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Infirmiers décorés, 14e section d’infirmiers militaires 1909

Sortons un peu des uniformes les plus fréquents de l’avant-guerre. Une petite proportion des conscrits était envoyée dans des unités non combattantes, que ce soit les ETEM (Train des équipages militaires), les SSEM (secrétaires d’état-major) ou les SIM (infirmiers militaires). Trois jeunes infirmiers posent fièrement avec leur décoration. Qui sont-ils ? Pourquoi ont-ils été décorés ? Ce sont deux des questions qui ne manquent pas de venir à l’observateur.

  • À la recherche d’Alfred Langlois et de Séraphin Denis

Souvenirs du caporal Alfred Langlois

M. Denis Séraphin
14e Section d’Infirmiers
Hôpital Desgenettes
Lyon

Disposer de nom est un bon début, d’autant qu’en cas d’homonymie, l’affectation devrait facilement départager les candidats. En effet, les hommes affectés à une SIM avant-guerre sont un peu plus d’une dizaine chaque année. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que ces trois hommes appartiennent à la 14e Section d’Infirmiers Militaires (SIM).

Tout dans l’uniforme le montre : les pattes de collet au caducée pour les deux caporaux, épaulettes à corps et tournantes rouges et franges blanches.

Le soldat au milieu tient son képi, ce qui permet de distinguer le passepoil en cordonnet blanc. Le grain empêche de distinguer les boutons spécifiques sur le képi ou sur les uniformes.

Une explication au fait qu’un homme ait le numéro de la section sur ses pattes de collet quand les deux autres ont des caducées serait que le premier est un élément administratif quand les deux autres sont des infirmiers1.

Le soldat qui écrit s’appelle Alfred Langlois et vient de la Marne. Né à Ay, il est garçon limonadier dans la Nièvre au moment de son incorporation. Arrivé à la 14e SIM le 7 octobre 1907, il devient caporal le 27 novembre 1908 et il quitte le service actif le 25 septembre 1909. Le soldat à qui il envoie cette photographie est Séraphin Jean Baptiste Denis. Ce conducteur d’automobile vient de Briançon dans les Hautes-Alpes. Il est incorporé le 6 octobre 1908 mais quitte prématurément le service actif en raison de la perte de l’acuité visuelle de son œil droit le 3 juin 1910.

Ainsi, les deux hommes n’ont été que quelques mois ensemble, de novembre 1908 à septembre 1909.

  • Dater la photographie

L’hypothèse la plus simple est que ces deux hommes figurent dans le groupe. C’est d’autant plus séduisant qu’il y a deux caporaux. L’un d’eux pourrait être Alfred Langlois. Le soldat de première classe serait alors Séraphin Denis. Son travail avant son incorporation pourrait l’avoir fait affecter comme conducteur ici aussi et donc comme personnel non infirmier ne portant pas le caducée. Il serait alors le soldat assis.

Seulement, ce dernier n’a pas de mention concernant une éventuelle distinction de 1ère classe. On voit nettement des zones sombres dans les galons qui prouvent que de la craie a été appliquée sur un galon rouge de première classe pour le rendre visible sur le cliché.

Surtout, rien ne vient attester que le caporal Langlois ne lui fait pas parvenir une photographie de trois camarades sans que Séraphin Denis n’y soit. Qui plus est, il pourrait aussi s’agir d’un cliché ne montrant que Séraphin Denis avec deux autres caporaux, même si c’est l’hypothèse la moins séduisante.

Les deux fiches matricules, grâce au descriptif physique fourni, pourraient aider, mais en l’absence de traits significatifs, ce n’est pas le cas. Pour Séraphin Denis, on a cheveux et sourcils châtains, yeux marrons, un front ordinaire, un nez moyen et une bouche moyenne. Le menton est rond et le visage ovale. Rien de très marqué et utile donc. Le plus amusant est qu’Alfred Langlois a exactement la même description ! Seuls ses yeux sont notés « bleus ».

