Il n’y avait pas que les « grandes manœuvres »
L’instruction militaire à la caserne ou en camp a des lacunes. les hommes manœuvrent au maximum au niveau du régiment, souvent simplement au niveau du bataillon. A la guerre, il faut aussi penser en terme de brigade, de division, de corps d’armée et d’armée. Pour habituer les hommes à combattre au sein de ces unités, pour que les officiers sachent commander et obéir à l’intérieur de cette organisation très hiérarchisée, tous les ans le mois de septembre est marqué dans tout le pays par des manœuvres d’automne, aussi appelées « grandes manœuvres ».
- Les différents types de manœuvres
Les manœuvres d’automne ne sont pas les seules auxquelles peut participer un homme faisant son service militaire. Outre les grandes manœuvres, il a pu participer à des manœuvres de garnison.
– Les manœuvres de garnison sont organisées au niveau du régiment. D’une durée de deux à quatre jours, elles ont pour but de s’éloigner de la caserne et d’effectuer des exercices en terrains variés, de jour et de nuit, de cantonner et de s’exercer au service en campagne. Elles peuvent être l’occasion de réunir un régiment dont les bataillons se trouvent dans plusieurs casernes ou d’organiser des exercices combinant infanterie, artillerie et cavalerie de casernes proches. Elles peuvent se dérouler à n’importe quel moment de l’année. Il est même arrivé, en 1893 par exemple, qu’en raison de l’annulation de certaines manœuvres d’automne, on ait fait à la place des manœuvres de garnison.
– Les manœuvres d’automne, plus communément appelées grandes manœuvres, se déroulent en septembre, au niveau de chaque corps d’armée. Il n’y a donc pas une grande manœuvre mais des grandes manœuvres. Cependant, elles ne sont pas toutes à la même échelle : chaque corps d’armée fait avec les décisions du ministère de la guerre (une circulaire fixe tous les ans le type de manœuvre qui se déroulera dans chaque corps d’armée) et le budget alloué.
Un exemple de circulaire du ministère de la guerre : les manœuvres de 1905.
Manœuvre de brigade : réunit deux régiments ;
Manœuvre de division : réunit deux brigades (= quatre régiments) ;
Manœuvre de corps d’armée : réunit deux divisions (soit huit régiments) ;
Manœuvre d’armée : réunit au moins deux corps d’armée.
Ces dernières sont les plus prestigieuses. Elles portent un nom (nom de la région où elles se déroulent). Elles sont toujours précédées de manœuvres de brigade, de division et de corps d’armée avant quelques jours de manœuvres au niveau de l’armée. Ce sont les plus coûteuses car réunissant des dizaines de milliers d’hommes de plusieurs régions militaires, qu’il faut nourrir, loger et dont les dégâts liés aux manœuvres doivent être dédommagés.
Tableau des types de manœuvres par corps d’armée de 1889 à 1914. Cliquez sur l’image pour voir le tableau en gros plan.
– Il existe d’autres types de manœuvres qui ne seront pas exposés ici, juste nommés pour information : les manœuvres alpines (dans un cadre montagneux), les manœuvres de forteresse et, chaque année, des manœuvres de cavalerie. Elles sont fixées par la même circulaire du ministère de la guerre. Il est parfois fait mention des manœuvres du corps de santé.
Chaque manœuvre peut ensuite se dérouler de trois manières différentes :
– Manœuvres simples : aussi appelées « manœuvres avec adversaire figuré », appellation plus parlante. L’unité exécute marches et combats contre un adversaire fictif, figuré par des fanions. Souvent utilisées pour prendre en main l’unité avant d’autres manœuvres avec d’autres unités.
– Manœuvres à double action : deux unités se font face.
– Manœuvres combinées : les deux types de manœuvres (simple et à double action) s’enchaînent. Type de manœuvre privilégié dans la cavalerie.
