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LA MOBILISATION DE L’AFRIQUE DU NORD EN AOUT-SEPTEMBRE 1914

Par Eric de Fleurian

Eric de Fleurian a accepté de mettre à la disposition de tous ses notes de travail, fruit de plusieurs années de recherche, sur la question des troupes d’Afrique du Nord, zouaves et tirailleurs. Qu’il soit ici chaleureusement remercié pour la mise à disposition de cette masse d’informations riche, précise et synthétique sur cette question.

Dans ce premier article, il propose une synthèse des unités d’infanterie présentes en Afrique du Nord juste avant la mobilisation et les unités auxquelles elles vont donner naissance à la mobilisation avec l’apport de troupes de réserves. Après avoir dressé la liste des bataillons d’active et de réserve, il a résumé les informations disponibles sous la forme de tableaux présentés en seconde partie de cet article.

  • Les unités en Afrique du Nord en 1914

En 1914, l’organisation militaire de l’Afrique du Nord est la suivante :
    ¤ En Algérie et en Tunisie est implanté le 19e corps d’Armée, commandé par le général Moinier dont le PC est à Alger. Le 19e CA est constitué de 4 divisions :

        – La division d’Alger à une brigade : la 1re brigade d’Algérie ;

        – La division d’Oran à deux brigades : les 2e et 4e brigades d’Algérie ;

        – La division de Constantine à une brigade : la 3e brigade d’Algérie ;

        – La division d’occupation de Tunisie à deux brigades : les 1re et 2e brigades.

    ¤ Au Maroc, le commissaire résident général de la République française (général Lyautey) dispose de troupes affectées au Maroc (essentiellement les 5 bataillons de tirailleurs marocains, les goums marocains et des unités de l’infanterie coloniale), renforcées en tant que de besoin selon la situation par des unités, du niveau bataillon, prélevées sur le 19e CA et organisées ou non en régiment de marche.

Le 2 août 1914, 1er jour de la mobilisation, il existe en Afrique du Nord :

    ¤ 9 régiments de tirailleurs indigènes : 7 algériens et 2 tunisiens, numérotés de 1 à 9 (n° 4 et 8 pour les tunisiens) et comportant au total 40 bataillons (28 algériens et 12 tunisiens) dont 22 sont stationnés au Maroc (14 algériens et 8 tunisiens) ;

    ¤ 4 régiments de zouaves, numérotés de 1 à 4 et comportant 20 bataillons dont 9 sont stationnés au Maroc ;

    ¤ 5 bataillons de tirailleurs marocains au Maroc.

De plus, chacun des régiments de zouaves dispose d’un bataillon stationné en métropole (le 5e). Enfin, ils mettront sur pied 8 nouveaux bataillons avec des réservistes, dont 4 en métropole.

  • Unités disponibles suite à la mobilisation

Après mobilisation, outre la Légion étrangère, les bataillons d’infanterie légère d’Afrique (BILA), les unités d’infanterie coloniale et les 5 bataillons de tirailleurs marocains, on compte donc 32 bataillons de zouaves, 40 bataillons de tirailleurs indigènes disponibles pour entrer dans la composition des grandes unités à mettre sur pied pour aller combattre en France :

    ¤ Dans la province d’Alger, 3 bataillons de zouaves (dont 2 d’active) et 5 bataillons de tirailleurs indigènes ;

    ¤ Dans la province d’Oran, 4 bataillons de zouaves (dont 2 d’active) et 5 bataillons de tirailleurs indigènes ;

    ¤ Dans la province de Constantine, 4 bataillons de zouaves (dont 3 d’active) et 4 bataillons de tirailleurs indigènes ;

    ¤ En Tunisie, 4 bataillons de zouaves d’active et 4 bataillons de tirailleurs indigènes ;

    ¤ Au Maroc oriental, 2 bataillons de zouaves et 7 bataillons de tirailleurs indigènes (dont un en cours de rapatriement vers l’Algérie : le 2/7e RTI) ;

    ¤ Au Maroc occidental, 7 bataillons de zouaves et 15 bataillons de tirailleurs indigènes (dont deux en instance de rapatriement vers la Tunisie : le 1/4e RTI et le 5/8e RTI)

    ¤ En métropole, 8 bataillons de zouaves dont 4 d’active.

