C’est avec l’autorisation d’Alain Dubois que j’ai réalisé cet article. Il ne s’agit pas d’une recherche de ma part, juste d’une remise en forme et de quelques ajouts car Alain a fait tout le travail. C’est en lisant le résultat de ses recherches sur les combattants de sa famille que je me suis arrêté sur cette photographie. Elle illustre à la fois une situation pour moi peu connue et une attitude jamais vue.
- Une photographie loin d’être anodine
Cette photographie de famille a été prise à Sebourg, commune du Nord d’environ 1500 habitants frontalière de la Belgique. Cette famille habitait rue de Tonvoy pendant la Première Guerre mondiale.
Les deux adultes sont de gauche à droite : Élise DANHIEZ, épouse DELVIGNE, et sa sœur Marie DANHIEZ épouse DUVERGER.
Les quatre filles sont celles de Marie Duverger. De gauche à droite :
Marie née en 1906, Hélène née en 1914, Jeanne née en 1904 et Marguerite née en 1903.
Cette photographie, n’est pas sans homme malgré les apparences. En effet, trois portraits sont visibles.
Ils sont exhibés de manière peu habituelle. Et à y regarder de plus près, il n’y a pas de doute, c’est un geste symbolique, fort. Pourquoi même ne pas y voir un signe de résistance ? Car, prise vers 1916-1917, cette photographie a été réalisée dans la zone occupée par les Allemands.
Montrer ces clichés, c’est rappeler la présence de ces hommes absents, mobilisés et dont elles n’avaient probablement aucune nouvelle.
- Qui sont ces hommes ?
Ces photographies représentent, de gauche à droite :
– Émile DELVIGNE dans la main de son épouse Elise Danhiez,
– Alfred DUVERGER dans les mains de sa fille Hélène (il est l’époux de Marie Danhiez),
– Felix DANHIEZ, frère des sœurs Danhiez dans la main de Jeanne.
Par chance, les trois photographies visibles ont été conservées.
La photographie d’Émile Delvigne a été prise pendant sa captivité en Allemagne. Hélas, cette information n’est d’aucune aide pour dater l’image au cœur de cet article : elle n’est pas datée et il a été capturé le 8 septembre 1914 lors de la chute de Maubeuge.
Pour en savoir plus sur cet homme : http://ggfamille4d.canalblog.com/archives/2014/08/28/30488874.html
La photographie d’Alfred Duverger est la plus riche à étudier, bien qu’elle ne soit, comme les autres, d’aucune aide pour dater la première photographie.
Cette photographie d’Alfred Duverger est parvenue à sa famille de curieuse façon. En effet, l’expéditeur est Eugène LARCY, prisonnier au camp de Friedrichsfeld. Il a envoyé un courrier à sa sœur habitant Marly-lez-Valenciennes, commune voisine de Sebourg, le 2 mars 1916. Rien n’indique que la photographie n’est pas celle de l’intéressé, et pourtant il s’agit bien d’Alfred DUVERGER (témoignages de ses filles). La seule explication possible est que cette photographie d’Alfred était en possession d’Eugène LARCY qui l’a adressée à sa propre famille qui connaissait celle d’Alfred (peut-être un lien de famille ? ) et qui a fait suivre. Il avait d’ailleurs écrit « j’espère que la photo lui fera plaisir et faites-lui des compliments » sans citer personne.
Ainsi, cette photographie a été adressée par Alfred Duverger à un prisonnier pour qu’il la fasse parvenir à sa famille restée en pays occupé, à charge pour elle de la transmettre à la famille Duverger !
On remarque à ses doigts deux des bagues, « artisanat de tranchée », en aluminium – métal nouveau à l’époque – et cuivre, ramenées pour ses filles. Celle qui est visible est gravée des initiales M D mélangées, pour Marie Duverger.
La photographie de Félix Danhiez a été prise pendant son service actif au 5e régiment de génie de Versailles, entre 1908 et 1910.
Pour en savoir plus sur cet homme : http://ggfamille4d.canalblog.com/archives/2014/08/28/30488874.html
Ces trois hommes revinrent chez eux en 1919 et retrouvèrent leur famille.
- En guise de conclusion
Précieusement conservées, les photographies peuvent être bien plus riches qu’on ne peut le soupçonner. Dans le cas présent, une photographie ouvre sur trois autres clichés et se révèle être très symbolique. Elle montre le déchirement de la séparation, certes vécue par la majorité des familles du pays, mais accentuée par l’occupation allemande qui coupait tout contact. Pour avoir des nouvelles, il fallait alors user de la Croix Rouge ou de procédés bien plus compliqués comme on peut le voir ici.
Quand une photographie peut être mise en relation avec d’autres documents, la mémoire directe, le résultat n’en est que plus riche. Imaginez ce que l’on pourrait dire si l’on avait cette photographie sans le moindre complément, qu’imaginerions-nous ?
Et ce n’est, dans le cas présent, qu’une petite partie de l’énorme travail réalisé par Alain Dubois sur sa famille dans la Grande Guerre. À découvrir.
- Remerciements :
De chaleureux remerciements à Alain qui m’a autorisé à utiliser ses documents et ses recherches pour en faire ce petit article.
- Source :
Tous les documents et informations sont extraits du blog d’Alain Dubois, 14-18 en famille :
http://ggfamille4d.canalblog.com/archives/2014/08/28/30488867.html
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