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Le cas particulier des gardes civils (2)

Rapports et décret de mise en place des Gardes civiles

République française

Paris, le 31 décembre 1913

Rapport

à Monsieur le Président de la République

Monsieur le Président,

La mobilisation aura pour effet de restreindre considérablement les forces de police qui, dans les agglomérations aussi bien que dans les campagnes, sont chargées de veiller au maintien de l’ordre et de la tranquillité publics. Le Gouvernement doit donc, dès le temps de paix, non seulement prévoir les mesures propres à assurer une surveillance aussi active qu’en période normale, mais encore se préoccuper de renforcer ses moyens d’action pour faire face aux nécessités d’une situation exceptionnelle.

C’est dans ces conditions que j’ai l’honneur de soumettre à votre haute approbation un décret ayant pour objet de préparer l’organisation de détachements de gardes civils qui n’auraient en temps de paix ni rôle à jouer, ni existence légale, mais dont l’action en temps de guerre revêtirait sur l’initiative de l’autorité civile toutes les formes qu’imposerait la variété des causes perturbatrices de l’ordre.

Ces corps spéciaux ne relèveront à aucun titre de l’autorité militaire. Ils se composeront d’agents de l’autorité civile, liés à cette autorité par un engagement purement moral, et investis loin des champs de bataille d’une mission locale à laquelle la présence de l’ennemi mettrait fin ipso facto.

Dans chaque département un arrêté préfectoral fixera les détails de cette organisation suivant les ressources et besoins locaux . Cet arrêté déterminera notamment les circonscriptions dans lesquelles les gardes civils seront appelés à servir ; celles-ci pouvant comprendre soit une partie de commune, soit une commune tout entière, soit encore un ensemble de communes limitrophes.

Le projet de décret a pour objet d’établir un certain nombre de règles communes à l’ensemble des détachements qui seront ainsi constitués sur les diverses parties du territoire.

Il n’a pas paru utile de fixer une limite d’âge pour le recrutement des gardes civils, la vigueur physique devant être la seule condition exigée. Ils recevront comme insigne un brassard qui leur sera délivré à leur prise de service. Ils devront se munir eux-mêmes de revolvers dont le prix leur sera remboursé au moment de la mobilisation. Il ne peut être question de leur allouer un traitement, dont le quantum variant suivant les circonstances, serait difficile à déterminer : on a seulement posé le principe d’une indemnité de subsistance due par jour de présence effective et dont le taux sera fixé pour chaque département conformément aux instructions du Gouvernement. Enfin, il a paru indispensable de prévoir l’attribution d’une récompense sous la forme d’une médaille spéciale qui sera accordée à la fin de la guerre aux gardes civils qui auront accompli avec zèle et discipline les fonctions qui leur sont confiées.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’hommage de mon profond respect.

Le Ministre de l’Intérieur,

René Renoult

République Française

Le Président de la République Française

Sur les rapports des Ministres de l’Intérieur, des Finances et de la Guerre ;

Vu l’article 2 §9 de la loi du 22 décembre 1789 ;

Vu l’article 3 de la loi du 28 pluviose, an VII ;

Vu l’article 7 de la loi du 9 août 1849.

Décrète :

Art. 1. Des corps spéciaux de gardes civils seront organisés dans les agglomérations importantes et partout où l’autorité le jugera utile. Ils auront pour mission de coopérer au maintien de l’ordre et de participer aux mesures de sécurité générale en temps de guerre dans les limites de leurs circonscriptions qui seront fixées par arrêté préfectoral.

Art. 2. Les gardes civils relèveront de l’autorité des Préfets dans les départements, du Préfet de Police dans l’étendue de son ressort.

Art. 3. Les corps spéciaux prévus à l’article 1er seront composés exclusivement de volontaires recrutés parmi les hommes suffisamment robustes et dégagés de toute obligation militaires.

Art. 4. L’engagement des gardes civils pourra être contracté dès le temps de paix ; il s’étendra à la durée de la guerre. Cet engagement pourra être résilié par les Préfets soit d’office, soit pour des raisons de santé, sur la demande des intéressés.

Art. 5. En cas d’invasion par l’ennemi du territoire de la circonscription à laquelle ils sont affectés, ces corps spéciaux sont dissous et l’effet des engagements prend fin ipso facto.

Art. 6. Les gardes auront droit à une indemnité journalière de subsistance dont le taux sera fixé pour chaque département, conformément aux instructions du Gouvernement.

Art. 7. Les gardes civils devront être munis d’un revolver dont le prix leur sera remboursé, sur leur demande, au moment de la mobilisation.

Art. 8. A ce même moment, les gardes civils recevront comme insigne un brassard de couleur vert olive portant le nom du département, un numéro d’ordre et le cachet de la Préfecture.

Art. 9. Une médaille spéciale sera accordée, sur la proposition du Préfet, aux gardes civils qui auront rempli avec zèle et discipline les fonctions qui leurs sont confiées.

Art. 10. Des arrêtés préfectoraux détermineront l’organisation des corps et détachements et en désigneront les chefs de tous rangs.

