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ALBERT CHAPONNET : parenthèse en images (1915-1919)

   Cette recherche commence par la découverte dans une caisse sur un marché aux puces d’une série de photographies au milieu d’un vrac informe : dix-sept clichés sur différents supports, presque tous datés, une goutte d’eau dans ce qui devait exister avec assez pour retrouver quelques bribes de l’histoire d’Albert Chaponnet et de quelques personnes qui le côtoyèrent de manière plus ou moins proche entre 1915 et 1919.

  • Qui est Albert Chaponnet ?

    Lorsqu’il se fait recenser, Albert Chaponnet est un jeune joaillier. Il vit à Rosny-sous-Bois chez ses parents, au 34 ter avenue de la République.

Né à Paris le 9 avril 1894, il appartient à la classe 1914. Il est reconnu bon pour le service armé et rejoint le 39e RI le 7 septembre 1914. Son parcours est peu détaillé sur les documents disponibles. Il semble suivre le cours normal de la classe 1914, rapidement instruite et envoyée en renfort directement au front à partir de la mi-novembre 1914. Il semble que ce soit le cas pour Albert car il est blessé le 5 décembre 1914 à la ferme du Luxembourg. Ce jour là, le 39e RI est bombardé, la ferme en particulier, ce qui lui coûte 14 hommes, dont 10 blessés.

    Ce qui suit est une proposition de restitution de son parcours. Il repose sur le peu d’éléments chronologiques disponibles, une date de la fiche matricule et une photographie. Soigné, il dut rejoindre son dépôt mais y passa l’examen d’entrée afin de suivre une formation pour devenir aspirant dans un des centres d’instruction nouvellement créés. Il appartient à la deuxième promotion. Il fait partie des 500 élèves qui suivent les cours du 25 août au 18 décembre 1915. Deux documents l’attestent. D’abord une photographie datée d’août 1915, hélas seule indication notée à la plume au verso. Il porte l’uniforme du 113e RI comme tous ses camarades à l’exception d’un qui porte celui du 39e RI. Il vient probablement d’intégrer le Centre d’instruction des élèves-aspirants et les effets sont probablement ceux qui lui furent attribués à cette occasion.

    Une fois sa formation achevée, il est promu caporal le 10 décembre puis sergent le 20 décembre avant d’être nommé Aspirant le 1er janvier 1916. Son nom figure dans la liste des promus des centres d’instruction de Saint-Cyr et de Joinville publiée au Journal Officiel du 6 janvier 1916 (page 92).

  • La permission

    Impossible de savoir à l’heure actuelle si Albert resta à son dépôt et pour combien de temps avant de rejoindre la zone des armées. Seule certitude, il bénéficia d’une permission qui lui permit une série de clichés personnels, tirés ensuite sur papier. En effet, ces clichés sont tous datés de 1916 au verso. Alfred pose dans un jardin, peut-être son lieu de résidence à Rosny-sous-Bois, 34 ter avenue de la République ? La forme allongée des jardins le laisse penser quand on regarde une vue aérienne actuelle, sans que le « ter » n’ait été identifié.

    Il est dans le jardin de la demeure et se prête au jeu de la pose savamment choisie.

En veste, avec sa marque d’aspirant du 39e RI :

Avec sa capote, on aperçoit la veste en-dessous :

Avec une petite fille :

    Il est fort probable que cette enfant soit la jeune sœur d’Albert, Cécile, née en 1909, surtout si les clichés ont été pris au domicile familial.

    Entre les différents clichés, une poignée de minutes tout au plus ont dû s’écouler : la cigarette est toujours présente, mais presque consumée sur les derniers clichés.

  • La capture :

    On ne sait pas quand l’aspirant Chaponnet rejoignit le 39e RI en campagne. Est-ce suite aux pertes des 20 au 22 février 1916 à Souchez ? Le JMO n’indique jamais les arrivées de renforts. Cependant il transcrit toutes les décorations et à la date du 20 juin 1916, il est cité pour sa participation aux combats qui se sont déroulés quelques jours auparavant dans le secteur de Fleury à Verdun.

    Le 23 juin, un groupe important du 39e RI est capturé à Fleury. Albert Chaponnet est du nombre. Il rejoint l’Allemagne comme prisonnier de guerre.

  • Prisonnier de guerre

    Il est inscrit comme transféré du camp de Darmstadt à celui de Sagau le 22 juillet 1916. Sa première inscription sur un registre allemand date d’ailleurs du 22 juillet 1916, moins d’un mois après sa capture. Les listes du 9 septembre et du 11 octobre 1916 le placent toujours dans le même camp. Il est dans un camp où ne sont présents que des sous-officiers. En tant qu’aspirant, il n’est pas encore officier.

