Cérémonie d’inauguration du monument aux morts de la commune de Combres (28) vue par le journal L’indépendant d’Eure-et-Loir1
À Combres
Sous la présidence de M. Maurice Maunoury, ministre de l’Intérieur, la commune de Combres, cruellement éprouvée par la guerre, a inauguré, dimanche son monument aux morts.
Ce fut comme toutes celles que nous avons pu voir jusqu’à présent, une belle et touchante cérémonie, à laquelle la population tout entière de la cité va apporter son concours.
Il est regrettable que la pluie, qui pas un instant ne fit de trêve, vint troubler cette pieuse manifestation. Hâtons-nous d’ajouter cependant que la cérémonie se déroula suivant le programme minutieusement élaboré et que tous les habitants tinrent à célébrer malgré les ondées intempestives le souvenir si cher de leurs grands morts.
Vers 2 heures et demie, les autorités arrivent dans la cour de la mairie, où les invités et les membres des diverses sociétés sont déjà groupés.
M. Maurice Maunoury, ministre de l’Intérieur, descends de voiture, tandis que la Fanfare de la Loupe le salue aux accents de la « Marseillaise ».
Aussitôt après, une jeune fille, Mlle Thérèse Maupin, s’approche du ministre et lui adresse un gentil compliment, tout en lui offrant une magnifique gerbe de fleurs.
M. Maurice Maunoury remercie, puis les conseillers municipaux prennent place autour de leur table de délibération, où ils vont tenir une séance extraordinaire.
Monsieur Fettu, maire de Combres, prend aussitôt la parole.
« Combres, dit-il, vit une heure historique. En sa maison commune, son assemblée municipale, déférente et émue, reçoit le ministre de l’Intérieur.
Par la voix de son maire, c’est toute la commune qui, de toute son âme et de tout son cœur, accueille d’un même élan M. Maurice Maunoury, mais c’est aussi tout le canton qui ressent en cet instant la fierté d’un tel honneur ».
Et M. Fettu termine en priant l’hôte éminent de la commune de transmettre à M. Poincaré, président du Conseil, une adresse signée des membres de l’assemblée municipale.
M. Maurice Maunoury remercie les conseillers municipaux et promet d’être leur interprète auprès du président du Conseil.
Dehors, cependant, un cortège s’est formé. Les autorités, les invités et les membres du comité vont prendre les places qui leur ont été réservées et le défilé s’ébranle aux accents de la « Marche du 85e » pour se rendre au monument.
Les gendarmes à cheval des brigades de Thiron et d’Illiers ouvrent la marche, tandis que des délégations des subdivisions des sapeurs-pompiers de Combres, Thiron, Nonvilliers, Happonvilliers, Chassant, Frazé et Montigny-le-Chartif encadrent le cortège. Puis ce sont les membres de la Fanfare de La Loupe, que dirige M. Le Floch et que nous aurons l’occasion d’entendre plusieurs reprises au cours de la cérémonie ; les enfants des écoles, les mutilés, les démobilisés, les membres de la Société de Tir l’« Avenir », une délégation des sauveteurs d’Eure-et-Loir et les familles en deuil.
Enfin, voici les autorités et les invités parmi lesquels nous remarquons : MM. Maurice Maunoury, ministre de l’Intérieur ; Cassé-Barthe, préfet d’Eure-et-Loir ; Bouvart et Villette-Gaté, sénateurs ; Mignot-Bozérian, député ; Maurice Viollette, président du conseil général ; Gaubert, sous-préfet de Nogent-le-Rotrou ; Fettu, maire de Combres et conseiller général du canton de Thiron ; MM. Rodhain, Laurent, Ledoux et Triaureau, conseillers généraux ; Dupré, Vanvooren et Colas, conseiller d’arrondissement ; Déroche, commandant de gendarmerie ; Duperrier, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées ; Décôte et Roulleau, chefs de division à la préfecture d’Eure-et-Loir ; Barra, maire de Châteaudun ; Chappé, maire d’Illiers ; Lesieur, maire de Frétigny ; Moussinet, juge de paix à Illiers ; Mion, président de la Fanfare de La Loupe ; Lagner, président du Conseil d’administration des établissements Duval ; les conseillers municipaux de la commune ; des maires ou adjoints des communes environnantes, etc., etc…
La foule suit le cortège qui, déjà, est arrivé sur la petite place de l’église. C’est là que s’élève le monument, œuvre remarquable du sculpteur Charpentier, et dont M. le maire, tout à l’heure, va donner une élogieuse description.
