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Les pattes de collet pour dater un cliché

Un élément utile pour évaluer une année

Après avoir déterminé si une photo-carte était d’avant, pendant ou après la Première Guerre mondiale à l’aide du support, de l’uniforme et du timbre, voici quelques éléments pour dater une photographie de soldat de l’infanterie prise pendant le conflit à l’aide des pattes de collet.

  • Un peu de vocabulaire

On trouve communément sur le Net les termes de « Patte de col » et de « Patte de collet », souvent sans distinction entre les deux. Petite explication.

La patte est un attribut d’uniforme en drap (tissu de laine) placé sur le col, l’épaule suivant la période. Pour simplifier, ici, il s’agit d’un morceau de tissu sur lequel figure le numéro du régiment. Le mot écusson est aussi utilisé pour désigner la patte.

Le collet est un terme qui n’est plus guère utilisé. C’est simplement la partie d’un vêtement qui entoure le cou. Les règlements sur les uniformes ne distinguent pas « col » et « collet », utilisant, dans ceux que j’ai pu consulter, le terme de « collet »

La patte de collet est donc le morceau de drap sur lequel on coud le numéro du régiment et qui se trouve sur le collet de l’uniforme modèle 1877 et sur le collet rabattu à partir de la capote Poiret.

La soutache est un fil de tissu tressé.

A gauche, vareuse ; à droite, capote modèle 1877. Les deux ont un collet et des pattes de collet.Vareuse modèle 1915, toujours avec un collet droit.Capote Poiret avec collet rabattu (ou col chevalière).
  • La difficulté de dater une photographie à l’aide des pattes de collet

La première difficulté sera parfois de déterminer le type de la capote. En effet, face à l’urgence de la situation fin 1914, il a été réalisé des capotes modèle 1877 avec du drap bleu horizon et d’autres avec collet rabattu.

Soldats du 27e RIT en 1915. Quatre type de capotes sont visibles de droite à gauche :
– Capote 1877 « classique » ;
– Capote 1877 taillée dans du drap bleu clair ;
– Capote Poiret modèle 1914 2e type ;
– Capote 1877 bleu foncé avec collet rabattu.
Collection J.-C. Bataille, avec son aimable autorisation.

Si le col du militaire est exploitable sur une photographie, il est possible de déterminer une période où le cliché a pu être pris. J’écris volontairement « période » car il sera difficile de donner une date précise. En effet, même si les pattes de col sont réglementées par des textes précis et datés, les règlements ne font que donner une date de départ (et encore, imprécise vu que les unités ne changeaient pas les pattes au jour de publication du texte, loin s’en faut). L’usage des anciens modèles a souvent coexisté longuement avec le ou les suivants ! La situation est encore plus compliquée dans les camps de prisonniers, les hôpitaux et les dépôts.

Il conviendra toujours de trouver d’autres indices (localisation, contexte, texte…) pour affiner la datation.

  • L’évolution des pattes de collet entre 1914 et 1918

Jusqu’en septembre 1914, le règlement stipule que la patte de collet est de couleur garance, avec une accolade à trois pointes. Y est cousu en drap de la couleur de la capote le numéro du régiment.

Ces pattes de collet vont perdurer bien après le nouveau règlement, y compris sur les capotes neuves couleur bleu horizon ou des capotes modèle 1877 taillées également dans ce tissu qui arrivent à l’automne 1914. Cela donne ce cas de figure :

Théoriquement, à partir du 19 septembre 1914, la découpe avec accolade n’est plus la règle et un seule patte doit être conservée, côté gauche de la capote. Dans la réalité, ce règlement sera peu appliqué et sera remplacé par celui du 2 novembre 1914 qui sera encore moins respecté : il supprime les pattes de collet, le numéro de régiment est porté sur un écusson sur le côté gauche de la capote ! Dès le 9 décembre 1914, un nouveau règlement remet en usage la patte de collet, mais avec une couleur jonquille, une accolade et désormais deux soutaches. Soutaches et chiffres du numéro du régiment sont bleu foncé. L’accolade est abandonnée en janvier 1915 étant réservée à la vareuse.

Photographie de jeunes recrues du 45e RI probablement prise au cours du premier trimestre 1915. Les effets sont disparates et les pattes de collet de leurs capotes sont de couleur jonquille avec accolade.

La couleur jonquille ne donnant pas satisfaction, le règlement du 16 avril 1915 garde la même forme mais change les couleurs : pattes de collet bleu horizon, toujours avec chiffres et soutaches bleu foncé. L’accolade est reprise pour la capote et la vareuse, mais il existe en parallèle une version simplifiée de la patte de collet pour la capote : écusson rectangulaire sans accolade et sans soutache.

La dernière évolution intervient le 10 janvier 1917 avec l’abandon de la forme rectangulaire, jugée mal adaptée à la forme du col de la capote, pour une forme de losange au sommet aplati. Les soutaches sont conservées. La patte de collet de vareuse est toujours inchangée.

Un dernier indice permettant une datation est la présence d’un point de couleur sur la patte de collet de la capote et de la vareuse : ce code d’identification du bataillon est mis en place à partir de juillet 1916 mais ne sera pas utilisé en nombre avant 1918. On ne le trouve donc pas systématiquement sur les photographies.

  • Tableau récapitulatif

La tableau indique pour chaque règlement le type de patte de collet utilisé sur la capote ou la vareuse. Une petite illustration a été ajoutée pour montrer les couleurs et le résultat en niveau de gris pour aider à l’identification sur photographie. Ces illustrations sont schématiques et ne respectent pas exactement les proportions réglementaires. Les couleurs proviennent des codes RVB disponibles sur Wikipédia.

  • En guise de conclusion

En combinant les éléments d’une photo-carte que sont le support, le timbre, à défaut d’oblitération lisible ou de texte daté, on peut avoir une idée de la période où elle a été prise. Certes, cela peut donner une période couvrant quelques années, mais dans le cas d’une photographie vierge de toute inscription, c’est déjà une piste. L’étude de l’uniforme est aussi une mine d’information, mais cela nécessite des connaissances plus poussées sur les képis, les modèles de capotes, de casques…

  • Sources :

A défaut des textes originaux des décisions, règlements et circulaires, cette page a été construite à l’aide des sources suivantes :

– Gazette des uniformes, hors série n°24 : l’équipement du Poilu, 1914-18.

– Les Dossiers Militaria n°8, janvier-mars 2011 : 1916, Les Poilus.

– André Jouineau, L’armée française de 1914, d’août à décembre, Histoire & Collections, Paris, 2008.

– André Jouineau, L’armée française de 1918, de 1915 à la Victoire, Histoire & Collections, Paris, 2009.

Le site commercial d’André Jouineau pour se procurer les planches d’uniformes : https://imagesdesoldats.fr/fr/36-1914-1918


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