POURCHER Yves, Le Rêveur d’étoiles, Paris, Éditions De Borée, 2014 (2004). 205 pages.
C’est une question que je continue de me poser à chaque lecture de roman : pourquoi faire un roman aujourd’hui alors que tant a déjà été écrit, en particulier par les témoins ?
Cet ouvrage ne m’a pas donné la réponse. Au moins ne m’a-t-il pas fait passer un mauvais moment. Je n’ai rien de fondamental à lui reprocher, même en ce qui concerne les détails racontés. Yves Pourcher est un universitaire qui a publié des recherches sur 14-18 et qui, pour son premier roman, reprend ce thème. La masse de détails, au front comme dans la vie à l’arrière montre la maîtrise de l’auteur.
On suit un homme soldat qui revient mutilé de la guerre. Jérôme raconte son retour, décrit sa famille, ses amis, revient à l’été 1914 et à son départ. Ensuite, on le suit au sein du 142e RI pendant sa campagne, d’août 1914 à 1917 puis son hospitalisation dans le Sud. Le difficile retour clôt le livre.
L’auteur est parfaitement documenté sur le sujet, cela ne fait aucun doute. Le vocabulaire est précis, la chronologie respectée, rien à redire non plus sur le parcours qui se tient. L’auteur utilise un vocabulaire précis, contextualise les faits que vivent les protagonistes. C’est parfois trop précis même, en particulier dans les énumérations de lieux ou de compagnies dans les combats. Rarement les hommes n’avaient une telle vision d’ensemble comme le héros peut l’avoir. Les hommes ne voyaient pas au niveau de la compagnie mais plutôt à celui de l’escouade. Le propos ne va pas jusqu’à cette échelle et reste donc sur de grandes lignes, comme dans les historiques régimentaires. L’usage du terme « nettoyeur de tranchée » pour la fin 1914 me paraît un peu anticipée et la pose de « barbelé » également, mais encore une fois, rien de fondamental.
Le livre ne fait pas dans les grandes figures de style, n’a pas vocation à être littéraire dans le sens le plus difficile à lire. Il se lit rapidement, même si l’absence de chapitre et le fil rouge avec les étoiles rendent la lecture un peu moins simple.
L’auteur nous épargne le passage devenu obligé sur les fusillés, mais il raconte le suicide d’un lieutenant avant le premier combat. Il n’est d’ailleurs pas utile d’ajouter une couche sur la dureté du temps tant ce texte ne fleure pas la joie. Les moments heureux appartiennent tous au passé, le présent est d’une grande noirceur. Tous les personnages souffrent, que ce soit les hommes mobilisés ou ceux restés à l’arrière. Toute beauté est détruite, tout le lien à la nature disparaît directement (destructions au front, défrichement d’une forêt à l’arrière) ou indirectement. Les hommes qui aiment ce contact à la nature sont les seuls personnages non torturés du livre, mais ils meurent (celui qui aimait le chant des oiseaux, celui qui aimait les fleurs, celui qui aimait les étoiles). Les temps sont modernes dans la destruction, la mise à mort industrielle lors des assauts face à des machines plus que face à des hommes.
Les portraits sont stéréotypés, comme les situations. Trois camarades d’enfance, un jovial, un travailleur, un sérieux ; un meurt, un disparaît, un est mutilé. De la même manière que l’osmose homme/nature est détruite, l’osmose entre ces hommes l’est aussi. Comment se reconstruire ? Comment retrouver le goût de la vie dans cette situation ?
- En guise de conclusion
Entre roman, essai, historique de régiment, mise en situation très précise et réflexions, il est parfois difficile de suivre l’auteur car il passe de l’un à l’autre, mélange le tout. Ce n’est donc pas un simple roman de livre de poche mais bien une œuvre qui peut être découverte au même titre que les autres romans actuels sur cette période. Il convient de ne pas en attendre une description fidèle de la réalité (même s’il s’en rapproche plus que d’autres) ou une suite de faits historiques. C’est un roman actuel qui nous montre une fois encore la manière dont nous percevons le conflit, ses enjeux, ses conséquences.