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Au détour des JMO 04 – Au 9e bataillon en 1915

Le 9e bataillon d’un régiment est un sujet peu traité car il n’apparaît pas clairement le plus souvent dans la fiche matricule des hommes bien qu’ils y soient passés massivement. Les témoignages ne sont pas nombreux. Il existe des mentions dans les JMO mais aussi des JMO de quelques 9e bataillons. Pour réaliser cette recherche, je me suis d’abord appuyé sur le JMO du 9e bataillon du 46e RI1. Incomplet chronologiquement (il s’arrête en octobre 1915), la période couverte est toutefois bien détaillée, plus en tout cas que la majorité des JMO de 9e bataillon feuilleté.

Il ne sera nulle part évoqué l’instruction des chasseurs, les JMO étant feuilletés muets à ce sujet. Par contre, je ne peux que vous inviter à lire la correspondance du chasseur mis en ligne par Jean-Claude Poncet sur son blog.

Grâce aux JMO, il est possible, sans apport extérieur, de comprendre le fonctionnement des renforts envoyés au front. Cette organisation avec les 9e bataillons est mise en place en avril 1915 avant d’être modifiée en décembre 1915.

  • L’organisation d’un 9e bataillon en avril 1915

Pour comprendre cette organisation, je laisse la parole au rédacteur du JMO du 9e bataillon du 46e RI. Tout est dit, donc pas de paraphrase inutile.

Par ordre du Ministre, il doit être créé dans chaque région, sous le titre de Dépôt de passage, un bataillon.
L’instruction des hommes qui le compose devra être perfectionnée en vue des opérations futures. Le Bataillon devra être rapproché du front.
Le Général commandant la 5ème Région prescrit la constitution suivante de ce Bataillon. Le 46e fournira deux compagnies, le 89e une compagnie, le 168e une compagnie. Les compagnies à l’effectif de guerre prescrit sont constituées dans chacun des dépôts.

Concentration du Bataillon :
Les compagnies du 89e et du 168e quittent Sens par train spécial le 24 avril 1915 à 7h14 du matin ; elles arrivent le même jour à 10h30.
Les compagnies du 46e Régiment d’infanterie quittent Fontainebleau le 24 avril vers 7 heures du matin et arrivent le même jour, vers 9 heures à Bourron.

Composition du bataillon :
Un chef de Bataillon
Un médecin aide major
Un sergent secrétaire
Un secrétaire
Un cycliste
Un boucher

1ère compagnie [numérotée 33]
1 sous-lieutenant
1 sergent-major
1 sergent-fourrier
8 sergents
1 caporal-fourrier
17 caporaux
224 soldats

2e Compagnie du Bataillon [numérotée 34]
3e Compagnie du Bataillon [numérotée 35]
4e Compagnie du Bataillon [numérotée 36]

25 avril
Le Bataillon est constitué à la date du 25 avril. Un procès verbal de création est soumis à la signature du Sous-Intendant.
Le Bataillon portera le n° 9. Les compagnies seront 33, 34, 35 et 36 correspondant aux 1ere, 2e, 3e et 4e anciennes.
Le bataillon est rattaché au 46e Régiment d’infanterie.
(…)
5 mai :
Par note de service n° 7598 de la Division, le bataillon de dépôt du 46e Régiment d’infanterie sera rattaché au point de vue de l’administration, de l’instruction et de la discipline au 246e Régiment.

Théoriquement, il existe donc au moins un 9e bataillon par région militaire et non un bataillon par régiment. Ainsi, comme nous allons le voir, le 9e bataillon du 46e RI ne reçoit ses renforts que de la 5e région militaire.

De même, le 9e bataillon ne sera pas obligatoirement affecté à des unités appartenant à sa région militaire.

  • Le fonctionnement du 9e bataillon en avril 1915

Avant d’en faire une petite synthèse, je vous propose quelques notes extraites du JMO qui illustrent bien le fonctionnement de l’unité.

22 mai 1915 :
Arrivée d’un renfort du 289 : 3 officiers, 4 sous-officiers et 94 soldats.
Arrivée d’un renfort du 204 : 1 officier, 3 sous-officiers, 3 caporaux, 3 élèves caporaux, 64 soldats (89 active, 5 territoriaux)

24 mai :
Départ d’un renfort pour le 282e : 4 sergents, 4 caporaux, 200 hommes (50 par compagnies du 9e bataillon).
Départ d’un renfort pour le 204e : 2 sergents, 2 caporaux, 100 hommes (25 par compagnies du 9e bataillon).
Arrivée d’un renfort du 82e RI : 4 aspirants, 7 sergents, 1 caporal fourrier, 20 caporaux, 358 soldats (152 active, 216 territoriaux), 22 spécialistes.

