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63 – Jules Plat, classe 1914, dépôt de Mamers, 115e RI

Cette photo carte a subi les affres du temps. Elle est fortement jaunie et a perdu tout contexte. Au moins l’expéditeur a-t-il eu la bonne idée d’indiquer par une croix où il est. Même si le portrait est réduit, tout comme la fiche matricule, il permet une nouvelle fois de s’intéresser aux jeunes recrues de la classe 1914 au dépôt.

  • Au dépôt de Mamers

Jules Plat a donné toutes les informations nécessaires. Il écrit alors qu’il est au dépôt du 115e RI à Mamers. S’il date son courrier de novembre 1914, la photographie doit avoir été prise au début de l’automne car la végétation est encore bien en feuilles.

Son écrit est intéressant car il évoque un peu le dépôt et sa composition :

« Mamers, le 4 Novembre 1914

Chère Belle-Sœur

Je vous envoie la carte de photographie de notre sergent de semaine, il nous a bien manqué nous sommes pourtant qu’une section, on se réjouie de la classe 15 qui va rappliquer d’ici une quinzaine, il y a beaucoup de réformés d’arrivés, en ce moment on doit en avoir 6 à 700 rien que pour Mamers ils vont trouver ça drôle à leur âge de manœuvrer le fusil et le sac. Je me porte bien pour le moment je pense que vous êtes de même je finis ma lettre en vous souhaitant bien le bonjour et une bonne santé. Je marque l’endroit où je suis par une croix.

Plat Jules »

On apprend tout d’abord que le cliché n’est pas celui d’un photographe professionnel, mais un sergent qui a immortalisé le groupe d’un peu loin pour un résultat il est vrai qui manque de finesse.

Ce qui est surprenant, c’est l’annonce de l’arrivée de la classe 1915. En effet, elle n’est censée arriver qu’au 15 décembre, non au 15 novembre. Fait-il référence à un bruit tel qu’il en circulait de nombreux parmi les mobilisés ? S’est-il trompé de date dans son courrier ?

Concernant « les 6 à 700 » réformés évoqués, il ne semble pas qu’il y ait d’exagération. En effet, le dépôt a reçu entre le mois de septembre et le mois de décembre 1914, 199 récupérés (exemptés avant-guerre) et 645 services auxiliaires versés au service armé. Et c’est sans compter les territoriaux versés au dépôt pour partir en renforts vers les régiments d’active ou de réserve.

S’il n’indique pas à quelle compagnie du dépôt il est affecté, Jules Plat permet tout de même de savoir qui est visible : sa section.

  • Une section au dépôt

Dans ce groupe, on observe à la fois les recrues et leur encadrement. Ce dernier est composé d’un lieutenant et d’un sous-lieutenant à sa gauche. Ils portent tous deux le « 315 » du régiment de réserve du 115e RI. Rappelons que la structure est le « dépôt commun du 115e et 315e RI ». Il n’y a donc aucun problème à trouver les deux numéros de régiment sur la même photographie. D’ailleurs devant le sous-lieutenant, un sergent appartient aussi au 315e RI. Il s’agit soit d’un sous-officier resté au dépôt pour l’entraînement des recrues soit d’un homme revenu de blessure.

Aux extrémités se trouvent probablement deux sergents à droite et peut-être un sergent et un sergent-major à gauche. Pour ce dernier, les grades pourraient être ceux d’un caporal blanchi à la craie pour la photographie, mais la qualité du support empêche de le déterminer. Ce qui les distingue des autres soldats est, outre leurs galons, l’absence de havresac et des courroies qui l’accompagnent chez les sous-officiers. On compte donc deux officiers, 6 sous-officiers et 44 hommes. Un homme, entre les deux officiers n’est pas identifiable.

Les pauses sont classiques, entre hommes couchés, camarades accroupis tenant ostensiblement leur fusil.

Les soldats qui ont choisi de s’asseoir sont ennuyés par leur baïonnette. Ils ont dû les faire passer devant afin de ne pas être gênés.