Cet éparpillement des unités et la nécessité de conserver un minimum de forces au Maroc pour faire face à une situation toujours tendue entrainent une mise sur pied des grandes unités un peu différente de celle initialement prévue dans les plans de mobilisation.

  • Unités mises sur pied avec les bataillons d’active et de réserve d’Afrique du Nord

Ainsi, dès le premier jour de la mobilisation sont mises sur pied :

¤ Avec les forces immédiatement disponibles d’Algérie, de Tunisie et de métropole, deux divisions (les 37e et 38e DI), chacune à deux brigades d’infanterie et 5 régiments de marche (deux de zouaves et trois de tirailleurs). La 37e DI comporte 6 bataillons de zouaves dont 4 d’active et 9 bataillons de tirailleurs indigènes, soit 15 bataillons. La 38e DI comporte 7 bataillons de zouaves dont 5 d’active et 7 bataillons de tirailleurs indigènes, soit 14 bataillons. Ces deux divisions arrivent dès le 14 août 1914 dans leur zone de concentration respective et participent à la bataille des frontières dans la région de Charleroi.

¤ Avec les forces immédiatement disponibles au Maroc, une division de marche d’infanterie, la 1re DM (initialement division du Maroc, deviendra rapidement la division marocaine même si elle ne comporte aucune troupe marocaine). La 1re DM est à deux brigades de deux régiments de marche chacun. Elle comporte 4 bataillons de zouaves, 6 bataillons de tirailleurs indigènes et 3 bataillons coloniaux, soit 13 bataillons. Arrivée dans sa zone de concentration à partir du 21 août 1914, elle ne participe pas à la bataille des frontières mais est engagée dans les premiers combats de la retraite.

Dans le courant du mois d’août :

¤ Les unités disponibles (actives et mobilisées) en Algérie et Tunisie permettent la mise sur pied de la 45e DI à deux brigades de deux régiments de marche chacune, représentant 12 bataillons : 9 de zouaves et 3 de tirailleurs indigènes. Cette division est concentrée fin août en région parisienne et est engagée pour la première fois lors de la bataille de la Marne.

¤ Les unités disponibles au Maroc permettent la mise sur pied d’une deuxième division du Maroc à deux brigades de deux régiments de marche chacune, représentant 12 bataillons : 4 de zouaves, 5 de tirailleurs indigènes et 3 coloniaux. Faute d’unités d’appui et de services suffisant, cette division est disloquée et ses deux brigades sont engagées de façon isolée à partir de la mi-septembre 1914.

¤ Les 5 bataillons de tirailleurs marocains sont regroupés en deux régiments pour former la brigade de chasseurs indigènes qui est engagée dès la fin août sur la Somme.

Dans le courant du mois de septembre enfin, est constitué au Maroc un dernier régiment de marche mixte (le RMZT) avec un bataillon de zouaves et deux bataillons de tirailleurs indigènes. Ce régiment arrive dans les derniers jours de septembre 1914 sur le front de l’Aisne où il est rattaché à différentes grandes unités au gré des besoins opérationnels.

Quant à la présence d’un minimum de forces au Maroc, en plus des troupes coloniales, de la Légion étrangère et des goums marocains, elle est assurée par 1 bataillon de zouaves et 6 bataillons de tirailleurs indigènes. Enfin, un bataillon de tirailleurs indigènes (le 2/7e RTI) reste en Algérie et un autre en Tunisie (le 4/4e RTI).

  • Situation des différents bataillons au premier jour de la mobilisation

Les tableaux ci-après présentent, par division du temps de paix, le détail de la situation des différents bataillons au 1er jour de la mobilisation.