La foule fait cercle. Les clairons sonnent « Aux champs ».
M. Augé, s’approche alors du mausolée et d’une voix forte fait l’appel des morts. Un blessé de guerre, M. Bazin, répond à la fin de chaque nom « Mort pour la France ! ».
Et, tour à tour, les visages aimés des trente-cinq victimes sont évoqués par l’assistance, qui écoute avec émotion cette funèbre liste :
Biat Henri, Blandeau André, Blot Augustin, Bodin Emile, Boisnet Lucien, Bouthier Edgar, Célot Désiré, Chenebault Elie, Coudray Emile, Dugué Victor, Epinette Albert, Forge Gabriel, Giroux Alcide, Guillaume Victorien, Jallon Théodule, Jumeau Marcel, Leclerc Clotaire, Ledru Constant, Lesieur Henri, Lorin Armand, Lubin Julien, Maupin Paul, Mercier Maxime, Mineur Marcel, Montaudoin Constant, Montaudouin Vincent, Morin Norbert, Noblet Gustave, Pinceloup Adrien, Pinceloup Vincent, Pousset Adrien, Renard Auguste, Vallée Charles, Vallée Marcel, Védie Gaëtan.
Maintenant, les enfants des écoles, que dirigent M. et Mme Douvenot, instituteurs, exécutent un fort joli chœur.
M. Fettu, maire de Combres, prenant ensuite la parole, prononce le discours suivant :
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Au nom de la municipalité, du comité d’organisation de ce monument et de la population tout entière, j’ai d’abord l’agréable devoir de remercier M. Maunoury, ministre de l’Intérieur, d’avoir bien voulu accepter la présidence de cette manifestation.
En venant d’ici, Monsieur le Ministre, vous faites grand honneur à notre petite cité et nous vous en sommes profondément reconnaissant.
Combres a voulu honorer ses morts avec toute la dignité qu’il faut ; il a voulu donner un éclat particulier à cette cérémonie patriotique et tout de respect envers ceux qui, là-bas, dorment leur dernier sommeil. Votre présence, Monsieur le Ministre, donne un caractère de grandeur à notre manifestation et nous ne savons comment vous remercier d’être venu au milieu de nous pour glorifier ce que nous pleurons.
Merci pour les parents, pour les femmes qui pleurent : celles-ci un fils, celles-là un mari bien-aimé. Merci pour les petits enfants privés d’un père qu’ils ont à peine connu mais qui tient toujours la première place dans la maison familiale. Merci aussi, Monsieur le Ministre, pour nos blessés, pour nos démobilisés ; merci encore pour nous tous, merci…
Merci à vous Monsieur le préfet et à vous Monsieur le sous-préfet.
Merci à vous tous Messieurs les sénateurs, députés, conseillers généraux, conseillers d’arrondissement ; merci à nos collègues, maires et adjoints du canton et des cantons voisins ; aux fonctionnaires de notre canton, à ceux de notre arrondissement et du département ; merci à vous Messieurs les chefs de division de la préfecture ; merci aux délégations de compagnies de sapeurs-pompiers, à la musique de La Loupe, aux délégués des différentes associations qui ont bien voulu nous apporter leur témoignage de sympathie et d’amitié dans cette émouvante circonstance.
Merci à tous ceux qui ont collaboré à l’érection de ce monument pour lequel chacun ici, pauvre ou riche, a apporté son obole. Nous aurions voulu faire mieux encore. Cependant grâce à la générosité et au talent du grand artiste qu’est Félix Charpentier, nous avons pu ériger un monument qui dépasse et nos moyens et nos espérances. Merci mon cher maître, votre bonne amitié et votre désintéressement nous ont permis de dresser sur notre place un monument digne de nos martyrs et qui rappellera aux générations futures l’étendue des pertes douloureuses subies par notre commune.
