L’administration des conscrits et des réservistes était une machine bien rodée mais nécessitant d’anticiper tous les cas de figure afin d’avoir des listes de mobilisables les plus à jour possible. Il fallait tenir compte des décès d’hommes soumis aux obligations militaires avant la libération de leur classe. Chaque mairie disposait d’un registre à souche permettant de signaler à l’administration militaire de tels cas.
- Le registre à souche
Le registre de cette petite commune comporte peu d’avis. Il a donc été utilisé de 1913 à 1949. La partie gauche reste dans le registre quand la partie droite est adressée à l’administration militaire.
Le registre consulté dispose d’un rappel des instructions données par l’État. La dernière, datée de 1890, explique clairement le pourquoi d’un tel registre et l’importance qu’il soit rigoureusement tenu :
« Monsieur le Préfet, afin de permettre aux bureaux de recrutement de rayer du registre matricule les hommes décédés, mon prédécesseur vous a adressé le 20 mars 1877, des instructions arrêtées de concert entre mon département et celui de la guerre.
Pour faciliter l’accomplissement de ces prescriptions, une circulaire du 29 janvier 1883 a ordonné la tenue, dans chaque commune, d’un registre à souche dont le modèle vous a été fourni : les bulletins de décès, détachés de ce registre, au lieu d’être établis sur feuilles volantes, présentent l’avantage de laisser toujours, à la mairie, trace de l’avis donné au bureau de recrutement, et de permettre ainsi de reconnaître et de signaler les omissions.
Tout récemment enfin, aux termes des instructions qui ont fait l’objet de la circulaire du 3 mai 1889, la gendarmerie est appelée, lors de ses tournées, à vérifier la tenue régulière de ces registres dont la surveillance directe est confiée à MM. les Sous-Préfets.
M. le Ministre de la Guerre vient de me faire connaître que, grâce à ces mesures, les récents rapports de MM. les Inspecteurs généraux du service du recrutement ont constaté une amélioration notable dans la régularité de la transmission des avis de décès, et permettent d’espérer qu’à l’avenir ce service se fera avec toute la ponctualité désirable.
Je crois, cependant, à la demande de mon collègue, devoir appeler, Monsieur le Préfet, votre attention sur une modification nouvelle qu’il convient d’y apporter.
Jusqu’ici, la communication des avis de décès n’était prévue qu’en ce qui touche les hommes de 20 à 40 ans, limite extrême, sous la législation antérieure, de la durée du service militaire.
Désormais, la transmission devra s’effectuer non seulement pour les hommes de 20 à 40 ans, mais aussi pour ceux de 40 à 46 ans, puisque la durée effective du service militaire a été prolongée jusqu’à cet âge par la loi du 15 juillet 1889. Les hommes définitivement libérés ont même, en général, plus de 46 ans en ce moment ; mais, ainsi que l’a fait remarquer M. le Ministre de la Guerre, il ne paraît pas indispensable de proroger au-delà l’application des prescriptions relatives à l’envoi des avis de décès aux bureaux de recrutement.
Veuillez, Monsieur le Préfet, porter la présente circulaire à la connaissance des maires par la voie du Recueil des Actes administratifs, et renouveler, à cette occasion, les recommandations réitérées de mon administration et du département de la guerre.
Il n’échappera pas aux municipalités que le concours prêté à cette occasion à l’autorité militaire peut dépendre, en partie, le bon fonctionnement de nos nouvelles institutions de défense nationale.
Pour le Ministre
Le Conseiller d’État, directeur de l’Administration départementale et communale,
Bouffet. »
Le préfet de Vendée se contente d’indiquer que le contrôle de la gendarmerie aura lieu deux fois par an sans revenir sur les prescriptions concernant le remplissage du registre. En effet, il invite les maires à se référer au Recueil des Actes administratifs de l’année précédente dans lequel il avait fait les recommandations nécessaires.
