En 2009, Vincent Le Calvez s’interrogeait sur la présence de cercles pouvant être des cibles dans la cours de la caserne du 28e RI :
Accès à la page sur la caserne Amey d’Evreux sur le site de Vincent Le Calvez.
Je ne sais pas s’il a trouvé une réponse, mais j’ai eu à me poser la même question en récupérant cette photo-carte, bien que le dessin ne soit pas le même.
- Au 113e RI
Techniquement, l’image n’est pas des plus réussies : elle manque de netteté et empêche une numérisation permettant de forts grossissements. On devine facilement tout de même le numéro de régiment sur les cols et les képis, le 113e RI.
Au 113e RI certes, mais est-ce dans la portion casernée à Blois ou celle de Romorantin ? C’est l’architecture qui permet de répondre à cette question : aucun bâtiment ne ressemble à Blois à celui qui est visible ici. Par contre, il y en a un qui a exactement le même type d’encadrement de fenêtre à Romorantin, un seul :
D’autres cartes postales prises devant l’entrée montrent plus nettement ces entourages que sur le grossissement proposé (dont un exemple est fléché, mais qui n’est pas celui visible sur la photo-carte) et ne laissent aucun doute sur la localisation.
Nous avons donc un groupe de soldat du 1er bataillon du 113e RI posant devant ce bâtiment de la caserne de Flandres de Romorantin. Certains sont montés sur un banc. Leurs tenues sont dépareillées, deux étant en tenue de sortie, quatre en tenue de travail – bourgeron et pantalon de treillis – et trois en veste. Cinq soldats portent leur pipe bien en vue, y compris le caporal. Deux ont sorti leur « bidon de classe » qui leur permet de savoir combien de temps il leur reste avant la quille.
Le texte de la carte ne nous en apprend guère plus, à part qu’il a été écrit avant Noël vu que le soldat souhaite s’organiser pour avoir une permission à cette occasion ou pour le jour de l’an. C’est tout ce que l’on sait d’ailleurs sur le soldat qui l’a écrite.
Surtout, cela ne nous avance pas sur la question de savoir ce qu’est cette peinture sur le mur ?
- Des cibles ?
Une autre vue de la caserne de Romorantin nous donne une indication précieuse sur ces peintures faites directement sur le crépi du mur.
On perçoit d’autres peintures sur tous les murs visibles. C’est cohérent si le « 17 » visible sur notre photographie est une numérotation.
Le gros plan montre, malgré sa piètre résolution, qu’il y a un numéro au-dessus de chaque cible.
C’est encore d’une carte postale que va venir une explication à ces peintures qui doivent bien être des cibles. On y voit des recrues en train de faire des exercices de base pour le tir. Ce sont les exercices préparatoires, les premiers réalisés pour apprendre à la recrue à se servir d’un fusil.
Comme la légende l’indique, il s’agit de faire des exercices de pointage. Pour cet entraînement, le fusil est placé sur un chevalet de pointage. Chaque homme, à tour de rôle, vient pointer l’arme vers un but à atteindre.
En localisant les hommes à l’instruction sur cette image, on peut déterminer qu’ils sont en train de pointer un but à atteindre sur le mur de notre bâtiment. Ce n’est peut-être pas la cible « 17 », mais cela semble confirmer qu’il s’agit de cibles destinées à l’entraînement des recrues.
Pour compléter le propos sur le chevalet de pointage, voici deux autres documents permettant de mieux voir le dispositif et d’observer deux autres méthodes pour l’utiliser : dans ce qui ressemble à un stand de tir et face à un mur mais avec un homme qui figure la cible (probablement moins pratique que celle peinte au mur car difficilement immobile).
- Complément apporté par Yannick Le Gratiet :
Autre exemple de cibles peintes sur le mur d’une caserne à Caen, sur un bâtiment du 36e RI :
L’observation d’un chevalet de pointage dédié au tir dans une société de tir montre le principe de fonctionnement de l’appareil. Il n’est par contre pas du même modèle que celui utilisé par les militaires.
Un grand merci à Yannick Le Gratiet pour l’envoi des deux documents qui complètent le travail réalisé.
- En guise de conclusion
Il doit être possible de trouver bien d’autres types de cibles peintes au mur des casernes pour faire ce travail d’apprentissage du pointage de l’arme. L’aspect humain de l’image a pour une fois été mise de côté pour aborder un aspect plus technique mais non moins passionnant car il s’agit encore une fois de faire parler des détails auxquels on ne porte pas forcément attention ou sur l’interprétation desquels on bute. Si l’auteur de la carte en avait dit un peu plus sur lui, nous avait laissé un indice, nous aurions pu aussi développer ce point.
Sources complémentaires :
Règlement sur l’instruction du tir de l’infanterie (à jour au 30 avril 1914), Paris, Librairie Chapelot, 1914.
L. Picard, Soldat, les débuts militaires, Paris, Jouve, 1913.Accès avec Gallica.
Le site de Bernard Simon sur le tir qui propose une autre vue de chevalet de pointage : accès direct à la page.
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