Votre ciseau a symbolisé la Patrie appuyée sur notre drapeau saluant de l’épée la modeste tombe du poilu de la guerre, creusé au pied d’un pan de mur écroulé. Le casque du héros dormant là son dernier sommeil, la modeste croix de bois donnent à cet ensemble une allure superbe dans sa sobre simplicité. O ! tombes creusées partout en pleins champs, au pied d’une haie, au bord d’un chemin, votre nombre indique l’étendue du sacrifice et l’artiste a voulu vous magnifier dans cet apparente humilité. Le socle en roche brute de Saint-Denis-d’Authou, dû à notre ami M. Jallet que je remercie également, défie le temps ; de même que notre souvenir il est impérissable. Vos noms, chers disparus, ont été confiés à l’airain le plus pur et quels que soient les événements ils ne seront jamais détruits. Vous êtes là 35 héros sur un effectif de 120 mobilisés pendant la campagne. Ces nombres indiquent combien énormes furent les sacrifices de nos vaillantes populations paysannes qui donnèrent un si lourd tribut à la guerre.
Enfin, nous avons voulu que le lierre, symbole parfait de l’attachement, entoure ces pierres, et, de même qu’il y sera attaché jusqu’à sa mort, nos pensées vous sont attachées jusqu’à notre dernier souffle.
Monsieur le Ministre,
Mesdames, Messieurs,
Je ne puis, dans cette triste circonstance, oublier les premiers jours terribles de 1914. Quand, vers midi, monsieur remis l’ordre de mobilisation, sur cette place, je faisais battre la générale, pendant que de notre vieux clocher le taux que ça annoncé la fatale nouvelle. Ces évènements pourraient-ils jamais sortir de notre mémoire ? 3… quand il nous fallut aller apprendre au maire, aux vieux parents, que leur enfant de 20 ans était déjà à leur porte de combat, combien de larmes répondues, vite sécher cependant, chacun s’entend l’étendue du devoir à accomplir pour la France Pacifique attaquer ! Un frisson magnifique passé alors sur nos campagnes et chacun s’apprêtait à répondre vaillamment à l’appel du pays. Les hommes quittaient les travaux des champs, rentré préparer le départ du lendemain. Une fois sublime, volonté une volonté inflexible rendait tous ses visages graves. Pas la moindre un prix imprécation. « nous sommes attaqués, disait-il il faut nous défendre, allons-y !… fermé les guillemets voici 15 jours, 3 semaines d’écouler, après les alternatives de succès de revers, dans cette terrible guerre de mouvement : Marchienne, Charleroi.. nous commençons à recevoir des avis de décès point séjour douté de septembre sur meurtrier pour beaucoup des nôtres incorporer dans le 4e corps ainsi que dans les régiments de l’est point malgré ses pertes énormes, pas de découragement ; la fois invisible invincible dans le succès régné en maîtresse. Cette fois, qui ne devait pas se démentir, c’est une force point, ce fut l’un des facteurs de la victoire. Plus tard, voici les permissionnaires, les poilus qui remontaient le moral des quelques rares défaillants. N’était-il pas sublime ces hommes qui repartaient vers la fournaise en jetant comme nous d’ordre ou de ralliement le fameux vrai légumes faut pas s’en faire, on les aura fermé les guillemets. D’interrogation ils avaient raison de prendre les a eu point, on les a eu, parce que nous sommes français, parce que l’esprit d’initiative la volonté tendue de chacun en contrebalancer la formidable appareil militaire accumulé depuis des années par l’allemand en vue de l’agression. Ah si le poilu de 1914 de même que ses aînés les soldats de la Révolution et de l’Empire les sans-culottes et les grognard, à conquis immortalité, il importe que les générations montantes se souviennent que ce fut moins peut-être par le mordant de ses armes que par le cran de son esprit, le frapper de son énergie morale qui les incrustait en impérissable formule : les « faut pas s’en faire !. » les « on les aura ! Fermé » et enfin messieurs, ces hommes se battaient