Le 1er août 1914, le gouvernement français décrète la mobilisation générale (1). Comment plus de 2,7 millions de réservistes se sont-ils retrouvés sous l’uniforme en quelques jours et opérationnels en deux à trois semaines ?
- L’annonce de la mobilisation
Les églises ont sonné le tocsin, le tambour a été joué pour l’annoncer dans certains villages, mais c’est l’affiche qui donnait un caractère officiel à la proclamation de la mobilisation générale.
En l’observant, seules deux informations principales apparaissent :
– l’annonce de la mobilisation générale. Il n’est d’ailleurs pas question de guerre, juste de mobilisation. La guerre ne sera déclarée par l’Allemagne que le 3 août.
– la date du premier jour de la mobilisation : le dimanche 2 août 1914.
Comment la lecture de cette affiche, bien peu détaillée, permettait-elle aux réservistes de savoir quoi faire ?
- En route pour la caserne
Chaque homme possédait – et gardait précieusement – son livret militaire. A l’intérieur se trouvait le fascicule de mobilisation. C’est grâce à ce document de 4 pages que chaque homme savait exactement quoi faire une fois la mobilisation décrétée.
Ce fascicule de mobilisation est hélas souvent absent des livrets militaires parvenus jusqu’à aujourd’hui et quand ils sont présents, dans la majorité des cas il s’agit d’un livret placé après-guerre..
Voici un exemplaire de ce document et ce qu’il nous apprend effectivement.
Comme l’indique le document, il n’y avait pas de convocation individuelle. Une fois l’affichage de la mobilisation réalisé, grâce à son fascicule de mobilisation, cet homme savait ce qu’il devait faire : être à la caserne Cavaignac au Mans dès le 2e jour de la mobilisation, donc le 2 août, et ce avant 10 heures du matin. Sa résidence étant proche du Mans, pas question de prendre le train. Par contre, le cas était prévu : en cas de voyage ou si le réserviste habitait trop loin, le transport en train était organisé et gratuit. Il existait en fait 5 modèles de fascicules de mobilisation :
Au final, ce système avait l’avantage d’organiser la mobilisation de manière simple, sans que tous les hommes n’arrivent en même temps ou qu’ils ne sachent pas quoi faire. On leur indiquait également d’apporter de quoi se nourrir un certain nombre de jour (un seul dans l’exemple ci-dessus).
Ne vous étonnez donc pas si votre soldat n’a pas été appelé à la caserne dès le 2 août, malgré la présence de la mention de décret de mobilisation générale du 1er août 1914. Certains n’ont été appelés qu’en septembre, voire en 1915, et portent malgré tout l’indication du décret.
Ces informations étaient massivement relayées par affiches et dans la presse.
- La mention du décret de mobilisation dans la fiche matricule
Dans la fiche matricule des soldats réservistes (de la classe 1887 à la classe 1910) qui ont été mobilisés la mention « Rappelé à l’activité. Décret de mobilisation générale du 1er août 1914 » figure systématiquement. Il existe des variantes dans le texte noté et dans la manière de le noter :
Sous la forme d’un tampon :
Sous une forme manuscrite, plus ou moins abrégée :
Elle indique que ces deux hommes, de réservistes, sont devenus militaires en activité et c’est le décret du 1er août qui rend ce passage légal. Faut-il encore que les hommes en soient informés.
Dans de rares cas, que l’on trouve surtout dans les classes les plus anciennes, l’homme a pu ne pas être appelé comme ce fut le cas pour la personne ci-dessous :
Si la personne sur laquelle vous faites des recherches n’a pas été appelée après, son parcours de combattant est terminé : bien que mobilisable (dans l’exemple donné, jusqu’à la fin novembre 1918), il est resté chez lui pendant toute la guerre.
- Des mentions plus étonnantes
Pour les hommes des classes 1911, 1912 et 1913, alors au service militaire, on peut trouver des mentions inhabituelles dans la fiche matricule.