    Ce fut le début d’une période d’incertitude pour la famille, marquée par la demande au CICR de nouvelles du disparu. La demande est reçue le 2 août 1916 et reçoit d’abord une réponse négative le 11 août puis une positive le 22. La liste du 22 juillet a dû être reçue entre les deux.

    À plusieurs occasions pendant cet internement, Albert Chaponnet se fait photographier. Une fois encore, une date est inscrite au verso et parfois quelques éléments complémentaires. Parmi ces documents figure une carte photo envoyée. Hélas, les inscriptions sont totalement invisibles empêchant de la dater. Cependant on sait qui en était la destinataire : Julia Flyshaker… sa future épouse.

    Difficile de dater ce portrait. La moustache n’est pas la même que sur ce cliché daté de 1916, ni sur le suivant qui est noté « 27 Xbre 1916 » envoyé à son oncle Édouard et sa tante Clémentine. Sur ce dernier cliché, il porte même une barbe dite en cercle au lieu de son habituelle moustache. Il porte la même veste et son rappel de Croix de guerre.


    Une dernière photographie le montre dans un groupe à l’intérieur du camp. Datée de 1917, il est impossible d’en dire plus en l’absence de listes indiquant sa localisation après 1916.

    Il est rapatrié le 12 décembre 1919. Il devient sous-lieutenant à titre temporaire le 21 avril 1919 après avoir été affecté au 46e RI le 29 janvier. Le lot de documents recelait une dernière photographie datant de cette période. On y voit Albert accompagné dans le jardin dans lequel il avait posé en 1916. Les arbres ont leurs feuilles, contrairement aux photographies prises au début de l’année 1916.

    Se tiennent une femme – sa mère ? – devant lui, une femme à ses côtés, un homme en costume et une femme en tenue de mariée. Il porte un uniforme où l’on devine un « 46 ». Elle a été prise donc entre janvier et septembre 1919, mois de sa libération. A-t-elle été prise à l’occasion de son propre mariage intervenu à Rosny-sous-Bois le 22 juillet 1919 ? Ou bien lors de celui de sa sœur qui se déroula en septembre 1919 ? La grande proximité entre Albert et la femme qui est à ses côtés fait pencher vers cette seconde hypothèse, sans qu’il soit possible de l’affirmer. 

  • En guise de conclusion

    Ainsi s’achève la plongée dans une partie de la vie d’Albert Chaponnet, retrouvée grâce à quelques photographies jetées éparses dans une caisse de vrac d’un marché aux puces. Beaucoup de questions restent sans réponse. Pourquoi porte-t-il un brassard de deuil en 1916 ? Et qui sont les personnes de ce groupe avec lui en 1919 ?

    La recherche ne s’arrête pas tout à fait en réalité. Dans ce lot figuraient les portraits de deux camarades de captivité. Il ne fut pas si simple de retrouver qui ils étaient. En effet, les indices étaient là, un instituteur isérois du 217e RI signant un nom ressemblant à « Champagne » et un homme du 167e RI «signant « C Fr… », mais la lecture des noms était difficile. Par chance, les listes de prisonniers ont donné la solution, confirmée par les fiches matricules.

    Jules Campagne, et non Champagne, est un sergent du 217e RI capturé le 11 juillet 1916 au Chesnois. Il a bien passé du temps dans le même camp qu’Albert Chaponnet. Il était originaire de La Rôche de Glun dans la Drôme et il exerçait la fonction d’instituteur.

    Camille Franoux est de Gibeaumoix en Meurthe-et-Moselle. Il est adjudant au 167e RI lors de sa capture à Fleury le 11 juillet 1916. Il était également instituteur et titulaire de la Croix de guerre depuis septembre 1915.

  • Remerciements :

À T. Vallé qui, une fois encore, a démêlé certains éléments généalogiques.

  • Sources :

BENOIT Christian, Les officiers français dans la Grande Guerre, 1914-1918, Paris, éditions SOTECA, 2019, page 276.

Fiche matricule de Chaponnet Albert, classe 1914, matricule 3537 au 1er bureau de la Seine, AD75, D4R1 1781.

Fiche matricule de Campagne Jules, classe 1911, matricule 389 au bureau de recrutement de Montélimar, AD26, 1 R 303.

Fiche matricule de Franoux Camille, classe 1910, matricule 197 au bureau de recrutement de Toul, AD54, 1 R 1415.


Etat civil de Rosny-sous-Bois, acte de mariage de 1919, 1 E 064/54.

Recensement de 1921 de Rosny-sous-Bois,  D2M8/65/2, vue 3.

JMO du 39e RI, 26 N 618/2, /3 et /4

JO du 6 janvier 1916, page 92 :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63131489/f4.item.r=%22Chaponnet%20Albert%22.zoom

Fiches du CICR : P43458, P45756, P47180.

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Publication de la page : 7 mars 2021

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