pour un idéal, pour une cause sainte. Il savait que la défaite c’était l’anéantissement de notre chère France, de notre patrie bien aimé. Notre champagne, nos riches cités de l’est et du nord, nos côtes de la manche, nos colonies excités la convoitise du Teuton, qui voulait nous appauvrir à l’excès et nous mettre ainsi en véritable servage. Le droit au trajet n’a pas permis que la maxime bismarkienne « la force prime le droit » fut imposé à l’humanité et nos armées ont chassé de notre territoire les ordres allemandes en rendant à la mère patrie ces deux filles chéries, l’Alsace et la lorraine. La France, alors, remis au fourreau son épée victorieuse tout cela, mesdames et messieurs. C’est l’œuvre de ceux que nous exaltons aujourd’hui. Ils ont mérité non seulement de la patrie mais de l’humanité tout entière, car la France a moins de risques le monde amputé. Et si par malheur de nouveaux cataclysme se déchaînait sur notre pays, que chacun entend de la voix de ceux qui sont là, de ceux qui se sont sacrifiés, qui vous disent encore « ou les cœurs, nous sommes morts pour faire une France forte et respectée. Vous n’avez pas le droit de douter du grand rôle de pacification, civilisation qu’elle doit encore jouer dans le monde ! » serment, tout à l’heure, elle appelle de chacun de vos noms, il a été répondu « morts au champ d’honneur ». Oui vous êtes au champ d’honneur, mais vous êtes ici également. Nous vous voyons auréolé de gloire, ombre planant autour de ce monument élevé à votre mémoire. Nous vous voyons autour de notre vieux clocher, autour de la maison paternelle près de la vieille mère qui souvent peine et du vieux papa, près de la compagne aimée et de vos enfants adorés. Nous vous entendons : vous nous dites que l’avenir de notre France est toujours plus grand, plus haut et que ce n’est pas en vain que vous avez donné votre vie pour elle point nous vous écoutons pieusement et nous prenons l’engagement de ne jamais douter et de suivre la voie que vous nous avez tracé.
Le discours de M. Fettu terminé, M. Auger prend à son tour la parole :
C’est à la fois, dit-il, comme démobilisé et comme président de la société de tir l’« Avenir de Combres » que je prends la parole pour apporter à nos camarades tombés au champ d’honneur le salut fraternel de leurs anciens compagnons d’armes.
Lorsque la mobilisation nous a pris à nos familles et que nous sommes partis, sinon avec joie du moins avec la conviction que cette guerre qui nous était imposée serait de courte durée, nous ne pouvions pas nous douter au prix de quels sacrifices la victoire serait acquise.
Les batailles de Spincourt et Rembercourt, amenèrent les premiers deuils dans la commune ; la Champagne, Verdun, la Somme furent cruels pour nous. La liste déjà longue de tués et de disparus s’accrut encore durant les durs combats de 1918 et, lorsque sonna l’heure de la Victoire, 35 des enfants de la commune étaient frappés à mort.
Si vous avez été enlevés en pleine force à l’affection des vôtres, chers camarades, votre souvenir restera ineffaçable dans nos cœurs. Pour le symboliser, nous vous offrons deux palmes, l’une : « L’Avenir de Combres à ses morts », l’autre : « Les anciens combattants de la commune de Combres à leurs camarades tombés au champ d’honneur ».
Vous êtes morts bravement avec l’idée que cette guerre atroce devait être la dernière et que vos enfants ne connaîtraient jamais la misère que vous avez endurée. Puisse votre espoir être réalisé ; votre sacrifice n’aurait pas été vain.
Au nom de l’« Avenir de Combres », au nom de tous les camarades démobilisés, je vous adresse mon adieu ému.
M. Maurice Violette, président du Conseil général, succède à M. Augé. En termes magnifiques, il rend hommage aux glorieux sacrifiés et exalte les bienfaits de la paix.
Tout d’abord, il rappelle avec quelle émotion le camarade resté debout faisait, tout à l’heure, l’appel des disparus.
