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Circulaire relative à la réception des recrues

Cabinet du Ministre; Bureau de la Correspondance générale.

N° 168.

Circulaire relative à la réception des recrues. [B. 0., p. r., p. 1454.]

Paris, le 28 septembre 1905.

Au moment de l’arrivée sous les drapeaux de la nouvelle classe, il m’a paru nécessaire de rappeler aux cadres et de préciser l’esprit dans lequel il convient de procéder à la réception des jeunes soldats.

Je vous prie, en conséquence, de veiller à l’observation des principes contenus dans la présente circulaire, qui devra faire l’objet d’instructions aux officiers et aux gradés dans tous les corps de troupe.

Les débuts de la vie militaire produisent, sur le jeune soldat, une impression profonde, susceptible d’influer de façon décisive sur sa manière de servir ; on s’efforcera donc de rendre ces débuts aussi faciles que possible et de dissiper chez l’homme de recrue, dès son arrivée, toute crainte et toute prévention, par le bienveillant accueil des chefs et les marques de sympathie des camarades plus anciens.

Les chefs de corps et les commandants d’unité s’ingénieront, tout d’abord, à donner à la réception du nouveau contingent, le caractère d’une véritable fête de famille.

C’est ainsi que, dans certains régiments, on a déjà pris l’habitude d’envoyer la musique au-devant du groupe de recrues le plus important, d’améliorer dans les compagnies, escadrons ou batteries, le repas du soir et de terminer la journée par une soirée de bienvenue.

Ces efforts sont à encourager et ces dispositions méritent d’être généralisées.

Avant l’arrivée des recrues, chaque capitaine rappellera à ses gradés les prescriptions des circulaires des 4 septembre 1888 et 14 juin 1899, interdisant formellement toutes brimades ou vexations à l’égard des jeunes soldats. Ces pratiques inadmissibles dans une armée nationale, seraient, le cas échéant, réprimées avec la plus grande sévérité. Les officiers de peloton avertiront les anciens soldats qu’il leur est interdit d’exiger ou même d’accepter une rémunération quelconque pour les petits services qu’ils sont à même de rendre à leurs jeunes camarades, vis-à-vis desquels ils doivent se comporter comme des frères aînés.

Le capitaine présentera personnellement les recrues aux anciens soldats et profitera de cette circonstance pour tracer aux uns et aux autres leurs devoirs réciproques. D’ailleurs, tout le cadre présent de l’unité concourra effectivement à la réception du groupe qui lui est affecté. Aucun chef de fraction ne doit, en principe, déléguer le soin de surveiller les diverses opérations consécutives à l’incorporation, car il est essentiel que les jeunes soldats, au cours de ces travaux, apprennent à connaître leurs supérieurs de tous grades et constatent qu’ils sont traités par eux non seulement sans aucune brusquerie, mais encore avec douceur.

L’officier de peloton profitera de ce moment pour entrer en contact avec ses hommes. Il les interrogera individuellement sur leur nom, leur profession, leur pays d’origine, leur famille, leur instruction, leurs aptitudes, etc.

S’il constate quelque appréhension chez l’un d’entre eux, il s’empressera de le rassurer amicalement. En un mot, dès la première heure, l’officier s’efforcera de mettre le jeune soldat en confiance, et de lui faire sentir qu’il rencontrera auprès de ses chefs bienveillance et protection.

J’attire, d’une façon toute spéciale, l’attention des chefs de corps et des médecins sur les mesures à prévoir pour l’hygiène des casernements, l’eau de boisson, etc.

Je rappelle également, à tous les cadres sans exception, les dispositions de la circulaire du 4 mars 1903 sur les précautions à prendre pour sauvegarder la santé des hommes. La première période d’instruction, malgré la progression rationnelle des exercices, impose à la plupart des jeunes soldats une dépense de forces considérable, capable d’affaiblir sérieusement leur organisme,si elle n’est combattue par un complément de nourriture.

Le capitaine relèvera donc la ration de viande ; il augmentera, s’il le faut, celle du pain pour les hommes auxquels la ration réglementaire ne suffirait pas (1).

Il importe, en effet, que l’homme mange à son appétit si l’on veut exiger de lui un travail d’entraînement régulier. Enfin, les distributions de vin seront aussi fréquentes que le permettront les ressources de l’ordinaire.

En résumé, les commandants d’unité n’hésiteront pas à utiliser une partie de leurs bonis, dans cette période de suralimentation nécessaire.

C’est dans cet ordre d’idées qu’à tous les degrés de la hiérarchie, on devra faire acte d’initiative pour rendre moins sensible la transition de la vie de famille à l’existence du régiment et faciliter, au point de vue moral et matériel, les débuts, dans la vie militaire, de nos jeunes soldats.

MAURICE BERTEAUX.

(1) Les rations supplémentaires, ainsi perçues, seront d’ailleurs compensées par les économies réalisées d’autre part.

Source : Journal militaire, année 1905, 2e semestre, Paris, Librairie militaire R. Chapelot, pages 429 à 431.
Accès direct dans Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5409330x/f438.item


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