Les hommes debout ont aussi des poses variées, du garde-à-vous, plutôt pour les hommes proches des officiers, à des attitudes un peu moins martiales sans être nonchalantes. C’est l’occasion de bien voir les cartouchières, toutes du modèle 1877 (1er homme à gauche debout) ou 1882 (2e homme debout en partant de la gauche). Elles sont archaïques mais les modèles les plus adaptés ont été donnés à la mobilisation ou sont réservés pour les renforts.

  • Le destin de Jules Plat

Ce jeune cultivateur appartient à la classe 1914. Né à Neau en Mayenne en septembre 1894, dans une modeste famille dont le père est domestique de ferme, Jules est noté comme ayant un niveau scolaire de « 2 », ce qui ne semble pas cohérent avec la qualité d’écriture de sa carte. S’il n’avait pas mis la croix, il aurait été, comme bien souvent, difficile de l’identifier dans le groupe. Front fuyant, nez busqué et visage coloré sont moins fréquents, mais à cette distance et avec cet angle et cet éclairage, cela n’aurait pas réellement aidé.

Classé dans le service armé par le Conseil de révision à Evron, il arrive à Mamers au 115e RI le 4 septembre 1914. C’est pendant son instruction qu’il envoie cette photo carte. C’est donc l’occasion de s’intéresser à la belle-sœur à qui il écrit.

La famille Plat est nombreuse : la fratrie compte sept membres nés entre 1877 et 1899. Deux garçons sont nettement plus âgés que Jules, à savoir François né en 1877, marié en 1902 et Henri né en 1883, marié en 1908. En l’absence d’adresse ou d’autre indice, impossible de dire à laquelle il écrit ce 4 novembre 1914.

Sa fiche matricule n’indique pas la date à laquelle il quitte le dépôt, mais c’est probablement au cours du mois de novembre, peu après l’envoi de cette photo carte, comme la majorité de la classe 1914. Sa participation au conflit est de courte durée : blessé le 2 mars 1915, il décède à l’ambulance 4/22 à Vitry-le-François le 24 mars suivant. Soit sa blessure par balle à la poitrine s’aggrava, soit elle empêcha son transfert dans la zone de l’intérieur. Quoi qu’il en soit, c’est d’une pneumonie et d’une méningite liées à sa blessure qu’il meurt.

  • En guise de conclusion

Il est le seul enfant de la famille décédé au cours du conflit, son nom figure sur le monument aux morts de la commune de Neau. Deux frères revinrent mutilés mais tous se marièrent.

Cette photographie dispose d’un contexte plus précis sans être complet : on sait qui prit la photographie, mais ni sa date, ni le lieu visible, ni à qui elle fut adressée.

  • Sources :

Archives départementales de Mayenne :

R1472 : fiche matricule de Plat François Alexandre, classe 1897, matricule 1030 au bureau de recrutement de Laval.
https://archives.lamayenne.fr/archives-en-ligne/ark:/37963/r82906ejm16k/f1

R 1547 : fiche matricule de Plat Henri Louis, classe 1903, matricule 142 au bureau de recrutement de Laval.
https://archives.lamayenne.fr/archives-en-ligne/ark:/37963/r284575f26ik/f252

R 2007 : fiche matricule de Plat Jules, classe 1914, matricule 1191 au bureau de recrutement de Laval.
https://archives.lamayenne.fr/archives-en-ligne/ark:/37963/r28533tcas4k/f346

R 2027 : fiche matricule de Plat Auguste, classe 1916, matricule 1039 au bureau de recrutement de Laval.
https://archives.lamayenne.fr/archives-en-ligne/ark:/37963/r285497va1gk/f69

6 M 311 : recensement de population de la commune de Neau en 1901. Vue 6.
https://archives.lamayenne.fr/archives-en-ligne/ark:/37963/r3901zfkp3qk/f6

Service Historique de la Défense :

SHD GR 7 N 425 : État des dépôts au 31 décembre 1914.


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