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Le fonds photographique du capitaine Bayle (1915-1917)

C’est l’histoire d’une injonction à utiliser les fonds mis sur un compte Delcampe. J’y répondis en achetant un lot de dix petites photographies 6×4 cm pour 2,44 euros, repérées lors de mes recherches sur l’article concernant les chambrées. Dès réception, je me lançais, aidé de Thibaut Vallé, dans la numérisation puis la recherche sur ce lot. Une première bonne surprise fut que des inscriptions au dos, non mentionnées dans l’annonce, ouvraient la possibilité de retrouver certains hommes immortalisés. La seconde surprise fut de constater que ce lot n’était en fait qu’une toute petite partie du fonds photographique disponible. Ce sont en fait des centaines de clichés qui étaient mis à la vente, pour un prix réellement bas par rapport à ce que l’on avait pu connaître au moment du Centenaire.

M’intéressant plus à l’infanterie, ne sachant pas si les versos seraient aussi riches en informations que le premier lot reçu, pour la première fois depuis que je fais de la recherche, je me lançais malgré tout pour acquérir une partie de cet ensemble touchant à l’artillerie. Ce sont près de 400 petites photographies qui composent cet ensemble, loin d’être complet – plusieurs dizaines étaient déjà vendues (voir illustration ci-dessous) et d’autres étaient redondantes – mais choisies pour le potentiel de recherche.

Un fonds riche, des noms isolés à foison, les recherches autour de ces documents ont été réalisées à quatre mains : le travail de Thibaut Vallé a permis de sortir de l’ombre plus d’une cinquantaine de noms, de pistes qui rendent possible ce travail.

  • Présentation de ce fonds

Couvrant donc une période essentiellement de 1915 à 1916, il a une unité de lieu. Tous les clichés sont pris en région parisienne et montrent des artilleurs, du simple canonnier à l’officier supérieur, autour d’activités liées au dépôt du 2e puis du 82e Régiment d’Artillerie Lourde (RAL). Mais avant de l’étudier, il a fallu le trier et le numériser. Ce fut une expérience nouvelle car gérer des centaines de clichés n’est pas aussi simple que quelques images.

La phase de tri fut surtout l’occasion de mettre de côté les doubles, assez nombreux.

La phase de numérisation, si elle fut longue, s’étalant sur deux semaines, fut surtout fastidieuse en raison du mouvement des images sur la vitre du scanner à cause de la forme prise par les clichés.

La première image donne l’aspect qu’avaient les clichés avant fermeture du couvercle. Les autres les montrent une fois le travail de numérisation prêt : parfois, cela les mettait dans n’importe quel sens, d’autres fois, elles restaient à peu près en place.

Ce travail était toutefois indispensable, d’abord pour éviter de manipuler ces centaines d’images, ensuite pour créer un classement numérique facile, finalement pour permettre un traitement de ces petits clichés, beaucoup étant très passés (le fameux jaunissement des tirages sur papier albuminé). Toutefois, pour certaines photographies, cela relève de la mission impossible. Il s’agit heureusement d’une poignée de clichés qui se comptent sur les doigts d’une main (image de gauche). Pour les autres, le post-traitement rend facilement de la lisibilité.

Les clichés inexploitables ou ratés sont donc rares. Le premier ci-dessous est une superposition de deux clichés et le cliché le plus flou de tous.

Ce travail et l’établissement d’une base de données des clichés ont permis d’y voir un peu plus clair. Les clichés portent quasi-exclusivement sur le 2e RAL puis le 82e RAL, et plus particulièrement sur la vie du dépôt. Les clichés montrent certains moments de la vie de celui de Vincennes : départs, manœuvres et tirs, camarades officiers et artilleurs. Ce dernier groupe de clichés représente la majorité du lot disponible. On découvre divers lieux dans Vincennes, dans les casernes, dans le parc devant la mairie et sur le champ de tir voisin. Parmi tous ces portraits, l’un se détache par le grand nombre de fois où il est visible. La chance d’avoir des annotations sur une petite partie des versos a permis de trouver son propriétaire et de pouvoir s’engager dans une recherche plus ambitieuse que sur les quelques clichés de chambrées initialement repérés.

  • À la recherche de l’initiateur de ce fonds

Ce fonds n’a pas d’historique. Il provient d’un marchand professionnel, probablement récupéré ou acheté lors d’une succession ou d’une vente aux enchères. Le but principal est de redonner du sens à un maximum de clichés, de pouvoir les légender, leur redonner une unité.

Rapidement, on comprend que ces photographies n’ont pas toutes été prises par la même personne. En effet, sur certains clichés apparaît la mention « cl. » suivi d’un nom. C’est une abréviation qui signifie « cliché » qui précède le nom du photographe qui a partagé cette image, dans une pratique très commune à l’époque.

