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Marches d’épreuves de sapeurs du 79e RI, Nancy 1908

Encore une photographie de groupe ? Certes, mais le photographe a eu la bonne idée d’inscrire son contexte, les hommes de poser de manière à rendre bien visibles quelques détails. Direction la région de Nancy où un groupe de sapeurs du 79e RI fait sa pause pendant une des marches d’épreuves en 1908.

  • Au 79e RI de Nancy

L’affectation ne fait pas le moindre doute. Ces hommes appartiennent tous au 79e RI caserné à Nancy. L’expéditeur localise d’ailleurs son courrier à Nancy et les cachets postaux, peu lisibles, indiquent « Meurthe-et-Moselle ».

Le contexte est tout aussi clair. Les marches d’épreuves sont une série de marches, en général en quatre étapes journalières consécutives d’une vingtaine de kilomètres avec le chargement complet du sac. C’est un test avant que le conscrit de la jeune classe ne soit considéré comme mobilisable vers le mois de mars ou d’avril.

Ces marches ne sont plus imposées depuis le règlement d’infanterie de 1903 qui prévoit juste que vers le 15 mars les hommes mobilisables soient capables de faire une étape moyenne avec le chargement complet. Le courrier est daté du 19 avril, donc probablement un mois après la marche. La date précise de ces marches n’a pas été retrouvée pour l’instant dans la presse. La recherche continue.

Les hommes font une pause. Ils ont mis les fusils en faisceaux.

Au moins six d’entre-eux profitent cet arrêt pour fumer un cigare.

Il fait froid et plusieurs hommes, comme le caporal, portent des gants ou en ont à la main.

  • Des spécialistes

Ce groupe d’hommes n’est pas une simple escouade de fantassins. Chacun a une spécialité. Le premier homme à gauche est maréchal-ferrant. Il a mis ses mains à l’abri dans le revers de sa capote.

Au moins douze autres sont des sapeurs. Ils appartiennent donc à la Section Hors-Rang et sont reconnaissables à leur insigne de spécialité.

L’un d’entre-eux possède également un prix de tire :

Pour finir avec ces spécialités, trois hommes, à l’arrière-plan, possèdent un cordon devant eux. Ce sont trois clairons. On en voit d’ailleurs un exemplaire sur l’épaule du soldat de gauche.

  • Retrouver l’auteur de la carte

« Nancy 19 Avril

Chers Oncle Tante et cousin

J’ai repris mon service de ce matin Je suis arrivé samedi à 7 heures comme d’habitude
Je pense que vous êtes tous en bonne santé.
Je vous écrirai ces jours ci plus longuement car de ce moment je n’ai pas le temps.

L. Boursier

Monsieur Bailly Léon
16 rue des Bleuets 16
Alfortville
Seine »

J’ai noté le nom du soldat qui écrit dans la transcription, mais la recherche fut longue. Il faut dire que la signature n’est pas très lisible. Par contre, en partant de l’oncle, Thibaut Vallé a réussi à le retrouver avec certitude.

Retrouver la trace de Léon Bailly vivant au 16 rue des Bleuets à Alforville a été le plus simple. Il est bien dans le recensement de 1911. Il est marié à Pauline Laurentine JOUBLIN depuis 1895 et a une fille Berthe. Tout ce petit monde vient de l’Yonne, d’Arcy-sur-Cure pour être précis. Donc logiquement, ce soldat doit être le fils d’un frère ou d’une sœur d’un de ses deux parents.

Les familles BAILLY-JOUBLIN sont réduites. Pauline JOUBLIN n’avait qu’un frère, né en 1870, marié en 1900. Donc pas d’enfant possible née dans la décennie 1885-1895.

Léon BAILLY n’avait qu’une sœur aînée. Mariée à un monsieur BOURSIER, elle a eu plusieurs enfants dont Léon Marcel en 1886. Ce nom a immédiatement allumé une petite lumière comme étant une interprétation possible de la signature. L’espèce de « 3 » initial est un « B » possible de l’époque et le « L » initial est parfaitement lisible. 

  • Le parcours de Léon Boursier

Né en décembre 1886, Léon Boursier est de la classe 1907. Classé bon pour le service actif, il est affecté au 79e RI à partir du 8 octobre 1907. Son passage dans les sapeurs peut s’expliquer par sa profession au moment de son incorporation : menuisier.

Il devient officiellement sapeur le 18 mars 1908, peut-être juste avant cette marche ? Il est même sapeur de 1ère classe le 14 août 1908. Or, il y a trois soldats de 1ère classe sur la photographie. Hélas, aucune année n’est lisible, que ce soit dans le texte ou sur le cachet postal en partie illisible. Or, cette information serait fort utile : si le cliché était de 1908, on pourrait retrouver où est Léon, d’autant qu’il n’a laissé aucune croix pour nous aider.