25 mai :
Départ de 3 officiers pour le dépôt de Montargis.
Départ d’un renfort pour le 289e : 1 officier, 2 sergents, 2 caporaux, 100 soldats.
Départ des 22 spécialistes pour le 282e.

26 mai :
Arrivée d’un renfort du 4e RI : 1 officier, 2 sergents, 4 caporaux, 43 hommes.
(…)
Arrivée de renforts de Montargis, 82e : 2 aspirants, 8 sergents, 21 caporaux, 368 hommes (179 active et réserve, 189 territoriaux).

30 mai :
Arrivée d’un renfort du 46e : 2 officiers, 11 sergents, 14 caporaux, 283 hommes (135 active et réserve, 148 territoriaux).

5 juin :
Arrivée d’un renfort du 31e : 3 sous-officiers, 3 caporaux et 243 territoriaux.

6 juin :
Départ d’un renfort pour le 282e : 9 sergents et 450 hommes (245 active et réserve, 205 territoriaux), 10 caporaux, 1 caporal mitrailleur, 12 mitrailleurs, 1 caporal téléphoniste.
Départ d’un renfort pour le 289e : 4 sergents, 4 caporaux, 150 soldats (80 active et réserve, 70 territoriaux).
Arrivée d’un renfort du 46e : 5 sergents, 10 caporaux, 100 soldats (67 territoriaux, 33 active et réserve), 9 soldats téléphonistes (avec un sergent et un caporal).

7 juin :
Arrivée d’un renfort du 168e : 4 sergents, 8 caporaux, 122 soldats (pas de territoriaux).
Arrivée d’un renfort du 76e : 2 aspirants, 4 sergents, 6 caporaux, 122 soldats (70 active et réserve, 52 territoriaux).
Départ d’un renfort pour le 276e : 2 aspirants, 5 sergents, 6 caporaux, 251 hommes (135 active et réserve, 115 territoriaux).
Départ d’un renfort pour le 246e : 2 sergents, 2 caporaux, 100 soldats (50 active et réserve, 50 territoriaux) dont 13 spécialistes.

L’organisation des arrivées et des départs semble bien compliquée à comprendre… à première vue. Les numéros de régiments sont multiples. Mais un relevé complet permet d’en comprendre le fonctionnement théorique.

Les dépôts envoient des renforts au 9e bataillon qui les centralise pour la division : jeunes appelés venant de finir leurs classes, blessés soignés revenant du dépôt (souvent surnommés « les éclopés » dans les JMO) ou d’un GBD ou d’une SIM sans passage par le dépôt (surnommés alors les « récupérés » dans le JMO du 81e RI2 ), soldats reconnus « apte au service armé » alors qu’ils étaient exemptés, réformés, ou dans des fonctions « d’embusqués ». Le 9e bataillon perfectionne leur entraînement et envoie ensuite les renforts à qui en a besoin. Tous les renforts pour le 9e bataillon du 46e RI proviennent de casernes de la 5e région militaire.

Le 9e bataillon est attaché à une division : un extrait de la vue 29 du JMO de la 55e DI3 montre que le 9e bataillon le suit :

Les commandants de régiment ou le commandant de division piochent dans cette réserve, suivant des modalités inconnues. Le JMO mentionne le 25 mai les « prescriptions de la lettre n° 194/5 en date du 23 mai du lieutenant-colonel Regnier » pour justifier l’envoi d’un renfort au 289e RI. Cette procédure par note de service est indiquée plusieurs fois, pour les départs comme pour les arrivées, fin mai 1915.

Le bataillon fournit les renforts aux régiments de cette division, parfois aux brigades ou à la division elle-même ou à une compagnie du génie, mais de manière plus anecdotique dans ces derniers.

En regardant cet organigramme et la carte qui en découle, tout paraît simple :

Les officiers pouvaient être affectés dans des unités différentes de celles de la 55e DI. Mais je n’ai pas trouvé les règles à ce sujet.