Toutes ces combinaisons aboutissent à un ensemble de manœuvres bien plus complexe qu’on peut l’imaginer comme nous le montre l’exemple des manœuvres d’automne pour 1910 : localisation, calendrier, unité concernées et type de manœuvres d’automne en 1910.
- L’instruction des cadres
Une première mission des manœuvres est l’instruction des cadres. Il existe des manœuvres spécifiques pour les officiers, les manœuvres avec cadres. Sans troupes, les unités sont représentées par des officiers. Elles durent cinq jours et se déroulent en extérieur.
Les manœuvres d’automne permettent en effet de commander les troupes avec des effectifs plus proches des effectifs de guerre. Ainsi, une compagnie en temps de paix regroupe 80 hommes, de 150 à 180 (avec demande au ministre pour des effectifs supérieurs) pendant les manœuvres, 250 à la mobilisation.
Outre la manœuvre des compagnies, bataillons ou du régiment comme cela peut se faire en dehors des manœuvres d’automne, cette période est l’occasion pour les officiers supérieurs de faire évoluer brigades, divisions, corps d’armée voire armée. C’est le seul moment où ces unités sont regroupées.
C’est aussi l’un des rares moments où des unités des trois armes (infanterie, artillerie, cavalerie, mais aussi génie, services…) peuvent manœuvrer ensemble.
Tout est fait pour que les officiers puissent tirer le plus de leçons des évolutions des troupes, à tous les niveaux. Un moment est d’ailleurs consacré à ce retour d’expérience : la critique.
- L’instruction des hommes de l’armée d’active
Pour les hommes de l’armée d’active, en cours de service militaire, les manœuvres sont un aboutissement comme l’indique la règlement : « … le couronnement de la période annuelle d’instruction… ».
Chaque année passée à la caserne se termine par des manœuvres d’automne. Les hommes sont incorporés en octobre, juste après le départ de la classe la plus ancienne et ce départ se déroule toujours juste après la fin des manœuvres.
Les manœuvres d’automne sont précédées par des manœuvres de garnison qui peuvent aider à l’intégration des réservistes.
La participation aux manœuvres n’est jamais notée dans la fiche matricule. Cependant, il est possible de la déduire sans trop de risque de se tromper : ainsi, dans l’exemple ci-dessous, la recrue a participé, selon toute vraisemblance, à trois manœuvres d’automne : celle de 1898, celle de 1899 et celle de 1900. Reste à déterminer à quel niveau se sont tenues ces manœuvres.
- L’instruction des réservistes
Pour les réservistes, les manœuvres d’automne sont, à peine trois ans après leur libération, l’occasion de retrouver la vie militaire. Ce ne sont que les hommes devant faire leur première période d’exercices qui peuvent être appelés pour ces manœuvres. Voici comment le déterminer grâce à la fiche matricule. Voici deux exemples : en 1900, le 104e RI participe aux manœuvres d’automne en Beauce.
Le premier homme n’a pas participé aux manœuvres d’automne puisqu’appelé pour une période d’exercices juste avant. Par contre, le second y a bien participé. Une fois que l’on a trouvé les dates des manœuvres, il est facile, munis de la fiche matricule, de trouver si un homme y a participé.
- La suite de la recherche :
Les manœuvres d’automne ou grandes manœuvres.
- Sources :
Journal militaire n° 126, Instruction générale du 18 février 1895 sur les manœuvres, Librairie militaire L. Baudouin, 1895, page 629. Accès direct à la partie sur les manœuvres de garnison, sur Gallica.
Journal militaire n° 126, Instruction générale du 18 février 1895 sur les manœuvres, Librairie militaire L. Baudouin, 1895, page 629. Accès direct à la partie sur les manœuvres d’automne, sur Gallica.
Journal militaire n° 126, Instruction générale du 18 février 1895 sur les manœuvres, Librairie militaire L. Baudouin, 1895, page 629. Accès direct à la partie sur les manœuvres avec cadres, sur Gallica.