« Tant de vos enfants tombés au champ d’honneur, dit-il, tant de vos familles à jamais meurtries, à jamais désolées, en vérité, quelle sombre perspective et comme, aujourd’hui, il convient, au pied de ce monument, de se recueillir, de penser aux disparus et aux vivants aussi !
« L’artiste qui a dressé ce monument y a mis tout son cœur et toute son âme. Cette France qui est là, elle ne menace pas, elle ne darde pas les yeux vers un ennemi éternel. Certes, elle sert amoureusement un drapeau sur son cœur, mais ce n’est pas la Patrie menaçante, c’est la Patrie qui pleure, c’est la Patrie qui a les yeux baissés, c’est la Patrie qui ne se console pas du sacrifice qu’elle a réclamé.
« … Ah ! vous entendez dans le discours qu’il prononçait tout à l’heure, M. le Maire de Combres retraçait les événements des cinq années terribles. Il se rappelait l’heure tragique où la générale battait sur cette place, où cette église, vieille de cinq à six cents ans, se réveillait soudain pour sonner le tocsin qui appelait tous les hommes à prendre les armes.
« Il se rappelait tout cela est aussi le droit de menacé. Voyez-vous, si nous avons été victorieux de cette grande tourmente, c’est qu’au cœur de tout Français il y avait cette certitude que c’était le droit que nous défendions. Ah ! ils sont un certain nombre à railler le droit, ils sont un certain nombre à exalter la force ! La force, hélas ! comme c’est chose relative, comme cela dépend des combinaisons du hasard ! Celui qui est fort contre un est faible contre deux, celui qui est fort contre deux est faible contre douze. Mais celui qui a le droit en lui-même, il a une exaltation merveilleuse qui décuple ses forces et qui lui permet de lutter contre tous.
« Ils avaient, les volontaires de l’An II, le sentiment que le droit était avec eux, qu’ils créaient pour l’humanité nouvelle des lois qui allaient révolutionner le monde, et ils avaient, comme disait merveilleusement le poète : « les pieds sans souliers, l’âme sans éprouvante ». Nos soldats de 1914 les ont imités, parce qu’ils avaient le sentiment que la France menacée, c’était le droit qui était menacé.
« C’est le droit qui a vaincu en 1914 1918. Faisons en gloire à eux qui en ont été les merveilleux défenseurs ; faisons en gloire surtout à la France qui a su incarner de si nobles vertus ».
Et M. Violette, après avoir rendu un bel hommage aux valeureux disparus, termine ainsi :
« Vous tous qui êtes ici, je vous en conjure, n’oubliez pas l’hymne à la paix. Les hommes depuis des millénaires ont passé leur temps à préparer la guerre, et les guerres ont succédé aux guerres. Oh ! préparons la paix ! Que d’autres monuments ne s’élèvent pas à côté de ceux-là et que la France puisse désormais sourire aux générations futures et que les mères puissent en toute liberté sourire à leur enfant ! »
Des applaudissements unanimes salut la péroraison de ce beau discours.
La musique joue, puis, tour à tour, M. Mignot-Bozérian, député, et M. Villette-Gaté, sénateur, prennent la parole pour exalter l’héroïsme des défenseurs de 1914 et assurer de leur respectueux sentiment les familles en deuil.
Enfin, M. Maurice Maunoury, ministre de l’Intérieur, clôture la série des discours :
« Je suis profondément touché, dit-il, de l’accueil exagérément chaleureux qui m’a été fait par votre jolie commune et par votre maire, mon bon ami Fettu. Il me rendra cette justice ; dès qu’il s’est présenté à moi, au ministère, pour me demander de venir inaugurer ce monument, je n’ai pas hésité un instant pour accepter. »
M. Maunoury s’excuse de ne pas avoir pu s’entretenir avec ses électeurs de la commune depuis quatre ans qu’il les représente au Parlement.
« J’ai donc profité, ajoute-t-il, de la première occasion qui m’était offerte pour venir au milieu de vous, en songeant, hélas ! que cette occasion m’est fournie par une fête funèbre. J’ai accepté avec d’autant plus de joie que cette cérémonie est vraiment caractéristique du tempérament français. Nous ne sommes pas dans une grande ville et cependant nous voyons la population tout entière réunie autour d’un monument dû au talent du grand artiste qu’est M. Félix Charpentier.