De même, ce cas n’a pas été sélectionné pour sa simplicité, même s’il permet de comprendre facilement le mécanisme. Il a été choisi pour la richesse de son JMO. Toutes les divisions ne devaient pas avoir de recrutement aussi uniforme (ici, toutes les unités viennent d’une même région militaire).

Pour compliquer les choses, certains 9e bataillon semblent avoir été plus ou moins spécialisés dès cette époque (entraînement des nouvelles classes par exemple) dans un cadre d’un groupement de 9e bataillon, d’autres étaient plus ou moins fixes, d’autres étaient attachés à un corps d’armée.

Le 9e bataillon du 141e semble avoir moins formé des recrues que fourni de la main d’œuvre et des renforts. C’est une différence nette avec le 9e bataillon du 46e qui semble avoir plus insisté sur la formation des troupes… en tout cas c’est l’impression que donne son JMO (le mot impression est important dans cette phrase).

Cela donne la situation suivante, différente du cas du 46e RI :

Quel était le lien entre le 9e bataillon du 46e RI et le 46e RI ?

Le lien avec le 46e doit être compris de la manière suivante : pour simplifier, un régiment était décomposé en trois unités :

– un régiment d’active, portant le numéro 46 ici ;
– un régiment de réserve, portant le numéro du régiment + 200, soit 246 dans notre exemple ;
– un régiment de territoriaux (hors de notre investigation).

Ce bataillon est rattaché au 46e car c’est le dépôt du 46e qui gère administrativement le 46e, le 246e et le RIT. Il est d’ailleurs probable que l’encadrement du 9e bataillon ait été initialement fourni par le dépôt du 46e RI.

Mais qu’en est-il pour les renforts du 46e RI en lui-même ? Il n’était pas dans le secteur de la 55e DI. Il obtenait donc ses renforts par un autre 9e bataillon, celui du 31e RI.

Ce 9e bataillon du 31 dépendait de la 10e DI (celle des 31e, 46e, 76e et 89e RI, ça vous rappelle quelque chose ?). Mais le cas est plus compliqué, avec des échanges de recrues avec le 9e bataillon du 113e et celui du 25e RI dès le printemps 1915… et il ne donne pas d’autres informations sur la provenance de ses renforts (seules des mentions de renforts du dépôt du 31e sont régulièrement notées). Et cela se complique quand on voit des renforts envoyés au 173e RI (900 hommes), au 342e… De nouvelles questions, d’autant plus que ce 9e bataillon du 31e reçoit des arrivages de recrues de la classe 17 exclusivement en parallèle. Et pas de JMO de 9e bataillon au 173e par exemple, et un JMO du régiment bien vide… Tout cela pour en arriver à la conclusion que l’exemple donné avec le 46e est très simple mais qu’une étude plus approfondie montrerait que ce qui en a été déduit ne fut pas obligatoirement la règle pour tous les 9e bataillons.

  • Quelles étaient les activités au 9e bataillon ?

Le JMO du 31e RI et du 81e RI4 sont des compléments utiles à celui du 46e pour comprendre en quoi consistait une journée au 9e bataillon.

Des marches avec équipement, du tir, des manœuvres et tout ce qui touche au quotidien de la vie de militaire : « travaux de nettoyage du cantonnement » (16 mai), « théories » (19 mai), « exercices par compagnies » (20 mai), « exercices à l’extérieur » (21 mai). Voilà les principales mentions pour le 46e.

Le 23 juin 1915, le bataillon du 81 envoie un détachement pour transférer 34 prisonniers, le bataillon fait plusieurs revues devant des hauts gradés (Maud’huy le 11 juillet 1915), le président de la République le 9 août 1915, le ministre de la guerre le 30 août suivant.

Le bataillon a aussi des missions moins habituelles :

« 3 août 1915 : le bataillon a la triste mission de fusiller 2 soldats condamnés à mort par le conseil de guerre ».

« 7 septembre 1915 : le bataillon prend les armes et fournit le piquet pour l’exécution d’une condamnation à mort par le conseil de guerre de la 66e division ».

Un groupe de travailleurs agricoles (145 hommes) part à Lure et Vesoul pour des travaux agricoles du 18 juin au 21 juillet 1917.

