Il n’y a pas que les soldats qui cherchaient à trouver des moyens de s’éloigner du front, de la zone à risque. Une épouse s’adresse au sous-préfet de Barcelonnette (Basses-Alpes à l’époque, département des Alpes-de-Haute Provence).
- Lettre de l’épouse du territorial Jean Joseph Jauffred
Fours le 7 janvier 1915
Monsieur le Sous-Préfet de Barcelonnette
Je me permets de venir faire appel à votre obligeance et renouveller ma demande du 11 ou 12 Novembre en vous priant de vouloir bien vous intéresser dans la mesure de la justice à ma triste situation. J’ai mon mari Jauffred Jean Joseph âgé de 40 ans finis, né en 1874 qui est actuellement soldat au 112e territorial, 1ère compagnie ; il ma laissé seule avec 4 enfants, dont l’ainé est à peine agé de 12 ans et le plus jeune a près de 3 mois. Je suis moi-même malade et incapable de travailler comme en fait foi le certificat qui est joint à ma première demande du docteur Signoret et j’ai avec moi la mère de mon mari qui elle même est âgée de 73 ans et infirme. Vous connaitrez aussi ma situation l’orsque j’aurai ajouté que nous n’avons que pour tous revenus que le produit de notre petite propriété qui sans le concours de nos bras sera désormais insignifiant.
Vu la situation que j’ai l’honneur de vous exposer ne serait-il pas juste Monsieur le Sous Préfet que sil n’est pas possible que mon mari soit rendu à sa famille pour le moment, que tout au moins vous obteniez de l’autorité militaire quil ne soit pas exposé et dirigé sur la ligne de feu et que l’on utilise sa bonne volonté patriotique a un service moins exposé aux dangers directs de la guerre et ou je risque moins de perdre le seul soutien de la famille.
Dans l’espoir que vous voudrez bien prendre ma demande en considération, j’ai l’honneur de vous prier Monsieur le Sous Préfet d’agréer l’assurance de ma profonde reconnaissance
Jauffred Marie. Uvernet-Fours
Adresse
Monsieur
Jean Joseph Jauffred
territorial 112e
1ère Compagnie
Secteur postal 59
Marie Jauffred a donc déjà écrit au sous-préfet, mais la première missive et sa pièce-jointe n’ont pas été conservées. Les arguments avancés ont-ils eu l’effet attendu ?
- Résultat de la demande
L’absence d’indications postérieures à la réception du courrier ou de dossier ne laisse pas présager une fin positive. Seule la fiche matricule peut nous permettre de le savoir.
Le document nous apprend qu’il s’est installé à Fours en 1898. En 1899, il se marie à Marie Pélagie. Mobilisé le 2 août 1914, il devient caporal le 17 décembre 1915 sans qu’un éventuel changement d’affectation n’apparaisse. Toutefois, s’il est bien noté comme étant en campagne, aucune précision n’est donnée sur sa présence dans la zone des armées ou la zone de l’intérieur.
Par contre, on apprend qu’il est détaché dans une commune proche dans une scierie « en qualité de bûcheron » du 19 décembre 1916 au 23 octobre 1918. Pendant cette période, il fut donc, conformément aux vœux de son épouse, éloigné du front. Il ne le fut toutefois pas suite à une autre demande de son épouse, mais simplement en raison de sa spécialisation dans une profession qui permettait d’obtenir un détachement.
Il n’est démobilisé que le 7 mars 1919.
- Sources
Archives départementales des Alpes-de-Haute Provence : http://www.archives04.fr/
1 Z 147 – Sous-préfecture de Barcelonnette.
1 R 985 – Fiche matricule de Jauffred Jean, classe 1894, matricule 1031 au bureau de recrutement de Digne.
Mise en ligne de la page : 12 février 2023.