L’un des hommes pourrait avoir des yeux plus clairs, mais d’ici à dire qu’ils sont bleus, c’est juste impossible à déterminer. Le crêpe noir, signe d’un deuil récent pourrait donner une confirmation pour une éventuelle identification avec Alfred Langlois.

La piste des médailles permettra-t-elle d’y voir un peu plus clair ?

  • Quelle est cette médaille ?

Les parcours n’indiquent aucune décoration remise à ces deux hommes. Toutefois, un zoom permet de déterminer le modèle dont il s’agit bien que l’on soit à la limite de ce que le grain de la photographie permet d’identifier. Un ruban clairement tricolore, un visage et des cheveux vus de profil aboutissent à la médaille d’honneur des Épidémies.

En tant qu’infirmiers, cette médaille fait sens. En effet, les épidémies étaient encore fréquentes dans les communes et les casernes. Ils ont donc pu être confrontés dans leurs services à une de ces épidémies, qu’elle soit de scarlatine, d’oreillons, de grippe, de diphtérie ou de fièvre typhoïde2.

Ces décorations ont dû être publiées au Journal Officiel comme l’exemple ci-dessous qui évoque une épidémie de grippe pendant l’hiver 1908-1909 à Lyon et un médaillé affecté à l’hôpital Desgenettes (celui de l’adresse de la carte).

Après recherche, dans cet extrait du 3 avril 1909, on apprend qu’Alfred Langlois a été médaillé pour son action au cours d’une épidémie à la garnison de Gap en septembre-octobre 19083. L’information est importante car elle donne une date avant laquelle le cliché ne peut avoir été pris : avril 1909. Elle date donc de 1909, entre avril et septembre 1909.

Aucune décoration pour Séraphin Denis n’a été trouvée, ce qui irait dans le sens de trois soldats de la 14e SIM dans lequel Séraphin Denis n’est pas.

  • En guise de conclusion

Il a été possible de faire parler certains détails de cette image, mais la recherche n’est pas terminée, les hypothèses restant plus nombreuses que les certitudes. Qui est qui ? L’indice du crêpe de deuil n’a pas été exploité. Une liste de médaillés, publiée dans la presse ou un document permettrait aussi de trouver le contexte précis de ces décorations voire le nom du troisième homme si l’image immortalise le jour où a eu lieu la cérémonie de remise.

  • Pour en savoir plus sur la médaille d’honneur des Épidémies :

Ce site donne tous les textes réglementaires et la description de chaque type de médaille.
http://www.france-phaleristique.com/medaille_honneur_epidemies.htm

Le visuel de la médaille utilisé dans cet article vient du site, consulté le 26/08/2024 : https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/la-medaille-dhonneur-des-epidemies

  • Sources :

Archives départementales de la Nièvre

R 353 : fiche matricule de Langlois Alfred, classe 1906, matricule 418 au bureau de recrutement de Nevers-Cosne.
https://archives.nievre.fr/ark:/60877/7wq9r1gb4vdl/413ae641-7001-4f82-beae-d6cb187c0371

Archives départementales des Hautes-Alpes

1 R 1036 : fiche matricule de Denis Séraphin Jean Baptiste, classe 1907, matricule 599 au bureau de recrutement de Gap.
https://archives.hautes-alpes.fr/ark:/23599/vta0064944d1b9d1617/daogrp/0/137


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  1. Labayle Eric, Reconnaître les uniformes 1860-1914, Paris, Archives & Culture, 2013, p. 66. ↩︎
  2. Tous ces exemples sont attestés dans l’emprise du 14e Corps d’Armée où sont affectés les hommes de la 14e SIM. Quelques exemples liés aux citations trouvées dans le Journal Officiel :
    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6456748n/f9.item
    https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62523103/f8.item ↩︎
  3. L’épidémie éclata dans deux compagnies du 17e RI à Gap en septembre. Elle retarda l’incorporation de la classe 1908. ↩︎

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