Des hommes partis avant la mobilisation. Erreur du secrétaire du bureau de recrutement ? Des bureaux de recrutements plutôt car on ne trouve pas ces mentions qu’au Havre. Non, elles ne sont pas fausses : elles font référence à l’avant mobilisation. Le 30 juillet 1914, certaines unités reçoivent l’ordre de faire des exercices de protection de la frontière puis le 31 en fin de journée, les troupes aux frontières reçoivent l’ordre de partir en couverture. Il s’agit d’empêcher une attaque surprise allemande. C’est dans ce cadre que se situent ces mentions : ces hommes appartenaient aux régiments chargés de cette mission avant toute mobilisation.
Les dates posent réellement problème car elles ne correspondent pas à la date indiquée dans les JMO pour le départ du régiment, le 30 juillet dans les deux cas. Aucune explication cohérente n’a été trouvée pour l’instant.
Autre problème : pourquoi certains hommes ont-ils le droit à cette précision qui reste absente de la majorité des fiches matricules des soldats concernés ? En effet, la majorité des fiches matricules pour les unités de couverture lues pour l’instant ne comporte pas cette mention de « parti en couverture » ou de « Entré en campagne le 1er août ». QUi plus est, il existe une grande variabilité d’un bureau de recrutement à l’autre.
L’autre mention qui pourrait aider à savoir si un homme appartenait à ces troupes de couverture indique immuablement que le début de campagne est le 2 août 1914, y compris pour les hommes les deux derniers exemples ci-dessus :
Il s’agit simplement du respect de la date officielle du début des hostilités que l’on trouve par exemple dans la loi relative aux militaires, marins et civils disparus pendant la durée des hostilités du 25 juin 1919.
Sauf que le « immuable » ne l’est pas systématiquement ! On trouve quelques rares cas où la date de début de campagne est le 31 juillet 1914 !
Pour ajouter à la difficulté, si l’on prend un groupe d’hommes d’un même régiment parti le 31 juillet en couverture, tous n’auront pas cette indication de départ en couverture ni la même date d’entrée en campagne dans un même registre matricule d’un bureau de recrutement. Cette diversité, en l’absence d’informations pour l’expliquer, ne laisse pas de s’interroger : est-ce le fait du secrétaire qui a complété la fiche matricule ? Existe-t-il seulement une consigne particulière ou une raison particulière ? Ces questions restent donc posées.
La suite de la recherche :
Vous venez de voir comment s’organisa la mobilisation des réservistes. Mais comment cela se passa-t-il pour les 880000 hommes de l’armée d’active qui étaient sous les drapeaux le 1er août 1914 ? Voir la page à ce sujet.
Et pour les hommes qui étaient réformés, exemptés, dans le service auxiliaire avant-guerre ? Ont-ils échappé à la mobilisation ? Voir la page à ce sujet.
Sinon, la suite de la recherche va vous conduire à l’affectation de votre soldat. Voir la page à ce sujet.
- Pour approfondir le sujet abordé par cette page :
Pour en savoir plus sur les jours qui ont précédé le 2 août 1914. Article ici.
Une source : les archives municipales. L’annonce de la mobilisation le 1er août 1914 à Gréoux-les-Bains.
Remerciements :
À Valérie Q. pour son aide qui a permis la réalisation de la partie sur les indications sur les fiches matricules antérieures au 2 août 1914.
Témoignages :
– Carnet de campagne de Paul le Rebourg 336e R.I. . Mis à la disposition par le site Pages 14-18, ce témoignage raconte ces jours d’août 1914 vus par un homme qui part. Entre enthousiasme et inquiétudes.
- Documents :
– Texte intégral du décret de mobilisation générale du 1er août 1914.
– L’image de l’affiche de la mobilisation générale en grand format sur Wikipédia.
– L’image du télégramme officiel qui annonçait la mobilisation générale (AD des Landes).
– MINGAT H. : Des Obligations militaires imposées aux hommes des réserves en temps de paix et en cas de mobilisation, éditions H. Charles-Lavauzelle, Paris, 1914, 54 pages. Accès direct sur Gallica.
Décret : acte exécutoire, ici à portée générale, pris par le Président de la République. Pendant la IIIe République, seul le chef de l’Etat a le pouvoir de prendre un décret. Voir le texte intégral du décret du 1er août 1914.
Mobilisation : appel les hommes pour qu’ils soient regroupés, préparés et envoyés à la guerre.