Dans l’exemplaire d’Aigueperse, on constate que la vérification par la gendarmerie fait bien l’objet d’une mention, mais pas deux fois par an :
- Quelques exemples
Le soldat Claude-Marie Milly est décédé le 7 janvier 1913. Dès le 8, la mairie avise l’administration militaire. Sa fiche matricule indique la date du décès et surtout l’absence de recherche à la mobilisation : l’information avait été transmise et la liste des mobilisables bien mise à jour. La fiche indique qu’il était affecté au régiment d’infanterie de Briançon sous la matricule 02024. Réglementairement, dès la fin du service actif (achevé en septembre 1911 pour ce conscrit), les réservistes étaient automatiquement immatriculés dans la liste des réservistes de leur nouvelle affectation.
La mort touche un autre soldat d’active, à jour de ses obligations, Pierre-Marie Goyard. Ayant atteint le grade de sergent pendant son service actif, il avait participé aux manœuvres d’automne du 134e RI en 1910 en raison de son changement de domicile pour Mâcon. C’est cependant dans sa commune de naissance qu’il décéda le 16 avril 1913. Une fois encore, l’information fut transmise à l’administration militaire le lendemain et la fiche matricule ne porte mention d’aucune recherche ensuite, le décédé ayant été réglementairement enlevé des listes de mobilisables.
Le dernier cas est celui de Claudius Felix Lachize. Il a la particularité de ne pas posséder de fiche matricule, ayant été réformé avant-guerre et jamais appelé jusqu’à sa date de décès le 2 décembre 1915. Le répertoire indique juste « Exempté, Monsols 65 ».
- Et en cas de problème avec l’information ?
Peut-être le courrier s’est-il perdu ? Peut-être la mairie a-t-elle oublié de transmettre l’information ? Peut-être l’administration militaire a-t-elle mal enregistré le décès ? En tout cas, les fiches matricules montrent parfois cette situation où un soldat mort depuis des années voire des décennies est considéré comme insoumis à la mobilisation.
Dans le cas de l’illustration, le soldat de la classe 1894 est décédé en 1896 mais l’administration de l’armée ne l’apprend que par un avis du 24 septembre 1915, probablement à l’occasion d’une enquête diligentée pour trouver l’insoumis.
- En guise de conclusion
Cette source se trouve parfois dans les archives communales, quand les registres ont été conservés. Cet exemple en tout cas doit nous rappeler que nombre de sources sont disponibles aux archives communales ou dans les archives communales déposées aux archives départementales, sans qu’il soit toutefois possible de déterminer à l’avance ce qu’on peut y trouver tant la conservation de ce type de registres a été aléatoire.
- Sources :
Archives départementales du Rhône :
E DEPOT 2-54 : archives déposées de la commune d’Aigueperse. Registres des décès des hommes mobilisables.
Inventaire des archives déposées de la commune : https://archives.rhone.fr/media/277ee7c6-152f-40ba-8bda-bf7643592d25.pdf
1 Rp 1070 : fiche matricule de Goyard Pierre-Marie, classe 1903, matricule 1121 au bureau de recrutement de Lyon Nord.
https://archives.rhone.fr/ark:/28729/2qd9mgs3lc81/a0ce8263-29a5-42ce-97dc-ed31adf04ac4
1 Rp 1130 : fiche matricule de Milly Claude-Marie, classe 1908, matricule 1098 au bureau de recrutement de Lyon Nord.
https://archives.rhone.fr/ark:/28729/95qm0vz2jf7p/5b252169-c45d-4d2c-b8fe-1132fc5282b2
1 Rp 1811 : Répertoires alphabétiques des registres matricules classe 1910 pour le bureau de recrutement de Lyon Nord.
https://archives.rhone.fr/ark:/28729/3g5d19lzm2w8/57990e7e-33c6-428d-8e1c-b842882bb067
Archives départementales de Vendée :
4 Num 219/80 : Préfecture de Vendée, Recueil des actes administratifs, 8 mai 1889, page 178.
https://archives.vendee.fr/ark:/22574/vta75d03703ade7c63d/v0174.simple.selectedTab=record
Archives départementales de la Sarthe :
1 R 1066 : fiche matricule de Lecomte Louis Clément, classe 1894, matricule 1952 au bureau de recrutement du Mans.
https://archives.sarthe.fr/ark:13339/s005e9ee32d60ffe/1/538.fiche=arko_fiche_632988751ddf9.moteur=arko_default_632ac7263f2d8