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17 – Chez le photographe, Poitiers, 125e RI.

Le destin des photographies publiées dans cette rubrique les a amenées, au gré des transmissions ou ventes, souvent bien loin de là où elles ont été prises puis conservées. Cette paire de photographies illustre très bien ce devenir. Ce sont même des photos-cartes au sens propre du terme : photographies collées sur des cartons.

  • Un parcours auquel il manque un début

La photographie a été prise à Poitiers. Elle montre une jeune recrue en train de poser de manière fort classique en tenue de ville avec les accessoires habituels : képi avec l’écusson de sortie, baïonnette dans son fourreau, gants blancs.

Le 125e régiment d’infanterie étant caserné à Poitiers, c’est fort logiquement que cet homme est allé se faire « tirer le portrait » chez un photographe local E. Join tenant boutique au 21 rue Carnot.

La gamme de produits disponibles suite à une photographie était variée : la simple photographie, souvent tirée sur carte postale après 1900, la photographie collée sur carton plus ou moins décoré (la fameuse photo-carte). Notre homme a choisi la seconde formule, mais peut-être d’ailleurs n’a-t-il pas eu le choix : cette photographie n’est pas datée, mais il semble que E. Join ait été actif à partir de la fin des années 1870. Il est probable que cette image ait donc été prise avant 1900 et la diffusion massive des photos-cartes sur cartes postales.

Notre homme a choisi une version petit format et une version grand format de sa photographie (peut-être s’agissait-il d’une des offres proposées). Il en a même fait faire plusieurs du petit format, c’est une certitude car dans le lot proposé à la vente, il y en avait deux petites.

Le plus petit format comportait une feuille de papier de soie, fragile, le plus souvent disparu avec le temps. On en trouve la trace au verso en haut, à l’endroit où elle était collée.

Pour la version grand format, il ne s’est pas contenté du simple portrait collé sur un carton comme la version petit format. Pour ce grand tirage, il a pris l’option décorée : son portrait a été placé au centre de figures patriotiques : la devise « honneur et patrie » au dessus, devise de l’ordre de la légion d’honneur, un groupe de soldats partant à l’assaut en dessous.

Certains photographes proposaient la mise en couleur de certains éléments de la photographie. Il n’est pas possible de dire pour l’instant si c’était une possibilité offerte par E. Join.

A noter : les deux portraits sont de taille strictement identiques sur les deux formats de carton. Sur la plus grande photographie, on peut avoir l’impression que le cadre avec les éléments patriotiques a été collé par dessus en raison de l’ombre qui apparait dans l’ovale à plusieurs endroits. En réalité, il n’en est rien : il s’agit bien d’un élément qui apparaît sur la photographie.

  • Un anonyme de plus

Ces portraits ne permettent pas, hélas, d’en dire plus que le simple aspect technique car cet homme reste anonyme. Etait-il de Poitiers ? De ses alentours ? Questions vaines auxquelles aucun élément ne permet de répondre. Tout au plus peut-on, comme cela a déjà été indiqué, proposer une tentative de datation : autour de 1900. A la fois en raison de la date de début d’exercice du photographe et grâce à l’uniforme. Seule une comparaison avec d’autres clichés datés permettrait d’affiner.

  • Un problème d’uniforme ?

A première vue, pose classique, jeune homme à la moustache à peine visible (pendant sa première année de service ?). Et puis un coup d’œil sur la capote m’a fait réagir : est-elle boutonnée comme celles des autres soldats (sous-entendu dans le même sens) ? En voyant cette photographie, j’avais en tête des uniformes fermés avec le rang de bouton de gauche, le contraire de ce qui est visible ici.

Ma première impression a donc été qu’il y avait un problème. J’ai même élaboré des hypothèses pour expliquer une éventuelle différence :

– La capote a été fournie par le photographe qui ne s’est pas occupé de ce détail. Cela expliquerait par ailleurs que les chiffres du numéro de régiment sur les pattes de collet soient si blancs, sans traces de bavures comme on le voit quand ils sont passés à la craie. Peut-être une capote ayant des chiffres blancs cousus, ce qui n’est pas réglementaire, fournie par le photographe.

– Le photographe a inversé la plaque. Hypothèse immédiatement abandonnée : les chiffres auraient été inversés également.

– Les deux boutonnages étaient possibles. J’ai d’abord été peu tenté par cette dernière solution, l’idée d’uniforme étant qu’ainsi tout le monde est habillé de la même manière. Pourtant, la consultation de nombreuses photographies a bien mis en évidence un boutonnage par la droite et par la gauche, parfois même au sein d’un même groupe. Cela s’explique facilement quand on regarde la taille de la capote sur cet extrait d’image qui a fait l’objet d’une étude sur ce site :

  • En guise de conclusion

Trouvées à Vannes, bien loin de Poitiers, ces photographies sont maintenant dans l’Anjou, avant de poursuivre probablement leur périple car malgré son siècle l’image est toujours nette, montrant que l’argument publicitaire du photographe, « Inaltérable » n’était pas totalement faux.

Par contre, la mémoire de cet homme, elle, a disparu. Et si l’image est inaltérable, elle ne peut, hélas, répondre à nos questions.

  • Bonus !

Trouvée par hasard : une nouvelle photo-carte d’un soldat du 125e RI prise chez le même photographe. Bien que plus claire, on voit le même bouquet en bas à droite de l’image. L’image est hélas tout aussi anonyme que les précédentes.

  • Pour approfondir :

Même si ce soldat n’a pas probablement été mobilisé au 125e RI en raison de son âge en 1914, cette courte étude d’une photographie d’un soldat de ce régiment me permet de faire référence à deux sources actuellement disponibles sur ce sujet :

– Le 125e RI a son blog, celui de Christian Terrasson. Il retrace le parcours du régiment et de ses hommes tout au long de la Première Guerre mondiale, tout en le présentant (avant guerre, drapeau…). Un blog à lire, riche aussi grâce au travail de son auteur.

– André Jouineau a réalisé de superbes pages sur les uniformes des soldats français de la Première Guerre mondiale. Une excellente base, peu coûteuse et rigoureuse pour commencer l’étude des uniformes des photographies. L’auteur a son site qui permet d’acheter les planches à l’unité ou l’éditeur Histoire & Collections qui propose « Officiers et soldats de l’armée française » en deux tomes. Quel rapport avec le 125e ? Une partie des uniformes présentés sont munis du numéro 125, surtout pour ceux de 1914.

Si vous avez des photographes d’E. JOIN ou des éléments à ajouter, n’hésitez pas à me contacter.
Ces petites recherches sont ouvertes à vos commentaires et à la contribution des lecteurs !

Voir le site « Expressio » qui décortique les expressions (et souvent les légendes qui y sont associées). Cliquez ici pour accéder à l’explication de l’expression « se faire tirer le portrait« .
Blog sur les photographes du XIXe siècle. Article consacré à E. JOIN alors photographe dans le Nord.
Une exposition virtuelle de la BNF sur la photographie.


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