Quelques compléments, qui proviennent du JMO du 9e bataillon du 141e :
– les 9e bataillons sont des « Dépôts de passage ». C’est on ne peut plus clair ;
– des détails sur les théories sont donnés : le 4 mai 1915, théories sur la façon de placer livret individuel et plaque d’identité, paquet et pansement, lecture du code militaire, exercice d’embarquement et de débarquement en chemin de fer, sur les vivres de chemin de fer, de réserve… avant le départ de Marseille.
– une fois au front, la liste des missions confiées aux hommes du 9e bataillon s’allonge : relever les corps, ramasser armes et munitions sur les lieux d’un combat, piquet pour la remise de décoration, travaux du génie, « placer sur le perron du château le butin pris à l’ennemi : canon revolver, lances bombes, etc… »

Point commun de tous les JMO de 9e bataillons feuilletés, outre les exercices militaires et autres entraînements, est le détachement de tout ou parties du bataillon pour exécuter des travaux pour le compte d’un régiment, d’une division ou d’un corps d’armée.

Pour le 9e du 46e, le 9 août marque le départ d’une compagnie pour 6 jours (avant remplacement par une autre compagnie) pour Camblain l’Abbé. Il s’agit de faire des travaux pour le génie de la 55e DI. Travaux non sans danger : le 31 août, le soldat Perreaux François meurt des suites de blessures par éclats d’obus reçues pendant les travaux (non trouvé dans MDH), suivi de Pégon Stéphane (non trouvé dans MDH) mais dont la nature du décès le 1er septembre n’est pas précisé (on parle d’accident ensuite). Tous travaillaient sur le plateau 119. Le 7 septembre, les travaux font encore quatre victimes : Charles Goutorbe, Pierre Lemoine, Léon Douche (fiche MDH non trouvée), Léon Denois.

Carte des lieux :

Ce dernier cas nous permet d’aborder un autre point sur ces bataillons.

  • Quelle était l’unité des hommes affectés à un 9e bataillon ?

A priori, les hommes qui intégraient le 9e bataillon du 46e RI étaient considérés comme étant du 46e RI. j’en veux pour preuve la fiche MDH de trois des hommes tués pendant des travaux alors qu’ils étaient affectés au 9e bataillon du 46e : les soldats Lemoine, Goutorbe et Denois sont bien notés comme étant du 46e RI à leur décès.

Ce qui s’est passé au 46e semble confirmé par celui du 141e5. En mai/juin, ce bataillon mène des travaux dans des tranchées en première ligne. Le résultat ne se fait pas attendre, plusieurs victimes sont à déplorer au retour des travaux : Léon Gaydon, Charles Biaggi, Gabriel Girard, Pierre Graule et d’autres qui n’ont été que blessés ou dont la fiche MDH est restée introuvable. Tous sont notés comme étant affectés au 141e ; la compagnie est même précisée pour l’un d’entre eux.

Mais cela ne semble pas avoir toujours été aussi simple : voici le cas de Louis Julliard du 9e bataillon du 31e RI.

Venu du 113e régiment d’infanterie, inscrit comme appartenant au 31 RI, mais rayé et inscrit au 25e RI…

Je ne vais pas tirer de conclusion de ces quelques fiches car les situations semblent à nouveau avoir été diverses ! D’autant plus que le JMO du 9e bataillon du 48e RI (encore un autre régiment) indique que des soldats venus de divers 9e bataillon sont renvoyés vers les dépôts de leurs régiments respectifs.

  • L’organisation de l’instruction des troupes à partir de décembre 1915

Tout ce qui va suivre provient de l’étude de l’année 1915-1916 dans 2 JMO de la Ve Armée : celui de l’état-major  des bataillons d’instruction6 et celui des bataillons d’instruction, centre n° 17 (7).

Le 22 novembre 1915 est mis en place un centre d’instruction à la Ve Armée (il existait un embryon de centre avec trois bataillons auparavant) composé du 11 bataillons, puis rapidement 14. L’objectif est clairement d’instruire la classe 1916 (c’est même le nom donné à ces bataillons : « Bataillons d’instruction de la classe 1916 »). Dès le premier décembre, deux centres d’instructions sont formés, chacun regroupant 7 bataillons dans un même secteur géographique (voir carte infra). Les bataillons arrivent sur zone dans la première quinzaine de décembre 1915.

Cela donne l’organisation suivante :

Cette répartition des troupes (comme celle visible sur la carte) n’est valable que pour les premiers mois de fonctionnement. Ensuite, les localisations vont changer et certains bataillons vont être affecté à d’autre centres d’instruction, et inversement.

