LE témoignage sur le début de la guerre

GENEVOIX Maurice, Ceux de 14, Paris, Flammarion, 2013 (1949).

La couverture médiatique de la réédition de ce chef-d’œuvre est importante. En témoigne ce recensement non exhaustif : http://ceuxde14.wordpress.com/2013/10/10/ceux-de-14-reedite/

Tous les médias mettent en avant la qualité du témoignage de Genevoix. Pourtant, à mon avis, cette qualité étant unanimement reconnue, ce n’est pas ce qui fait la qualité de cette réédition. En effet, on trouve facilement des éditions de ce livre, neuves ou d’occasion. En voyant cette nouvelle édition de « ceux de 14 » de Maurice Genevoix, la question est simple : est-ce une simple réédition arrivant opportunément à l’aube du centenaire et de la diffusion d’un téléfilm sur le sujet ? Ou alors cet ouvrage apporte-t-il un plus aux éditions antérieures ?

Sur les écrits de Genevoix, je ne dirai pratiquement rien. D’ailleurs d’autres l’ont magnifiquement fait sur ce témoignage incontournable des mois de septembre 1914 à avril 1915. Aucun autre auteur n’a réussi à immerger le lecteur à ce point dans la réalité de cette guerre tout en y apportant une telle humanité. On suit des hommes au travers du regard d’un homme. La préface de Michel Bernard le rappelle de manière bien plus complète que je viens de le faire ; il y ajoute une très utile histoire de la genèse de l’œuvre. « Incontournable », et ce seul mot fait que la réédition à l’aube du centenaire a du sens.

Mais ce qui fait basculer cette édition dans la catégorie des vraies bonnes rééditions, c’est le dossier établi par Florent Deludet.

Florent Deludet s’est passionné pour le 106^e régiment d’infanterie dans lequel a combattu son arrière-grand-père. Son intérêt a forcément croisé la route de « Ceux de 14 ». Lire « Ceux de 14 » entraîne en général beaucoup de questions sur les hommes que Genevoix a côtoyés, décrits, vus vivre et souvent disparaître, à commencer par leur vraie identité. Le travail passionné et méticuleux de Florent Deludet lui a permis de rédiger ce dossier qui complète l’œuvre. La photographie de transition entre les mots de Genevoix et ce dossier montre bien l’esprit avec lequel il a été fait : permettre au lecteur de découvrir qui étaient les autres hommes du récit, en mots et en images. Si certaines photographies ont déjà été publiées, la grande majorité sont inédites, provenant à la fois du fonds Genevoix et des descendants d’autres combattants du 106^e.

Grâce à ces fiches biographiques, on fait connaissance avec une partie des hommes entourant Genevoix, on met un visage sur des noms. Une partie des photographies, comme la première déjà mentionnée, est légendée à l’aide des mots de Genevoix.

Ces fiches biographiques ne sont pas le seul intérêt de ce dossier. Il permet aussi de comprendre la valeur documentaire du livre de Genevoix, de découvrir de quel monde il est question dans ses écrits. L’étude de son escouade en est un excellent exemple. On se rend compte également qu’aussi intense soit-il, le témoignage de Genevoix ne nous permet de découvrir qu’une petite partie de ce que vécurent ces hommes.

J’ai eu la chance de découvrir ces 85 pages avant leur publication. À peine terminée cette lecture, j’ai relu « Ceux de 14 », avec une approche différente, un regard autre. Et pourtant, j’avais déjà dévoré déjà plusieurs fois « Ceux de 14 » ; mais c’est une telle somme qu’on le redécouvre à chaque fois, ici enrichi de ce dossier. La publication de la correspondance de Genevoix apportera aussi de nouveaux éclairages à n’en pas douter.

En somme, cette nouvelle édition et ses compléments apportent un réel plus à l’ouvrage de Genevoix par rapport aux précédentes éditions. Je n’ai qu’un regret : on apprend en lisant une biographie l’identité de celui qui pris les célèbres photographies sur ces combats et publiées dans l’Illustration le 22 mars 1915 mais, pour des raisons de droits, on ne les voit pas.