Division d’Alger :

Division d’Oran :

Division de Constantine :

Division d’occupation de Tunisie :

  • L’organisation des unités mobilisées

Les tableaux ci-après présentent l’organisation des unités mobilisées avec leur provenance et le nom des différents chefs.

   37e division d’infanterie et 38e division d’infanterie :

Formées avec des unités d’Algérie et de Tunisie et après avoir complété leur mobilisation en métropole (zone d’Arles et d’Avignon), les 37e et 38 e DI arrivent en zone des armées aux alentours du 15 août.

La 37e DI débarque dans la région de Rocroi (08). Initialement placée aux ordres du 1er CA, elle fait mouvement vers Mariembourg (Be), puis vers Philippeville (Be), atteint le 19 août. Le 18 août, elle avait été rattachée au 10e CA (général Desforges).

La 38e DI débarque dans la région d’Hirson (02) et se concentre dans la région de Chimay (Be). Le 19 août, rattachée au 3e CA (général Sauret), elle fait mouvement vers Walcourt (Be).

Note : le colonel Taupin, commandant la 74e BI, est l’ancien chef de corps du 4e RTI.

   45e division d’infanterie :

Après s’être regroupée, les 27 et 28 août 1914, dans la région de Narbonne, la 45e DI débarque au sud de Paris et se concentre vers Bourg-la-Reine où elle est placée en réserve du Gouvernement militaire de Paris.

Note :

–  Le général Trafford venait de remplacer le général Muteau au commandement de la division d’Alger lorsqu’il est désigné pour prendre le commandement de la 89e BI.

–  Le colonel Codet est l’ancien chef de corps du 1er RZ.

–  Le colonel Francez est l’ancien chef de corps du 3e RZ.

–  Le colonel Deshayes de Bonneval est l’ancien chef de corps du 2e RTI.

   1ère et 2e DM :

Après regroupement et achèvement des opérations de mobilisation  dans la région de Bordeaux, la DM (moins les 5/4e RTI et 4/7e RTI) débarque, entre le 20 et le 22 août 1914, dans la région d’Auvillers-les-Forges (08). Elle est rattachée au 9e CA (général Dubois).

Regroupée une première fois à Bordeaux, puis une deuxième fois au camp de Châlons (actuel camp de Mourmelon), la brigade de chasseurs indigènes débarque le 26 août dans la région d’Amiens (80) où elle est engagée immédiatement pour protéger les gares d’Amiens et de Longueau (banlieue sud-est d’Amiens) d’éventuelles incursions de la cavalerie allemande.

Après s’être regroupée dans la région de Bordeaux, la 3e BM débarque à Clermont (60), le 15 septembre 1914, puis est dirigée sur Estrées-Saint-Denis (60) où elle est en réserve de la 6e armée.

Regroupée à Bordeaux, la 4e BM débarque à Compiègne, les 18 et 19 septembre 1914, puis cantonne dans la région Giraumont, Coudun (au nord de Compiègne) où elle est rattachée au 13e CA.

  • Sources principales

Sous la direction Louis Garros « L’Armée d’Afrique 1830-1960, Les Africains », Historama hors-série n° 10, 1970.

Jean-Louis Larcade, Zouaves et Tirailleurs : les régiments de marche et les régiments mixtes (1914-1918) volume 1, Paris, Editions des Argonautes, 2000, 317 pages.

Jean-Louis Larcade, Zouaves et Tirailleurs : les régiments de marche et les régiments mixtes (1914-1918) volume 2, Paris, Editions des Argonautes, 2001, 323 pages.

Site consacré aux Marsouins, Chacals et Turcos.

Site Mémoire des Hommes. Consultation des JMO des unités concernées.


Pour en savoir plus : Le site incontournable sur le sujet : Le site d’Eric de Fleurian, https://www.les-tirailleurs.fr/

Si vous souhaitez contacter l’auteur, n’hésitez pas à nous contacter.

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Publication de la page : 7 octobre 2012 – Dernière mise à jour : 20 octobre 2014.

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