« Votre commune, Messieurs, est une modeste agglomération rurale qui a envoyé sur les champs de bataille 120 mobilisés et qui en a perdu 35. C’est que, voyez-vous, la race paysanne a été celle qui a fourni le plus de sang et le plus de morts dans cette grande tourmente, animée qu’elle était par cette fois en quelque sorte instinctive dont vous parlait tout à l’heure votre maire. Instinctive, c’était vrai au début, mais maintenant que les jours sont passés, reconnaissons que cette foi s’appuyait sur de bonnes raisons. Voulez-vous que nous examinions le premier sentiment qui a frappé les démobilisés ? Jusqu’alors ceux-ci avaient été entourés de mauvais prophètes qui leur avaient dit que si la guerre éclatait la République était incapable de la supporter à moins de bataille décisive dans les six premiers jours. On leur avait dit encore à ces hommes que si, par extraordinaire, la République arrivait à gagner la guerre, elle y trouverait son tombeau parce que le général victorieux, tel un dictateur, la renverserait. Vous avez vu ce qu’il en a été de ces prédictions ».
M. Maunoury rappelle alors les premiers jours de la mobilisation, « réglée comme un mouvement d’horlogerie », et cite, à l’appui de ses déclarations, les impressions qu’il lui fut à même de recueillir dans son entourage, parmi ces soldats.
« Les mobilisés, quels qu’ils soient, poursuit-il, se voyaient entourés de l’ensemble de la population française et vous avez vu, après la guerre, les Foch, les Joffre, les Maunoury, les Pétain, rentrer dans le rang avec une modestie dont il faut savoir gré. »
Le ministre cite encore une anecdote à propos du l’héroïsme et de la ténacité de nos soldats. Une centaine de ses électeurs de la deuxième circonscription se trouvaient sous ses ordres. Or, pas un seul ne l’a approché pour solliciter une faveur quelconque.
« Quand on a des hommes comme cela, déclare-t-il, on peut en être fier.
« Tout le monde est d’accord, continue l’orateur, pour empêcher que pareille guerre ne recommence. Il est bien entendu que la France fera tout au monde pour y parvenir. Deux méthodes se présentent à elle : ou amener l’ennemi à raisonner, ou s’imposer par la force. Je ne plaide point mon dossier, ce n’est pas notre œuvre que je défends, mais vous reconnaîtrez que nous sommes allés à Londres, à San-Remo, à Spa faire des arrangements nouveaux et que, partout nous avons cédé dans l’espoir illusoire que l’ennemi comprendrait enfin. De concessions sur concessions n’ont pas empêché qu’il a continué à protester. Eh ! bien, quand on voit que la bonne volonté ne suffit pas, il faut se résigner à user de la rigueur. J’espère que nous parviendrons ainsi à éviter la guerre et je vous demande de nous aider à faire notre devoir comme ceux-ci l’ont fait. Je vous invite à crier avec moi du fond du cœur : « Vive la France ! »
Des applaudissements nourris se font entendre.
La cérémonie d’inauguration est terminée. Le cortège se reforme et se rend à la mairie ou un vin d’honneur est offert aux autorités, aux invités, aux démobilisés et aux familles en deuil.
M. Fettu prend une dernière fois la parole pour remercier M. Maunoury et pour boire à la santé de tous les assistants.
Peu après, les officiels prennent congé de leurs hôtes, tandis que la foule se disperse lentement dans les rues de la petite cité.
- Sources :
Archives départementales d’Eure-et-Loir :
PER 24 : L’indépendant d’Eure-et-Loir, numéros du mardi 23 octobre et du jeudi 25 octobre 1923.
Gallica :
Photographie des ministres, gouvernement Poincaré, 12 janvier 1922.
Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, EI-13 (853)
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b530696655
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- L’indépendant d’Eure-et-Loir, numéros du mardi 23 octobre et du jeudi 25 octobre 1923. ↩︎