CORNET Thierry, CHAUPIN Alain, Jean Duclos, sous-lieutenant du 153e RI, récit de campagne 1914-1916, Paris l’Harmattan, 2012.
Les combats du 26 août 1914 du 153e RI font une ligne dans le JMO mais quatre pages denses dans cet ouvrage. Cela montre bien les détails donnés le sous-lieutenant Duclos dans son récit. Cet officier nous permet d’être au cœur de l’action à plusieurs reprises mais aussi de partager son quotidien de la mobilisation à 1916.
Rédigé au moment de son internement en Suisse, ces notes forment un récit de guerre ponctué de considérations tactiques. C’est un officier qui écrit et qui donne sa vision d’officier : quel est son rôle, quelles sont les valeurs qui l’animent, quelles sont ses décisions. On a à la fois un point de vue personnel mais aussi représentatif d’un groupe d’officiers.
Son récit commence un peu avant la mobilisation, ce qui nous met face à son vécu des jours particuliers qui l’ont précédée. Il détaille la mobilisation, le départ au front et, rapidement, les premiers combats autour de Nancy dans le cadre de la bataille du Grand Couronné. Les journées d’août sont passionnantes à lire tant pour la simplicité de l’écriture que pour la qualité factuelle du récit.
Ensuite, il narre le transfert et les combats dans le Nord dans le cadre de la « Course à la mer ». Blessé commence une autre partie toute aussi intéressante : son parcours au dépôt et à l’école de mitrailleurs avant son renvoi au front.
Son second séjour au front se fait en Artois avant de prendre la direction de la Lorraine puis de la Champagne pour l’offensive de septembre 1915.
Les préparatifs et les détails des combats du premier jour entre Maison de Champagne et la main de Massiges sont d’un grand intérêt. On suit littéralement cet homme au combat. On perçoit l’évolution de la situation des troupes en première ligne avec une richesse de détails et une intensité rare.
Sa blessure et sa capture ouvrent un dernier chapitre, non moins intéressant que les précédents, qui raconte son parcours dans les unités sanitaires allemandes, son hospitalisation à Sedan puis à Rastatt avant son transfert dans un camp de prisonnier à Heidelberg.
On ne sait pas vraiment pour qui ces notes ont été prises puis mises en forme. Elles alternent le récit détaillé du quotidien et des considérations personnelles sur ce qu’est un bon officier, la manière de faire des mobilisés de bons soldats, sur l’utilisation tactique des mitrailleuses… L’a-t-il écrit pour d’autres militaires ? Comme simple aide-mémoire ?
En tout cas, il prend du recul, développe volontairement son argumentation sur certains aspects du conflit : la France agressée par l’Allemagne, les mauvais traitements infligés aux civils, aux blessés français fait prisonniers. D’ailleurs seuls les Alsaciens ont sa considération.
Il évoque à de rares occasions sa fiancée, sans jamais dévoiler ses émotions, ses sentiments ; même chose face à certaines horreurs du conflit qu’il décrit de manière très distante.
La richesse de son récit ne vient pas que des détails des combats, du quotidien, de ses réflexions. Il s’agit des écrits d’un officier et ils sont différents de ceux d’un simple soldat, à la fois par son regard, sa vision des choses et ses motivations à faire cette guerre et la meilleure manière de la mener à son niveau. Il y développe aussi de nombreuses anecdotes qui ponctuent son texte et le rendent très vivant : certaines liées à la vie militaire, d’autres au quotidien. On y retrouve l’arrivée du casque, les parasites, la boue…
Si cet homme cesse son récit en 1916 à son arrivée en Suisse, grâce à la mémoire transmise à son fils on retrouve Jean Duclos officier au Maroc à la fin de la guerre puis participant à la guerre du Rif.
Un ouvrage dense, au récit détaillé dont l’introduction et l’épilogue rédigés par son fils montrent également le poids qui fut porté par les enfants, les familles de ces hommes. Un nouveau témoignage riche des faits narrés par son auteur et qui illustre une fois encore la diversité des récits laissés par les combattants, la variété de leur point de vue, ainsi que leur qualité.