Les courriers qui parvenaient à la préfecture n’étaient pas seulement pour dénoncer ou demander. Il y avait aussi le cas d’hommes qui essayaient de régler un problème lié au recrutement. Tel est le cas d’Édouard Pottier.
- Régulariser la situation
La signature n’ayant pas la même aisance que l’écriture de la lettre, il est probable que Céleste Pottier avec son niveau 1 d’instruction ait fait écrire son courrier. La lettre part le 24 mai 1915.
« À Monsieur le Commandant du Bureau de Recrutement à Alençon
Mon Commandant,
Je soussigné Pottier Céleste Édouard, journalier, résidant à Saint-Patrice-du-Désert, Orne, et travaillant un peu partout, ai l’honneur de vous exposer que je n’ai pas su qu’il fallait que je me fasse inscrire à la mairie avant le 25 avril 1915, par conséquent je n’ai pas été convoqué pour me présenter le 18 mai dernier à Carrouges.
Je suis né à la Chapelle-Moche le 5 janvier 1871, N° Mle 754 du recrutement d’Argentan. Réformé n°2 par la Commission spéciale d’Argentan le 16 novembre 1914 pour fracture d’une jambe et resté boiteux.
C’est pourquoi, me croyant en défaut, je viens, Mon Commandant, vous demander où je pourrais passer la révision (soit la Ferté Mâcé le 16 juin ou ailleurs) afin de régulariser ma situation.
Dans l’attente d’une prompte réponse, Je suis,
Mon Commandant,
Votre très obéissant serviteur
Pottier
Transmis à Monsieur le Commandant de Recrutement d’Argentan »
On ne sait pas exactement quelle fut la réponse de la préfecture mais on en a une bonne idée avec cette note ajoutée au document original :
« Le nommé Pottier a été informé que ne s’étant pas fait inscrire dans les délais prescrits, et n’ayant pas été visité par le Conseil de Révision de son Canton, il devrait être considéré comme bon absent.
Il fut également avisé d’avoir à signaler sa situation au Recrutement à toutes fins utiles.
Alençon, le 27 mai 1915
Pour le Préfet et par délégation
Le Secrétaire Général
Signature »
La réponse ne porte que sur les faits, soulignant au crayon rouge « travaillant un peu partout » sans tenir compte du passé chargé du demandeur.
- La crédibilité d’une demande
Céleste Pottier a un passé plutôt agité. Condamné en 1890 pour attentat à la pudeur, son séjour en prison lui vaut un service actif dans un Bataillon d’Infanterie Légère d’Afrique. Il s’y fait remarquer négativement ce qui entraîne une prolongation de son séjour en Algérie de plusieurs mois. Il n’est libéré que le 30 janvier 1896 et son certificat de bonne conduite est refusé.
Ensuite, sa fiche matricule ne relève plus aucune condamnation. Il participe à toutes ses périodes d’exercices jusqu’à la dernière en 1906. À la mobilisation, il rejoint le 32e RIT dès le 2 août. Toutefois, comme la lettre le rappelle, il passe devant la commission spéciale d’Argentan qui le réforme. Il rentre dans son foyer le 16 novembre 1914.
La fiche matricule ne mentionne pas l’oubli d’inscription lié à l’application de la loi de récupération du 6 avril 1915. On sait simplement que le motif de réforme est reconnu et, considéré comme non récupérable, il n’a pas été convoqué aux commissions médicales qui se sont tenues jusqu’à la fin de la guerre pour récupérer des exemptés et des réformés.
- En guise de conclusion
Les dossiers liés aux conseils de révision regorgent parfois de tels documents ou de demandes d’informations concernant un habitant.
- Sources
Archives départementales de l’Orne : https://archives.orne.fr/
R 1061 : fiche matricule de POTTIER Céleste Édouard, classe 1891, matricule 754 au bureau de recrutement d’Argentan.
R 829/1 : Visite des réformés du 2 août au 31 décembre 1914.
Mise en ligne de la page : 16 avril 2023.