Art. 11. Les Ministres de l’Intérieur, des Finances et de la Guerre, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 7 janvier 1914.

Le Président de la République :

R. Poincaré

Par le Président de la République :

Le Ministre de l’Intérieur

René Renoult

Le Ministre des Finances

J. Caillaux

Le Ministre de la Guerre

J. Noulens

Annexe du Décret du 7 janvier 1914

Modèle de la formule d’engagements

L’an mil neuf cent ……………. le …………….…………….…………….

S’est présenté devant nous Préfet du département de …………….

Sous-Préfet de l’arrondissement de …………….…………….…………….

Recto :

M. …………….…………….……………. (nom et prénom)

né le …………….…………….…………….

résidant à …………….…………….…………….

dégagé de toute obligation militaire,

lequel a déclaré accepter, en cas de mobilisation, et pour la durée de la guerre, de coopérer, sous l’autorité du Préfet de …………….…………….……………. au maintien de l’ordre et de participer aux mesures de sécurité générale en qualité de garde civil dans la circonscription de …………….…………….…………….

Il s’engage à cet effet à se munir d’un revolver et de vingt-cinq cartouches dont le prix sera remboursé sur sa demande, lors de la mobilisation.

Nous avons reçu la déclaration de M. …………….…………….……………. qui a promis de servir avec honneur, fidélité et discipline dans le corps spécial des gardes civils de …………….…………….……………. ; d’exécuter avec zèle et dévouement les ordres qui lui seront donnés et qui auront pour but d’assurer le respect des lois et la sécurité publique ;

de ne pas rompre son engagement en cas de guerre sans autorisation du Préfet.

Le présent engagement devra être sauf le cas de guerre, renouvelé de trois ans en trois ans.

Lecture faite à M. …………….…………….……………. du présent acte …………….……………. et a signé avec nous, le …………….…………….…………….

et au verso :

Engagement renouvelé à la date du …………….……………. pour une nouvelle période triennale.

Vu pour être annexé au décret du 7 janvier 1914,

Le Président de la République :

R. Poincaré

Par le Président de la République :

Le Ministre de l’Intérieur

René Renoult

Le Ministre des Finances

J. Caillaux

Le Ministre de la Guerre

J. Noulens

Arrêté fixant les indemnités des gardes civils :

Les ministres de la guerre, de l’intérieur et des finances,

Vu la loi du 9 août 1849 ;

Vu le décret du 7 janvier 1914, prévoyant l’institution de corps spéciaux de gardes civils ;

Vu le décret du 1er janvier 1914 et le décret du 2 août 1914, portant déclaration de la mise en état de siège de l’ensemble du territoire,

Arrêtent :

Art. 1er. – Les gardes civiles composant les corps spéciaux institués en vertu du décret du 7 janvier 1914 reçoivent une indemnité journalière dont le montant est fixé par un arrêté du préfet soumis pour approbation au ministre de la guerre, mais immédiatement exécutoire.

Cette indemnité est au minimum de 3 fr. par jour pour les gradés et de 2 fr. pour les hommes. Elle peut être fixée à un chiffre plus élevé sans que ce dernier excède 4 fr. 50 pour les gradés et 3 fr. pour les hommes. Le montant en sera déterminé en tenant compte des conditions matérielles de l’existence et du service imposé.

Art. 2. – Les indemnités prévues à l’article précédent sont acquittées soit par la trésorerie générale, soit sans visa de la trésorerie générale, par les receveurs particuliers ou par les percepteurs sur la production d’états dressés tous les cinq jours par le chef de la garde civile, certifiés par les maires et émargés par les gardes civils.

Art. 3. – Le remboursement du prix du revolver dont doit être muni tout garde civil sera effectué, conformément à l’article 7 du décret du 7 janvier 1914, si l’intéressé le demande, sur état certifié par lui et visé par le maire, de l’avance faite pour l’achat de cette arme. Il y aura lieu, si possible, de joindre à cet état la facture relative à cet achat.

Art. 4. – Le directeur de la sûreté générale, le préfet de police et les préfets des départements sont chargés de l’exécution du présent arrêté.

Fait à Paris, le 4 août 1914

Le ministre de la guerre, Messimy.

Le ministre de l’intérieur, Malvy.

Le ministre des finances, J. Noulens.

Le président de la République française

Décret mettant fin aux gardes civiles :


Sur le rapport des ministres de la Guerre, de l’Intérieur et des finances ;

Vu le décret du 7 janvier 1914 prévoyant l’institution de corps spéciaux de gardes civils ;

DECRETE :

Art. 1er – Est abrogé le décret du 7 janvier 1914. Les corps spéciaux de gardes civils institués en conformité des dispositions dudit décret, seront supprimés à partir du 1er novembre 1914.

Art. 2 – Les ministres de la guerre, de l’intérieur et des finances, sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.

Par le Président de la République

R. Poincaré

Le ministre de la Guerre

A. Millerand

Le président du conseil, ministre de l’intérieur par intérim

René Viviani

Le ministre des Finances

A. Ribot

  • Source :

Archives départementales du Maine-et-Loire : https://archives.maine-et-loire.fr/

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