  • L’instruction des troupes :

Je ne rentre pas dans le détail des dates d’arrivée des recrues de la classe 1916. Ce sujet pourrait faire l’objet d’une étude à elle seule, une fois encore on a déjà vu la variété des situations sur le sujet sur le forum.

La formations des troupes est complétée dans les 9e bataillons après leur passage en caserne. Elle est toutefois plus poussée car il est mentionné la possibilité de suivre des enseignements complémentaires : signaleurs, mitrailleurs, équitation pour officiers et sous-officiers, cours d’instruction et de perfectionnement des chefs de section, grenadiers sont mentionnés en 1916.

Des « bataillons de marche de travailleurs » sont mis en place de manière régulière afin de fournir à différents corps d’armée 4 compagnies de travailleurs utilisées souvent pour aménager les positions de 2e et 3e ligne.

  • Provenance des troupes et destinations :

Le lecture des JMO est à la fois instructive et décourageante : les listes d’arrivées et de départs semblent une fois encore ne répondre à aucune logique. Voici la liste des régiments d’où viennent les recrues à instruire pour la période mars, avril, mai 1916 :

1, 5, 6, 19, 21, 24, 28, 33, 34, 36, 37, 39, 49, 50, 68, 74, 78, 84, 90, 100, 107, 108, 109, 123, 126, 138, 144, 149, 152, 156, 162, 165, 168, 170.

Dans le même temps, voici les régiments de destination des renforts au départ des 9e bataillons :

1, 43, 53, 54, 67, 74, 78, 104, 108, 127, 131, 132, 143, 162, 201, 208, 233, 259, 276, 317.

En ce qui concerne la provenance, en séparant les renforts de chaque régiment on arrive à clarifier un peu les choses : chaque régiment reçoit des renforts d’une région militaire. Ainsi, le 74e RI pour lequel on dispose d’informations précises (ce qui n’est hélas pas le cas pour le 46e) reçoit la quasi-totalité de ses renforts de la 3e région militaire. C’est là qu’est le dépôt du 74e RI d’ailleurs. La règle pourrait être que la région militaire envoie des renforts à un régiment qui en vient. Ce n’est hélas pas toujours le cas. Ainsi les quelques informations sur le 46e permettent de constater que ses renforts ne viennent plus des mêmes dépôts (à l’exception du dépôt du 46e). Ils sont prélevés dans la 12e région militaire et non plus dans la 5e comme entre avril et novembre 1915, mais aussi de dépôts déplacés suite à l’occupation d’une partie du territoire français.

Pour la classe 1917, deux changements sont à noter :

– les nouvelles classes arrivent par compagnies entières depuis la caserne.

– les nouvelles recrues d’un régiment sont affectés au 9e bataillon de ce régiment. C’est plus net que pour les classes 1915 et 1916. Cependant, ce point est à approfondir et à vérifier de manière statistique.

Comme pour la période précédente, les recrues viennent de la nouvelle classe. Cependant, une fois que la nouvelle classe est instruite, on voit que beaucoup de renforts arrivant au centre d’instruction sont des ouvriers qui ne sont plus considérés comme indispensables dans leurs usines, des personnels des COA ou d’autres services de l’arrière remplacés par des territoriaux dans le cadre de la loi Dalbiez de 1915. On constate aussi un nombre non négligeable de soldats envoyés dans les bataillons d’instruction suite à une mesure disciplinaire.

Pour la destination, le bilan est moins simple à dresser que pour la situation d’avant novembre 1915. Il n’y a clairement pas de règle pour affecter les renforts vers une Armée plutôt qu’une autre (en l’occurrence la Ve dont dépend ce centre d’instruction).

On peut toutefois, à la lecture des JMO, observer plusieurs éléments qui permettent d’avoir une vision générale de la destination des renforts :

– Le 9e bataillon d’un régiment envoie souvent des renforts vers son régiment.

– Le centre d’instruction envoie des renforts aux unités de la Ve Armée, mais ce n’est pas la majorité des cas : plus généralement, il fournit en hommes une zone qui va du secteur de la Ve Armée jusqu’au sud de Nancy. Aucun renfort plus à l’ouest ou plus à l’est.

– Il fournit des renforts aussi bien à des unités en ligne pendant une longue période que pendant les périodes de repos suivant la participation à un violent combat (ici, Verdun). Ce dernier cas est largement le plus fréquent.

