Aller au contenu

70 – 1914, Ponts-de-Cé, classe 1893

    Le sujet est vraiment original, ce qui explique que, malgré la piètre qualité du cliché, j’ai eu envie de me lancer dans une recherche. Pour une fois, ce n’est pas une photo-carte ou une photographie originale, mais une copie numérique d’une illustration de journal ce qui explique sa qualité médiocre. Pourquoi s’y attarder ?

  • Les anciens de la classe 1893

    Il n’y a pas d’erreur. Cette photographie a bien été publiée en première page du journal angevin « Le Petit Courrier » le dimanche 5 avril 1914.

    Elle ne date pas d’après-guerre, mais bien d’avant. Elle permet d’illustrer les solidarités locales et l’importance des obligations militaires dans la vie courante. Ces hommes ont décidé de fêter ensemble leurs 40 ans. C’est l’occasion de ce portrait de groupe. Le journal ne donne, hélas, aucune information complémentaire sur son déroulement, sur l’éventuel cadre associatif. On apprend juste le lieu où se tint la rencontre, au Clos-des-Champs. Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre d’où venaient ces hommes : étaient-ce uniquement des natifs de la commune, et de m’interroger sur le destin de chacun. En effet, la classe 1893 fut entièrement mobilisée et certains connurent le front.

  • Qui étaient-ils ?

    La recherche dans les fiches matricules de la classe 1893 n’a pas permis de retrouver les vingt-deux hommes nommés sur la photographie. Le résultat est assez sûr pour dix-neuf. Trois échappent toujours aux investigations. Voici les remarques de Thibaut Vallé, dont l’aide a été précieuse, les concernant :

« BERTRAND : il en existe plusieurs qui pourraient coller entre les classes 1890 et 1893 des bureaux de Cholet et d’Angers, sans pourtant avoir la preuve que leur chemin soit passé à un moment ou à un autre dans le canton des Ponts-de-Cé.

SAMSON : Comme les BERTRAND, il y a presque autant de possibilités que de porteurs du patronyme puisque aucun élément ne permet de prouver leur présence.

LAGUERRIE : la, c’est le contraire, ce nom est très rare/disparu depuis 1891. Je penche donc pour une erreur du journaliste. J’ai cherché les Laguer(r)(y)(i)(e), La Guerr(y)(i)(e), Laquery, Le Guerry, Haguer(r)(y)(i)(e)…. Aucune réponse sur les années 1890-1896 sur les bureaux de Cholet ni d’Angers. Le seul nom non disparu se rapprochant est Laguerie, présent surtout dans le 87.

J’ai essayé de croiser en recherchant les mariages (après tout ils auraient pu faire souche ! ) dans tous les villages du canton sur les tables décennales 1993-1903 pour ces noms sans résultat. »

Thibaut a fini par retrouver la fiche matricule de Laguerrie, mais noté Laguerie. Pierre Laguerie, né en Gironde en 1873, se domicilia à Saumur en 1900 avant de prendre résidence à Saint-Maurille-des-Ponts-de-Cé.

    Le résultat de la recherche est synthétisé dans ce tableau. Cliquez sur l’image pour accéder au tableau complet et en grand format.

    Le cas d’autres banquets de la classe laisse imaginer qu’il est ouvert à toutes les personnes de la classe 1893, y compris celles installées depuis peu dans la commune, mais aussi aux natifs désormais domiciliés ailleurs.

    Moins de la moitié des convives sont natifs des Ponts-de-Cé (neuf). Les autres sont nés dans une commune limitrophe ou peu éloignée, Beaupréau se trouvant à une dizaine de kilomètres seulement. Il y a donc un ancrage local réel avec l’exception d’un homme installé dans le Saumurois depuis 1900 provenant de Gironde. Même si en 1914, seuls sept ont leur domicile aux Ponts-de-Cé, la règle de proximité reste appliquée, à l’exception d’un homme domicilié à Orléans mais natif des Ponts-de-Cé.

    Toutefois, les informations des fiches matricules ne sont pas toujours bien à jour du lieu de résidence, il conviendrait de croiser cette source avec la liste électorale des Ponts-de-Cé de 1914, mais elle n’est pas conservée.