Vu sa description, si le cliché a été pris en 1908, Léon pourrait être le 1ère classe de gauche sur la photographie, car il a bien le visage ovale, un menton rond et un nez fort, contrairement au 1ère classe de droite.

Cependant, Léon pourrait aussi être ce dernier 1ère classe visible ci-dessous.

Autant le dire, en l’absence d’élément de comparaison, impossible pour l’instant de déterminer qui est Léon sur la photographie.

Il quitte le 79e RI avec son certificat de bonne conduite le 28 septembre 1909 et retourne dans l’Yonne.

Il fait ses périodes d’exercices au 4e RI d’Auxerre, d’abord pour les manœuvres d’automne 1912, puis en juin 1914. Lors de cette seconde période, il est jeune marié. Il s’est uni à Jeanne Blanche Catherine JOUBLIN (probablement une cousine plus ou moins éloignée) le 12 mai 1914 à Arcy-sur-Cure. Son oncle Léon Bailly est d’ailleurs un de ses témoins. On note à la fois des similitudes avec la signature de la carte, surtout au niveau du nom, mais une plus grande application également.

Il est mobilisé le 4 août 1914, mais sa période en unité combattante ne dure qu’un peu plus d’un mois. En effet, il est blessé par éclat d’obus au genou droit le 7 septembre 1914. Hospitalisé à Rennes, il est classé service auxiliaire par la commission spéciale de réforme d’Auxerre le 16 octobre 1914 pour « Hydarthrose du genou droit », gênant clairement sa marche et donc la possibilité d’en faire un fantassin. Il est maintenu dans le service auxiliaire le 18 décembre 1914. Resté au dépôt, il est détaché pour travailler dans la Maison Nieuport à Issy-les-Moulineaux.

Il est démobilisé le 7 avril 1919 et s’installe dans la Seine. Il revient dans l’Yonne dès 1921.

Il est dégagé de toute obligation militaire en 1935. Sa date de décès est inconnue.

  • Retrouver le lieu

Cette photographie ne montre pas que notre groupe de sapeurs et de musiciens. Sur la gauche, on observe nettement un civil, âgé, probablement vivant dans le lieu de l’arrêt lors de cette marche.

Ce lieu doit pouvoir être identifiable, autour de Nancy. En effet, outre quelques éléments d’architecture visibles, il y a une grande tonnelle voire une pergola. La végétation est évidemment absente en cette saison, mais les branches sont bien visibles.

Cet élément, très caractéristique, pourrait permettre de retrouver le lieu s’il apparaissait sur d’autres clichés.

De nombreux détails sont visibles sur le chargement des sacs. Ils sont différents les uns des autres car chaque homme porte un équipement collectif différent : un sac à vin plié, une gamelle…

Pour finir, on peut voir un autre groupe de soldats. Un élément légèrement flou est difficile à identifier à leurs pieds : est-ce un chien ou juste un sac ?

  • En guise de conclusion

Derrière un nouveau cliché de groupe de soldats, se cachent une spécialité dans l’infanterie et un parcours identifié.

Plusieurs questions restent en suspend. Léon Boursier a été retrouvé, mais on ne sait pas encore où il est sur la photographie. Le cliché est contextualisé, mais ni daté ni localisé avec précision. Dans tous les cas, les indices sont présents, mais les sources manquent.

  • Remerciements :

À Thibaut Vallé qui a réussi à identifier le nom du soldat et qui a donc débloqué la recherche !

  • Sources :

Archives départementales du Val-de-Marne :

D2M8 92 : Recensement de 1911 de la commune d’Alfortville
https://archives.valdemarne.fr/ark:71138/s005b98e04bce1f2/5b98e04cdcfd3.fiche=arko_fiche_62e100ec475e2.moteur=arko_default_62fe57348ac9a

Archives départementales de l’Yonne :

1 R 540 : fiche matricule de Léon Bailly, classe 1887, matricule 480 au bureau de recrutement de Sens.
https://archivesenligne.yonne.fr/ark:/56431/vta1f1ce513992e5efd/daogrp/0/608

1 R 683 : fiche matricule de Léon Marcel Boursier, classe 1906, matricule 57 au bureau de recrutement d’Auxerre.
https://archivesenligne.yonne.fr/ark:/56431/vta556fc10d2c1a4/daogrp/0/91

5 Mi 1242/ 8 : état civil de la commune d’Arcy-sur-Cure, mariages de 1895, acte n° 7.
https://archivesenligne.yonne.fr/ark:/56431/vta53495284f3cde/daogrp/0/120

2 E 15 30 : état civil de la commune d’Arcy-sur-Cure, mariage de 1914, acte n° 2.
https://archivesenligne.yonne.fr/ark:/56431/vta50abb16998190434/daogrp/0/124


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