CROCQ Pierre, De la Somme à Verdun, épreuves d’un poilu de 14-18. Souvenirs de guerre collectés par Henri, Louis et Claude Crocq ses trois fils. Paris, L’Harmattan, 2016, 163 pages.

- Des choix problématiques
Mes expériences de lecture avec cette maison d’édition ont souvent été des déceptions (même s’il y a de belles exceptions comme les ouvrages de Christophe Dargère ou de Thierry Cornet et Alain Chaupin). En cause, l’absence de tout regard critique de l’éditeur sur ce qu’il publie. Le présent ouvrage ne fait hélas pas exception. Les auteurs font de fait ce qu’ils veulent en terme de choix. Titres à rallonge, illustrations mal choisies et mal exploitées (photographies déjà vues partout, inutiles, illisibles et parfois utilisées sans respect de la chronologie ou du contexte, soit 21 des 32 images à mon avis), ne sont que deux problèmes ici. Cet ouvrage comporte une erreur jamais vue : l’utilisation d’une image provenant d’un film avec une légende pour le moins farfelue (figure 17) !

C’est tout de même une image extraite du film « Un long dimanche de fiançailles » ! Erreur de fichier ? Peut-être, même si le grain de l’image ressemble étrangement aux images de publications anciennes et que la légende correspond à ce qui y est visible : de l’intérêt de chercher et d’indiquer la source des images utilisées.
La structure de l’ouvrage en elle-même est maladroite : voulant mettre en parallèle le JMO, l’historique et le témoignage, l’auteur a présenté chaque source séparément puis a fait l’historique du 124e RI (y compris pour les périodes où son père n’y était pas) avant de raconter les grandes étapes de la guerre à travers les trois sources. On a sans arrêt l’impression de relire la même chose ! Pire, au final le témoignage du père ne représente pas 20% de l’ouvrage. Par contre, la vision de la guerre de l’auteur et de ses frères est exposée en détails, aussi bien dans les récits des combats que dans les trois longues postfaces où le « devoir de mémoire » est appelé à la rescousse.
Un autre problème apparaît lorsque l’on compare la page de manuscrit visible et le texte correspondant : il y a clairement eu un important travail de réécriture sans que les règles suivies ou même ce choix n’aient été exposés. On peut se demander alors s’il n’y a pas des parties de texte qui ont été enlevées, si l’esprit en a vraiment été respecté. Sans compter que le récit a été rédigé par à coups dans les années 1970 donc bien longtemps après les faits, on peut légitimement s’interroger sur la précision des faits racontés et le message transmis.
N’ayant pas le texte original à disposition, difficile de savoir si l’analyse des écrits réalisée dans la présentation des trois sources est pertinente ou si, comme pour d’autres parties du texte, biaisée par l’émotion du rédacteur.
Dernier point ayant attiré mon attention : le titre des parties utilisant le témoignage. « Stations » ? Pourquoi ce choix de vocabulaire quand le titre indique des « épreuves » ? Faut-il y avoir une référence religieuse autour du martyre de leur père ? Dans ce cas pourquoi en avoir fait onze ?
- Le témoignage
Pierre Crocq est un instituteur de la classe 1913 mais ajourné puis appelé avec la classe 1914. Il n’évoque le dépôt que par une anecdote avant de partir en renfort en novembre. Participant à toutes les opérations jusqu’en mars 1917, il note de brefs souvenirs formant un récit général de son parcours de guerre. Blessé en mars 1917, il est réformé en novembre et retourne enseigner. Contrairement à trop de témoignages publiés, cet ouvrage consacre une partie importante à la vie après-guerre, de manière vivante et réussie.
- En guise de conclusion
Cet ouvrage donne l’impression une fois de plus avec cette maison d’édition d’être une auto-publication avec la qualité d’impression d’une grande maison. Mais qu’est ce qui compte le plus : le fond ou la forme ? Une publication plus modeste, centrée sur la vie de ce combattant et son témoignage aurait suffi.
Vendu 19 euros, j’ai eu la chance de le trouver chez un bouquiniste.
