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EUGÈNE DUFROUST (1892-1918) : de l’Orne à Salonique

La biographie d’Eugène Dufroust commence par une courte présentation du parcours singulier de la recherche liée à cet homme. Il s’agit du tout premier document acquis en 2010. À cette époque, je cherchais juste à illustrer le travail de recherche proposé aux élèves de mon établissement.

Je n’ai tout d’abord eu en ma possession que cette photo-carte et la fiche du site Mémoire des Hommes qui m’apprit son destin. En 2012, les Archives départementales de l’Orne mirent en ligne les fiches matricules des recrues du département, hélas uniquement jusqu’à la classe 1911. Eugène était de la classe 1912. Direction Alençon pour consulter la fameuse fiche et nouvelle frustration : les fiches ne sont consultables pour cette date qu’avec une demande écrite au directeur et son accord. Ce n’était que deux mois avant le texte autorisant la consultation libre de toutes les fiches matricules jusqu’à la classe 1920. Et puis début 2013, la classe 1912 fut accessible sur internet permettant la réalisation de cette biographie.

  • Une jeunesse dans la campagne ornaise

Eugène Adrien Dufroust s’est engagé volontairement le 31 mars 1913 à la mairie d’Alençon. La classe 1912, ne commença son instruction qu’en octobre 1913. Il devança donc de plus de 6 mois son incorporation. Était-ce par vocation ? Cherchait-il à fuir un destin qui allait faire de lui un simple cultivateur ?

Ce jeune homme est né à Saint-Denis-sur-Sarthon le 11 janvier 1892 à quatre heures du matin dans une famille de domestiques agricoles. D’ailleurs, c’est dans le hameau des Courbardières qu’a eu lieu l’accouchement : les jeunes parents vivaient chez le père de la jeune maman.

On retrouve sa trace au recensement de 1911 à Saint-Nicolas-du-Bois, où il vit chez sa grand-mère, au Hameau au Val, avec son frère Henri de deux ans son cadet. Sa grand-mère est journalière bien qu’âgée de 68 ans ; ses deux petits-fils aussi.

Sa fiche matricule n’indique pas son niveau d’instruction, fort probablement car ces données se trouvaient dans la liste matricule et n’ont pas été reportées dans la fiche.

À 21 ans, il se retrouva dans le département voisin de la Sarthe : lors de son engagement, il choisit le 117e RI du Mans. Rien ne dit pourquoi il ne choisit pas un régiment de l’Orne ?

  • En guerre

Il ne fait aucun doute qu’Eugène fut envoyé avec le 117e RI dans le nord-est début août 1914. Il fut blessé lors de la tragique journée du 22 août 1914 lors des combats à Virton où le 117e RI, comme tout le 4e Corps d’armée, fut violemment bousculé.

Sa fiche matricule ne détaille pas la durée pendant laquelle il fut éloigné du front, empêchant de ce fait de reconstituer avec exactitude son parcours. Vu les pertes du 117e RI le 22 août 1914, il est impossible de déterminer quelle était son affectation.

Une fois sa blessure par balle à l’épaule droite guérie, il rejoignit le 117e. On ne sait pas non plus s’il participa aux combats meurtriers de l’automne et de l’hiver 1914-15 (Oise, offensive de Champagne en février), par contre il fut de la grande offensive d’automne en Champagne en octobre 1915. Il fut une nouvelle fois blessé, le 6 octobre 1915, et non en 1916 comme l’indique la fiche matricule.

  • Chez le photographe

C’est pendant la période qui suivit cette seconde blessure qu’il se fit prendre en photographie : son bandage est bien propre et il ne porte comme effets militaires que sa capote et son képi. Le reste est composé d’effets civils. L’image fut probablement prise au cours du mois d’octobre car son bras est encore complètement bandé et il porte une capote d’un modèle typique de 1915, à savoir la capote Poiret du premier modèle, avec des boutons en tombac.

Rapidement, il dut rejoindre son dépôt. Il fut ensuite affecté au 21e RI où il arriva le 22 mars 1916.

  • Vers l’Orient

Son temps au 21e RI fut court, à peine 5 mois, jusqu’au 21 août 1916. Ce jour là, il fut blessé une troisième fois encore à l’occasion d’un combat important. Le 21e RI participa à une attaque dans le secteur d’Estrée dans la Somme. Eugène fit partie des 31 blessés par éclat d’obus, à la paupière supérieure.

Son hospitalisation et sa convalescence témoignent d’une blessure légère car il ne fut éloigné de la vie militaire qu’un mois : dès le 27 septembre 1916, il rejoignit au dépôt du 21e RI puis passa temporairement au 35e RI le 3 janvier 1917. Ensuite, il changea encore deux fois de régiment, passant quelques jours affecté au 3e régiment de zouaves et partit en Orient. Considéré comme dans la zone des Armées dès le 21 février 1917, on ne sait rien de son parcours pendant cette période. Ni blessure ni décoration pour nous aiguiller et son affectation au 4e régiment de zouaves le 21 octobre 1917 ne change rien dans cette brume qui l’entoure. On sait simplement qu’il devint caporal le 1er juillet 1918.

  • Maladie contractée en service

A partir du 21 octobre 1918, Eugène fut considéré comme en zone intérieure si l’on en croit sa fiche matricule. Pour un homme toujours en Orient, cette indication est plutôt surprenante. C’est probablement à cette date qu’il fut évacué vers l’hôpital temporaire n°16 à Salonique.

Ce ne sont ni les balles, ni les éclats d’obus qui vinrent à bout d’Eugène Dufroust. Aucune indication n’est donnée concernant la maladie qu’il contracta. On était en pleine épidémie de grippe. On sait juste qu’il décéda le 6 novembre 1918, à 14h30.

Dernière surprise de sa fiche MDH : il est noté comme étant affecté au 1er Régiment de Marche d’Afrique. Il ne s’agit pas d’une surprise, ni d’une information contradictoire avec ce que l’on sait de son affectation au 4e régiment de zouaves : le 1er RMA était notamment composé des bataillons C et E du 4e zouave.

  • En guise de conclusion

Qu’il ait compris que la victoire était proche, on ne le saura jamais. Eugène est décédé quelques jours avant la fin de la guerre. Cela aurait pu être le 22 août 1914, le 6 octobre 1915. Qu’est-ce que cela change ? Un destin fauché à 26 ans pour un homme ayant vécu 5 ans et demi sous l’uniforme, loin de l’Orne.

Où fut-il inhumé ? Où est son corps aujourd’hui ? Son nom figure simplement sur la plaque dans la commune de Saint-Nicolas-des-Bois. Et il reste du jeune homme de la campagne 1914-1915, une photographie.

Sources :

  • Fiche matricule d’Eugène Dufroust, matricule 202 au bureau de recrutement d’Alençon. Archives départementales de l’Orne, R 1216, vue 355/842 du tome 1.
  • État civil de la commune de Saint-Denis-sur-Sarthon, Archives départementales de l’Orne, 3NUMECEC382/3E2_382_17, vue 161/168.
  • Recensement de la population de Saint-Nicolas-des-Bois de 1911, Archives départementales de l’Orne, 3NUMLN433/M1558_25, vue 3/9.
  • JMO du 21e RI, SHD 26 N 593/2.
  • Photographie de la plaque de la commune de Saint-Nicolas-des-Bois, source photo: Monique GALLAIS 11-03-2011. Accès direct à la fiche sur le site Mémoral GenWeb.

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Publication de la page : 19 mai 2013

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