    En ce qui concerne la date de naissance, deux sont nés en 1872 et un en 1874, sans qu’il soit possible de dire s’ils « marchent avec la classe 1893 » comme on pourrait l’imaginer.

  • Quelques observations

    Le parcours militaire des dix-neuf hommes trouvés permet quelques remarques.

    D’abord au niveau de l’affectation, l’infanterie n’est pas la reine des affectations pour ces hommes. Seuls sept passèrent par un régiment d’infanterie ou un bataillon de chasseurs à pied, quand six le furent dans le génie dont trois par engagement volontaire. Ces trois derniers étaient tous bateliers et on y voit clairement une stratégie afin soit de choisir une arme en relation avec leur profession soit un lieu, soit les deux : deux intègrent les Pontonniers d’Angers. Le reliquat connut la cavalerie, l’artillerie ou un escadron du train.

    Ensuite, à la mobilisation, quelques mois après le banquet, quatorze hommes sur les dix-neuf trouvés furent rappelés. Les fantassins rejoignirent essentiellement le 72e RIT d’Angers quand les pontonniers et les sapeurs allèrent le plus souvent dans une unité territoriale du génie. L’affectation initiale dans une unité territoriale n’empêcha pas l’envoi en renfort vers une unité de réserve comme on peut le voir avec le mobilisé de la classe 1893 capturé en septembre 1914 et les deux tués en 1915.


Pierre BURET, mobilisé au 72e RIT il est affecté au 272e RI. Il est tué au combat du Bois Haut (Meuse) le 27 juin 1915.

Alphonse GILLET, mobilisé au 9e Bataillon territorial du génie, il est affecté à la compagnie 10/13 du 6e Génie. Caporal, il est blessé le 8 mars 1915 au Bois Sabot (Marne) et meurt de ses blessures le 12 mars.

Pierre HALOPE, mobilisé au 9e Bataillon territorial du génie. Parti au front, il est capturé à Charlemont en septembre 1914. Rapatrié le 8 décembre 1918.
  • En guise de conclusion

    Il est bien dommage que d’autres écrits sur cette journée n’aient pas été trouvés. Il n’en reste qu’un cliché et des noms. C’est malgré tout tellement plus que bon nombre de banquets pour lesquels on ne dispose que des annonces dans la presse.

    Les quelques pistes envisagées pourraient être complétées par des recherches pour savoir si des solidarités particulières s’exercèrent à l’intérieur de ce groupe et s’il se reforma après-guerre à l’occasion d’un banquet, d’une cérémonie ou dans une association d’anciens combattants.

  • À découvrir !

    Internet recèle des pépites. Tel est le cas du site des conscrits de Villefranche-en-Beaujolais qui a mis en ligne toutes les photographies à la fois des conscrits de la classe mais aussi des fêtes de la classe organisées décennie après décennie. Le résultat est simplement extraordinaire !

    Chaque classe dispose d’une galerie de photographies de groupes prises tous les 10 ans à partir de l’année de conscription. Si la majorité s’arrête aux 50 ans de la classe, il y a des exceptions. Une vraie tradition locale qui est immortalisée en photographies. 984 photographies pour la seule commune de Villefranche-en-Beaujolais et 1285 pour les communes voisines de la région caladoise, un patrimoine réellement à découvrir.
https://www.classe-64.com/index.html

L’exemple des classes en « 4 » : https://www.classe-64.com/conscrits_hier_ailleurs_4.html

  • Remerciements :

    Thibaut Vallé a été une fois de plus d’une aide extrêmement précieuse pour retrouver la fiche matricule de certains de ces hommes.

  • Sources :

Archives départementales du Maine et Loire :

« Le Petit Courrier », édition du 5 avril 1914. vue 13/97
https://recherche-archives.maine-et-loire.fr/v2/ark:/71821/57b717e1d7ebdc212b4b8932a5484d6e

De nombreux registres matricules ont été consultés. Pour la classe 1893, le plus fréquemment utilisé fut celui du bureau de recrutement de Cholet, tome 1, 1 R 1242.

Gallica :

Carte routière et hydrographique de Maine-et-Loire / dressée sous la direction de M. Alard.
Bibliothèque nationale de France, département Cartes et plans, GE D-9819


Retour à la galerie des recherches sur les photographies d’avant 1914

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *