection ou en tout cas donner quelques bonnes idées pour les témoignages et carnets qui ne manqueront pas d’être édités d’ici 2018.

Ce témoignage est rare, non seulement en raison de la qualité de dessinateur de son auteur, mais aussi parce qu’il a été un témoin plutôt lucide et assidu de ce conflit auquel il a participé 52 mois. Malgré une densité moindre, il a réussi à écrire et dessiner tout au long du conflit quand tant d’autres ont fini par s’arrêter.
Je lui laisse le mot de la fin en reprenant quelques mots d’André Paillette :

« Lundi, 11 novembre (…) Peut-être en réfléchissant à tout cela pardonnera-t-on à tous les rescapés de cette épopée sinistre leur mauvais caractère et peut-être leurs vices, car bien rares sont ceux qui rentreront à peu près normaux », page 204.

  • En complément

André Paillette a participé à la création et aux premiers numéros du journal de tranchée du 41e BCP,  « L’écho du ravin ». Retrouvez la revue et ses dessins (signés A. Pouille) numérisés dans Gallica :
Accès direct sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b55000557s


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