  • Pour trouver le 9e bataillon qui envoyait des renforts à un régiment

Savoir quel était la division de ce régiment et regarder dans le JMO de cette division à partir du 25 avril 1915 pour certains et d’août 1915 pour d’autres. Il y est peut-être fait mention du 9e bataillon qui lui est rattaché. En l’absence de réponse, voyez dans le JMO du Corps d’Armée qui le mentionne parfois aussi voir dans ceux des Armées car le rattachement du 9e bataillon n’a pas fait non plus l’objet d’une règle uniforme semble-t-il.

Exemple : le 9/81 est affecté à la 66e DI.

Hélas, une fois encore, les choses ne sont pas simples et certains bataillons n’ont tout simplement pas de JMO (comme le 9e du 113e RI, celui du 71e).

  • L’affectation à un 9e bataillon dans la fiche matricule ?

Comme toujours avec les fiches matricules, la situation varie fortement suivant le secrétaire et le bureau de recrutement. Dans certains cas, le travail est réellement facilité par la précision des informations inscrites. Dans l’exemple ci-dessous, le parcours qui mène à l’unité combattante est entièrement décrit : dépôt commun, 9e bataillon, dépôt divisionnaire et finalement affectation dans un régiment.

Mais il faut souvent se contenter d’informations moins précises, permettant toutefois de déduire le passage dans un 9e bataillon : l’indice étant le changement de corps quelques mois après l’incorporation avant un nouveau changement. Le tout peut-être confirmé par les informations sur la campagne double qui indique que la recrue est dans la zone des armées. Dans le cas ci-dessous, il est même possible d’être catégorique grâce aux états de service annexés à la fiche matricule (c’est hélas un cas très rare!) qui mentionnent l’affectation au 9e bataillon du 99e RI.

Autre cas, plus fréquent : l’énumération des affectations suggère un passage par un 9e bataillon, mais aucune autre information ne vient confirmer l’hypothèse, parfois même pas de mention de la campagne contre l’Allemagne (pour les soldats tués ou disparus).

Pour résumer le parcours théorique d’une recrue des classes 1915 et 1916 :

AffectationIndication complémentaireÉtapes
Régiment 1Campagne simple ou à l’arrièreInstruction de base au dépôt
Régiment 2 (ou encore Régiment 1)Campagne double ou aux ArméesInstruction poussée dans un 9e bataillon
Régiment 3 (ou Régiment 2)Campagne double ou aux ArméesRenfort dans une unité combattante
  • En guise de conclusion

Le tour de la question est loin d’être fait sur cette structure, passage important pour les jeunes recrues souvent méconnu : le 9e bataillon.

Toutefois, il reste bon nombre de points à étudier, à commencer par l’organisation de cette structure après 1916. Et ce n’est qu’une étape pour les recrues : à partir de 1916, elles passèrent ensuite par un petit dépôt de Corps d’Armée ou un dépôt divisionnaire…

Si vous avez d’autres exemples de détachements agricoles de compagnies de RIT, ou d’anecdotes liées aux permissions ou détachements agricoles, n’hésitez pas !

  • Sources :

Service Historique de la Défense

JMO du 9e bataillon du 46e RI, SHD GR 26 N 636/5.
JMO du 9e bataillon du 31e RI, SHD GR 26 N 605/11.
JMO de la 55e DI, SHD GR 26 N 369/1.
JMO du 9e bataillon du 81e RI, SHD GR 26 N 664/14.
JMO du 9e bataillon du 141e RI, SHD GR 26 N 693/13.
JMO de l’E.M. des bataillons d’instruction, SHD GR 26 N 38/8.
JMO du bataillons d’instruction, centre n° 1, SHD GR 26 N 38/9.


Retour aux études au détour des JMO

  1. JMO du 9e bataillon du 46e RI, SHD GR 26 N 636/5. ↩︎
  2. JMO du 9e bataillon du 31e RI, SHD GR 26 N 605/11. ↩︎
  3. JMO de la 55e DI, SHD GR 26 N 369/1. ↩︎
  4. JMO du 9e bataillon du 81e RI, SHD GR 26 N 664/14. ↩︎
  5. JMO du 9e bataillon du 141e RI, SHD GR 26 N 693/13. ↩︎
  6. JMO de l’E.M. des bataillons d’instruction, SHD GR 26 N 38/8. ↩︎
  7. JMO du bataillons d’instruction, centre n° 1, SHD GR 26 N 38/9. ↩︎

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