Je vais me permettre une digression très personnelle sur cette photographie. C’est par elle que tout ce travail a commencé. Un dimanche en compagnie de ma grand-mère Juliette, sur la table dans sa cuisine, nous regardâmes cette photographie et elle commença à passer son doigt sur chaque personne tout en me racontant qui elle était, ce qu’elle faisait… L’Histoire, si austère habituellement, devenait si humaine. Grâce à cette photographie et à ces souvenirs, toutes ces personnes revivaient. Ces souvenirs étaient riches et émouvants, tout comme ce doigt qui avait si souvent parcouru cette image sans l’abîmer, fragile instant de bonheur avant tant de souffrances.
- Une simple photographie
Même si ce mariage contrariait les plans de son père, Jules, revenu travailler dans sa famille à Beaurepaire après son service militaire, avait une fiancée et avançait sur son chemin. On ne sait rien sur la période qui précéda la noce, tout comme sur la cérémonie. Mais ce fut l’occasion de cette photographie de groupe, déjà traditionnelle à cette époque. Elle compense en partie la perte de tous les documents ayant pu exister.
Elle nous montre les jeunes mariés, au centre du groupe, Jules en costume noir, Jeanne tout de blanc vêtue, avec des fleurs dans les cheveux.
Le mariage se déroula à Champrond-en-Gâtine, suivant le parcours traditionnel qui allait de la mairie à l’église, dans un gai cortège paradant dans la grande rue qui n’était pas encore la route nationale bruyante et passagère qu’elle est aujourd’hui. Le repas de la noce se déroula par contre à Beaurepaire, dans la ferme tenue par le père de Jules. C’est là que le photographe installa son estrade et son appareil pour figer cet instant, juste devant un des bâtiments.
Cette photographie devint le support de la mémoire familiale, regardée certainement très souvent par les filles de Jules et Jeanne avec leurs grands-parents, puis lors des soirées photos familiales bien plus tard. Jusqu’à la fin de leur vie, elles gardèrent un souvenir précis de ce rare souvenir de leurs parents.
Les éléments qui suivent reposent uniquement sur les souvenirs, transmis à leur tour, de Juliette et Gilberte. Ces souvenirs étaient entretenus soigneusement, l’une n’hésitant pas à téléphoner à l’autre en cas de doute.
La ferme de la Foucauderie où vivait la famille Gauthier a peu changé depuis pour l’essentiel. On y retrouve les mêmes bâtiments que ceux qui existaient il y a un siècle. Les parents de Jules en étaient les bailleurs depuis 1906. L’habitation était perpendiculaire à droite du bâtiment devant lequel fut prise la photographie. Dans cette dépendance, il y avait notamment un four à pain dans lequel la mère de Jules faisait son pain dans une huche toutes les semaines, derrière la fenêtre à droite de la photographie. L’ensemble a peu changé : des clapiers ont été ajoutés et le toit a été refait. Il est aisé de replacer le groupe devant.
Si on a installé la mariée sur un coussin, le même soin n’a pas été apporté à tous les détails : on voit distinctement à droite du groupe un « carrosse » pour laver le linge : il fallait s’agenouiller à l’intérieur. Celui-ci était rudimentaire car il était dépourvu d’aides pour appuyer les coudes. Plus intéressant encore, un détail ne colle pas entre la photographie de 1913 et celle de la ferme aujourd’hui : deux frises de briques décoraient la façade ; or une seule apparaît sur la photographie de 1913. En regardant de plus près, on perçoit nettement une tenture avec des feuillages, typique de celles utilisées par les photographes de l’époque. Non que le photographe ait imaginé cacher la façade, mais cela prouve que le couple fut probablement photographié individuellement, et peut-être d’autres personnes présentes ce jour. Quant au chien visible, il appartenait au père de Jules.
- Les convives
Plutôt que de faire une simple galerie de portraits, j’ai préféré classer les convives en catégories : la famille du marié, la famille de la mariée, les amis, les autres personnes.
La famille de la mariée :
Orpheline, seuls deux frères de Jeanne ont pu faire le déplacement depuis l’Est de la France.
Claude Dodet, 22 ans, frère de la mariée. Il est alors soldat à Héricourt en Haute-Saône. Il est l’un des témoins du mariage de sa sœur. | |
Léon Dodet, 26 ans, frère de la mariée. Il était boulanger à Paris et habitait au 48 rue Richard Lenoir. Il est l’un des témoins du mariage de sa sœur. |
La famille du marié :
Les parents :
François Gauthier. Père du marié et époux de Marie Salmon. Cultivateur, il avait commencé à labourer à l’âge de 14 ans. Il était l’aîné d’une famille de 7 enfants : trois garçons (François, Émile et Auguste) et 4 filles (Augustine, Aline, Céline et Armandine). Il ne ménagea jamais sa peine, cultivant ses terres, louant sa force de travail, ses chevaux et son matériel pour des travaux publics par exemple. | |
Marie Émilie Salmon, appelée « Maria » au quotidien. Mère du marié, épouse de François Gauthier. Née en 1864, c’est elle qui racontait sa rencontre avec les Prussiens en 1871 : des soldats la faisaient sauter sur leurs genoux en lui disant « P’tite Mam’zelle, venir avec nous en Prusse ! ». |
Les grands-parents :
« Grand-père Gauthier ». Louis Gauthier était le grand-père paternel du marié. C’était le père de François Gauthier. Il avait été journalier, paysan. Il avait eu une vie difficile. Ainsi était-il surnommé « Gauthier le Pâtira » tant il était pauvre. Ses chevaux mangeaient l’herbe le long de la route pendant le repos, preuve qu’ils devaient avoir rarement de l’avoine. Avec ses sept enfants, il vécut à la ferme du Moulin à Champrond. Sur la photographie, il avait près de 84 ans et était veuf. | |
Pierre Salmon. Appelé aussi « grand-père Pierre », il était l’époux de Julie Adolphe et grand-père maternel du marié. Il était bûcheron et coupait les branches à la serpe. Né en 1830, il avait 82 ans quand son petit-fils se maria. Son costume était typiquement percheron. | |
Julie Salmon. Née Adolphe, elle était appelée aussi « grand-mère Julie », c’était l’épouse de Jean-Pierre Salmon. Sa fille disait qu’elle avait les yeux bleu clair. Elle venait tout juste de fêter ses 78 ans, deux jours avant le mariage. |
Oncles, tantes et neveux :
Jules Salmon. Seul frère de la mère de Jules. Il était petit cultivateur et vivait à Verneuil, dans l’Eure. Il était témoin au mariage. | |
Louise Salmon. Fille de Jules Salmon. | |
Émile Gauthier. Frère du père du marié, il était le mari de « Thaïs ». Il était cafetier à Champrond-en-Gâtine. | |
Tante « Thaïs ». Épouse d’Émile Gauthier. Ils possédaient une ferme et surtout il était cafetier à Champrond-en-Gâtine. Elle était la mère des deux enfants qui suivent. Après la mort d’Émile, elle abandonna le café et s’installa au Thieulin dans une ferme. Ses fils Roger et Pierre l’aidèrent à tenir la ferme. | |
Germaine Gauthier. | |
Roger Gauthier. | |
Armandine Gauthier, épouse Beauchet. C’était la benjamine des Gauthier. Elle était mère d’Élisa, mais veuve. Elle a travaillé chez une comtesse où elle était gouvernante. Elle avait, de ce fait, une façon de parler et de paraître que l’on pouvait qualifier de « bourgeoise ». | |
Elisa Beauchet. Plus tard, elle se maria avec monsieur Bouilly de La Loupe. Mais il décéda d’une appendicite. Elle fut couturière à domicile. | |
Alexandre Dézert. Epoux d’Ermine Jumeau. Il est le père de Suzanne et était bourrelier à Neuilly-sur-Eure. | |
Ermine Jumeau, épouse Dézert. | |
Suzanne Dézert, future épouse Cognard. C’est la future marraine de Gilberte (fille aînée des mariés). Née vers 1905, elle devint centenaire et fut la dernière personne vivante témoin de ce mariage. | |
Charles Jumeau. Frère d’Ermine Jumeau, il était sellier à Paris après la mort de sa mère, il ne resta pas à la ferme. Très proche des parents Gauthier, il revenait souvent les voir et était l’un des témoins du mariage. | |
Suzanne Jumeau, fille de Charles Jumeau. |
Amis de la famille Gauthier :
Monsieur et madame Renaud. Ils habitaient à Saint-Victor-de-Buthon. C’étaient des amis des parents du marié et les propriétaires de la ferme de Beaurepaire qu’ils exploitaient. | |
Louis Tasse et son épouse. Il était charron à Saint-Victor-de-Buthon. Les Tasse étaient des amis des parents Gauthier. Ils étaient les parents de Gustave, ami de Jules. La mère du marié s’inspirait beaucoup de madame Tasse pour ce qui était vestimentaire. On notera de ce fait des tenues qui se ressemblent entre les deux femmes. Il faut préciser que madame Tasse, qui travaillait les robes, cousait beaucoup et venait à Beaurepaire arranger les habits de son amie. | |
Gustave Tasse, mécanicien en matériel agricole à Saint-Victor-de-Buthon. Grand copain du marié. | |
Monsieur et madame Garnier. Il était gendarme à Champrond-en-Gâtine. Il était « Monsieur » Garnier. | |
Fille de monsieur et madame Garnier | |
Monsieur et madame Marchand. Monsieur Marchand était boulanger. | |
Lucien et Amandine Sergent. Ce couple était ami du marié. | |
Inconnu. | |
Inconnu. | |
Inconnue. | |
« Casimir », un boucher de Combres, sans doute un ami du marié. | |
Blanche Nourry, jeune femme du village, son nom de jeune fille était Barbot. Elle a tenu un café à Champrond-en-Gâtine bien plus tard. | |
Fleurestine Tasse (?) ou Florentine Triau (?) ; jeune femme du village. | |
Inconnue. |
Employés et personnel de la noce :
Une bonne de la ferme de Beaurepaire. Peut-être Marie Moreau ? | |
Madame Laurent, cuisinière. Ce jour-là, elle servait. | |
Monsieur Barbas, pâtissier-traiteur à La Loupe. | |
Le « violoneux », monsieur Chevrier. |
Suite – 7. Une courte vie commune.
Publication de la page : 14 avril 2013 – dernière mise à jour : 26 avril 2013