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58 – Dépôt de Mayenne, 130e RI, 09/1914

    Les photographies peuvent être fascinantes. Dans la masse, on trouve régulièrement des images qui interrogent sur les choix du photographe. Ce cliché en est la parfaite illustration : nous ne saurons jamais pourquoi il n’a pas recadré l’image au moment du tirage. Au moins nous donne-t-il un point de vue sur un des côtés pendant que le groupe posait. Quant au texte, il nous permet de découvrir Maurice Tellier, jeune conscrit de la classe 1914.

  • Mayenne, avec la classe 1914

    Cour de la caserne du 130e RI, septembre 1914, Maurice Tellier, jeune classe 14 n’a pas encore un mois de présence sous l’uniforme. Il est affecté à la 27e compagnie de dépôt. Il porte une tenue impeccable, comme avant-guerre. Tous ont un képi, sauf deux hommes qui ont un bonnet de police, la veste « ras-cul ». Tout est uniforme.

    C’est l’occasion d’observer le dispositif mis en place pour photographier les groupes : des tonneaux en plus d’un banc.

    Ce détail n’est pas si insignifiant que cela. En effet, il devient possible de localiser des photographies pour lesquelles il n’y aurait aucun indice : les deux fenêtres avec rideau, la rigole devant les pavés au pied du mur, les tonneaux. Ainsi, on retrouve ce procédé sur un autre cliché visible sur le site du Chtimiste, même lieu, mêmes tonneaux. On pourrait se demander s’il s’agit du même photographe, d’autant que trois ans au maximum séparent ces deux images.

    Un seul détail est réellement différent entre ces deux clichés : les rideaux (1911/1912 à gauche, 1914 à droite), à moins que ce ne soit une preuve que ce n’est pas le même bâtiment.

    Revenons au cliché de 1914. Les camarades observent la scène. Peut-être attendent-ils leur tour ? Ils sont tournés vers le photographe qui vient peut-être de signaler qu’il va prendre le cliché.

  • Au dépôt, à Mayenne, septembre 1914

    S’il n’y avait eu que l’indication « Souvenir de 1914 », il aurait été difficile d’affirmer que ce cliché a été près avant ou après la mobilisation. En effet, les tenues visibles sont rigoureusement identiques à celles d’avant-guerre. Tout au plus aurait-on pu évoquer le manque de moustaches de ces jeunes hommes, à peine compensé par une pipe ostensiblement mise en avant.

    Toutefois, Maurice Tellier nous donne toutes les informations nécessaires à la contextualisation de l’image.

« Mayenne le 28 septembre 1914
Peut-être me reconnaîtrez-vous dans ce groupe ? Ca change un peu les effets militaires. De plus je n’ai pas l’air aussi gai que d’habitude et surtout pas si gai que le camarade à gauche qui rigole, un engagé de 18 ans.
Nous sommes un peu mieux maintenant. Hier nous avons eu du fromage et un verre de vin. Les blessés arrivent toujours. Il en est encore arrivé cette nuit.
Amitiés, et bons baisers
Maurice Tellier

Elève-caporal
27e Cie, 4eme section au 130 à Mayenne »

    Ce jeune classe 1914 est déjà élève caporal. Sa fiche matricule l’explique : à peine deux mois auparavant, le 27 juillet 1914, il a obtenu son Brevet d’Aptitude Militaire lui permettant de rejoindre l’école des caporaux immédiatement. D’ailleurs, dès le 8 novembre 1914, il est caporal. Il résume ce que fut l’instruction de cette classe 1914, trop rapide. À tel point que les suivantes furent rallongées et qu’aucune nomination au grade de caporal pour les jeunes classes au dépôt ne fut acceptée par la suite.

  • Identifier Maurice Tellier

    Il n’a hélas pas mis de croix sur la photographie. Alors, où est Maurice Tellier ? Il donne bien un indice, mais il est maigre : « le camarade à gauche qui rigole »… Certes, plusieurs hommes sourient, mais impossible d’en dire plus. D’autant que la fiche matricule ne donne que « cheveux châtains, yeux marron foncé, front moyen et visage ovale ».

    Quelques visages juvéniles, quelques sourires ne suffisent pas à trouver ou même de faire une simple hypothèse. Par contre, le parcours de Maurice est plus simple à retrouver.

  • 27 septembre 1915, Épine de Vedegrange

    La fiche matricule ne porte aucune date d’arrivée dans la zone des armées. L’étape suivante est le 27 septembre 1915, soit un an à peine après l’envoi de la photographie. Ce jour-là, le 130e RI attaque « en vagues successives » les lignes allemandes pendant l’offensive de Champagne. Impossible de dire dans quelles circonstances le caporal Maurice Tellier de la 1ère compagnie fut tué, lors d’un assaut, d’une contre-attaque, sous le bombardement. Il aurait eu 21 ans trois jours plus tard. Son acte de décès précise qu’il est tombé « sur le terrain » vers 10h00 du matin.

    Le JMO du 130e RI (vue 55/82) dispose d’une liste nominative des 640 pertes de ce 27 septembre 1915. Un « Louis Tellier » y figure, mais pas de « Maurice ». Ni l’historique du régiment ni les fiches du site Mémoire des Hommes ne contiennent de « Louis Tellier » au 130e RI. Il s’agit selon toute vraisemblance d’une erreur du secrétaire qui a établi la liste, d’autant que le soldat suivant dans la liste est aussi un « Louis ».

  • En guise de conclusion

    Cette photographie montre un contraste avec le destin d’un homme en temps de guerre : c’est le moment où l’on pose, fièrement, parmi ses camarades. Mais ce n’est plus l’avant-guerre. Il est probable que Maurice Tellier ne fut pas le seul homme de son groupe qui ne soit pas revenu de la guerre. Cette recherche, comme souvent, laisse des regrets. Son décès fait que sa fiche matricule est très imprécise, il n’est pas identifiable sur la photographie.

  • Sources :

Archives départementales de la Mayenne :

Fiche matricule de Maurice TELLIER, classe 1914, matricule 501 au bureau de recrutement de Mayenne. R 2011.

Transcription de l’acte de décès de Maurice TELLIER, 8 janvier 1916, commune de Saint-Martin-de-Connée, 4 E 278/31 – 1913-1916.
https://chercher-archives.lamayenne.fr/archives-en-ligne/ark:/37963/r118999z3k4lhk/f75

Service historique de la Défense :

JMO du 130e RI, SHD GR 26 N 687/2.

Cliché du site du Chtimiste : http://www.chtimiste.com/album/Active/100e%20au%20176e%20RI/130e%20RI/Groupes%20de%20soldats/regiment130%2010.jpg

Extrait de carte du front les 25 et 26 septembre 1915 : Les Armées Françaises dans la Grande Guerre, Tome III, Les offensives de 1915, l’hiver de 1915-1916, carte n° 32.
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/ark:/40699/e00564264ce00425/564264ce0122a


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