Cependant, il est possible de trouver celui qui a réuni ces centaines de clichés. On peut même le déterminer avec certitude, non seulement grâce à la récurrence d’une des personnes photographiées, mais aussi car il y a une indication qui ne laisse pas de place au doute.

Sur ce beau portrait où il tient un appareil photographique, probablement un Vest Pocket, il a noté au verso :

« mardi 8 septembre 1915
Instantané de moi Cap. Bayle
pris en gare de Pantin
à l’embarquement du groupe Tribout
Par Tabouret
qui m’envoie de Meaux cette épreuve le 27 octobre 1915 reçu le 28 »

On découvre ainsi comment ce cliché est entré dans ce fonds, le fonds du capitaine Bayle. Par qui mais surtout on a la certitude qu’il est présent sur l’image. La manière de l’indiquer atteste aussi la propriété. C’est cette même écriture qui a écrit sur d’autres versos. Ce capitaine est présent sur plus de 36 clichés, loin devant toute autre personne identifiable, soit plus de 10 % des images.

D’autres images légendées permettent une identification certaine du capitaine Bayle. Il y est nommé au verso

Surtout, la localisation des clichés, toujours en région parisienne et plus particulièrement autour de Vincennes, la période, essentiellement 1915-1916, sont en parfaite adéquation avec le parcours de ce capitaine dont la biographie donne quelques éléments pour comprendre cette appétence à la photographie et sa présence à l’arrière.

  • Quel but pour cette accumulation de clichés ?

Ces près de 400 clichés sont d’une grande richesse documentaire. Ils permettent d’imaginer une série de recherches autour de ce qui est visible, parfois dans de belles séries de clichés. Avant d’évoquer ces thématiques, une petite présentation du fonds s’impose.

Ces clichés n’ont pas été placés dans des albums. Ou alors ils ont été retirés depuis très longtemps car tous ont gondolé de la même manière, montrant un stockage qui ne fut pas réalisé à plat et dans les meilleures conditions. De manière assez courante, les images ont jauni, ont perdu de leur contraste, en lien avec les dosages de produits chimiques utilisés à l’époque et, une fois encore, une conservation probablement loin d’avoir respecté les conditions idéales.

Il est fort probable que l’objectif du capitaine Bayle ait été de documenter sa guerre. D’ailleurs, on peut difficilement imaginer la masse d’images réunies au cours du conflit de sa mobilisation à sa mise à la retraite en 1917. Ici, il n’y a qu’une poignée de clichés sur les civils ou sur les lieux hors d’un contexte militaire.

Le point commun de la très grande majorité des images est de montrer des personnes : portraits d’officiers à foison, de sous-officiers et de canonniers plus épisodiquement.

La très grande majorité des clichés sont datables de 1915-1916. Il n’y en a probablement pas de 1914 et très peu de 1917. De même qu’à l’exception d’une dizaine d’images, toutes les photographies ont un sujet lié à la guerre. A-t-il compris que la littérature de guerre depuis un dépôt d’artillerie autour de Paris n’intéresserait peut-être pas beaucoup de lecteurs ? Sa mise à la retraite d’office ou une autre raison personnelle a-t-elle contrarié son projet ?

Quoi qu’il en soit, tout cela a permis l’établissement d’une liste d’une vingtaine de sujets (y compris cette présentation) qui vont faire l’objet de recherches et d’articles. Il s’agira soit de biographies autour d’un cliché ou le plus souvent d’une série, soit d’écrits thématiques en lien avec les séries parfois volumineuses sur certains sujets.

Ils seront publiés à raison d’un par mois à partir de fin août 2026. À bientôt.

Arnaud Carobbi
Thibaut Vallé

– Les vies du capitaine Bayle (1849-1934).
– Aperçu de la famille du capitaine Bayle.
– Le Fort Neuf de Vincennes en 1915-1916.
– L’engagé volontaire Crélé et sa découverte du monde militaire.
– Dans les rues et les parcs de Vincennes avec les officiers du 2e RAL.
– La famille BELLANGER Père et fils au dépôt du 2e RAL.
– Jour de départ au dépôt (front ou exercices)
– Un médecin au dépôt : le Médecin Major de 2e classe Allard.
– L’évolution de l’artillerie lourde dans les photographies du capitaine Bayle.
– Vétérinaire au dépôt du 2e RAL.
– L’engagé volontaire photographe Holtzer.
– Entraînement : derrière une pièce lourde sur le champ de tir.
– La surveillance aérienne du CRP.
– Les Chti Dave et Coupigny.
– Les sous-off venus du 12e
– Port ostentatoire de médailles.
– Le sous-lieutenant Leparmentier.
– Un groupe de joyeux drilles.
– Remise de décoration et défilé.
– La 11e SM du 82e RAL.
– Galerie des hommes identifiés dans le fonds du capitaine Bayle

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