Aller au contenu

Correspondance richement mise en perspective

DARGERE Christophe, Si ça vient à durer tout l’été… Lettres de Cyrille Ducruy, soldat écochois dans la tourmente 14-18. L’Harmattan, collection Histoire de la défense, Paris, 2010.

Ce livre n’est pas la simple transcription d’une correspondance entre un homme et son épouse. Par plusieurs aspects, le travail de Christophe Dargère mérite notre attention.

Les publications de correspondances se sont multipliées depuis le début des années 2000. Il ne faut pas voir de regret dans cette phrase, juste un constat. Une correspondance c’est une porte ouverte sur le ressenti des combattants, leurs pensées, leur intimité, avec toutes les limites que peut avoir ce type de document (les non-dits en particulier).

La multiplication de ces correspondances est une bonne chose car la lecture de chacun permet de bien comprendre qu’il est difficile de réduire les combattants à un groupe unique. Ainsi, Cyrille Ducruy n’est pas Étienne Tanty. Il a 26 ans à la mobilisation, est marié et père d’un enfant. Il n’est pas dans une unité combattante mais auxiliaire. Dans le civil, il est agriculteur. Il n’a donc pas les mêmes préoccupations, pas le même style qu’une personne de la ville ou qu’un ouvrier.

Dès 1915, il est reconnu apte au service armé et se retrouve au front où il va vivre les mêmes souffrances que les autres combattants. Ses mots sur les combats de Verdun en 1916 sont très parlants. Mais ses lettres mettent avant tout en évidence ses préoccupations d’homme de la terre qui est mobilisé, qui fait son devoir mais qui reste en contact et attaché à sa vie d’avant symbolisée par sa femme.

Cette publication mérite aussi l’attention par les choix réalisés par son auteur. Plutôt qu’une publication chronologique, il a préféré découper en trois parties cette correspondance, lui donnant ainsi une valeur pédagogique supplémentaire. Les deux principales sont une présentation chronologique d’une partie des lettres et une partie thématique.

Ces courriers sont encadrés de nombreuses explications à la fois sur le contexte, des thèmes précis, des explications sur le sujet abordé par Cyrille et de courtes biographies des personnes évoquées. Tout cela rend ce qui est raconté plus proche, on entre vraiment dans la vie de cette famille, les connaissances qui partent, qui disparaissent, les difficultés quotidiennes, les joies, les permissions tant attendues.

L’auteur a fait le choix de conserver l’orthographe originale. Ce parti pris ajoute à la connaissance de cette famille par rapport à un texte où le style et les fautes ne sont pas gommés par les normes d’édition. On a bien une famille d’agriculteurs au niveau scolaire correct, mais aux tournures parfois maladroites. Cela ne pose malgré tout aucun problème et ne provoque aucune fatigue à la lecture.

Un livre humain et riche de la première à la dernière page. Cette dernière page est très émouvante en permettant aux membres de la famille d’écrire en souvenir d’un homme qui n’a pas été qu’un combattant de la Grande guerre, mais qui fut un père, un grand-père avant tout.

Un voile s’est levé sur cette famille. Chaque correspondance permet d’affiner sa compréhension de ce qu’a été la guerre pour les familles et les mobilisés. Quel que soit le grade, la profession, l’origine géographique. Car il y racontent souvent ce qu’ils ne peuvent plus nous dire.

  • En complément :

Autre ouvrage de Christophe Dargère.


Retour à la liste des livres

Étiquettes:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *