« 117e, Le Mans (72) ». Voilà des mentions ajoutées par un vendeur de cartes postales qui n’ont pas manqué d’attirer mon attention, travaillant régulièrement sur des unités de la 4e région militaire, souvent sur des hommes du 117e régiment d’infanterie. Une photographie amusante qui plus est. Mais au final bien mal légendée, sans perdre de son intérêt pour autant ! « 117e, Le Mans (72) ». Voilà des mentions ajoutées par un vendeur de cartes postales qui n’ont pas manqué d’attirer mon attention, travaillant régulièrement sur des unités de la 4e région militaire, souvent sur des hommes du 117e régiment d’infanterie. Une photographie amusante qui plus est. Mais au final bien mal légendée, sans perdre de son intérêt pour autant !
- Des doutes…
Ils sont bien âgés pour être des soldats du 117e RI. On s’attendrait plutôt à voir un indice d’appartenance au 28e RIT (régiment de territoriaux rattaché au dépôt du 117e RI).
Et une numérisation fine de l’image montre qu’effectivement il s’agit d’hommes âgés portant des uniformes… du 135e RI d’Angers !
D’où peut venir cette erreur d’interprétation ? Tout simplement de la lecture du texte de la photo carte.
Le texte parle de la rue Chanzy au Mans. C’est le nom d’une caserne du 117e RI au Mans, mais il s’agit ici de l’adresse de la Mutuelle Générale au Mans, dans le cadre d’une affaire entre le destinataire et l’expéditeur. Ce texte est donc hors sujet en ce qui concerne la vie militaire, mais, malgré tout une indication indispensable pour ne pas se tromper dans l’interprétation de ce que l’on voit.
- Des certitudes…
« Ma période de 9 jours s’est bien passée = je t’envoi un petit souvenir. » Cette simple phrase écrite sur la carte est très riche pour comprendre le contexte de la prise de la photographie. La période de 9 jours est la période d’exercices obligatoire pour les hommes qui sont dans la catégorie des territoriaux. Cette indication nous permet aussi de déterminer une date pour ce cliché. Le texte nous montre qu’il a été pris avant fin avril (un recommandé doit être envoyé avant le 30 avril, sans indication de l’année, hélas, mais sous-entendu « prochain »). Sachant que la période de 9 jours a été instaurée en avril 1908, cette période a été faite probablement en début d’année, entre 1909 et 1914 (auparavant, la durée de cette période était de 13 jours).
- Un bon moment !
Sur cette photographie, on ne voit aucune tristesse, on ne perçoit pas cette période à la caserne comme une contrainte formidable. Ce qui ne veut pas dire qu’elle ne l’était pas pour certains, mais que ceux qui ont posé l’ont fait avec bonne humeur, la scène centrale en étant la meilleure illustration.
Un homme est allongé sur les genoux de deux camarades, les jambes et la tête tenues par deux autres. Aucun regard réprobateur, même de la part du sergent major visible juste derrière. Il y a même un homme sur la gauche, en tenue d’exercices et fusil, qui montre la scène du doigt.
Qu’ont-il voulu montrer ? Qu’ils venaient de se débarrasser d’un camarade, l’un d’eux tenant son étui de baïonnette en direction de la gorge de l’homme couché. Mais en regardant de près, on constate qu’il ne mime pas vraiment l’action de lui planter dans la gorge. Peut-être faut-il y voir le signe qu’ils sont épuisés, l’attitude des camarades montrant qu’en fait il n’en est rien et qu’ils s’amusent bien.
Bien que ces hommes soient âgés de plus de 36 ans et aient quitté l’armée depuis environ 15 ans, ils n’ont pas perdu les réflexes des photographies de groupes de militaires : la cigarette, la main sur l’épaule, un genou à terre. Seul le port du képi montre moins de personnalisation, dans ce groupe tout du moins, que dans les régiments d’active ou chez les réservistes.
- Un problème d’uniformes
Pourquoi ces hommes qui appartiennent sans aucun doute au 71e RIT ont-ils un uniforme portant le numéro 135 ? Simplement, on distribuait à l’occasion de la venue des territoriaux pour leur période une collection d’uniformes usagers, anciennement portés par les hommes de l’active ou de la réserve. Une semaine sous l’uniforme nécessitait-elle de découdre les anciens numéros pour en mettre de nouveaux alors que ces mêmes uniformes pouvaient être portés par d’autres soldat, des réservistes par exemple, dans l’avenir ? Cela se faisait, mais bien souvent on laissait les uniformes tel qu’ils avaient été confiés.
On peut aussi noter l’équipement plutôt disparate de ces territoriaux. Il se voit tout particulièrement aux chaussures et guêtres portées. Il s’explique autant pas une application douteuse des règles pour ajuster les guêtres que par le port autorisé pour cette période de chaussures civiles aptes à faire le même usage que celles fournies par l’armée. Pas sûr que ces hommes auraient été autorisés à sortir de la caserne dans cette tenue pour une permission le soir !
- Deux détails
Où sont les jambes et les pieds du clairon visible à droite de l’image ? Ce soldat est simplement grimpé sur un tas d’objets indéterminés visible derrière le groupe de territoriaux au premier plan. De ce fait, ses pieds sont invisibles. Mais s’il ne s’était pas surélevé ainsi, il serait resté derrière le groupe, caché.
Si on regarde derrière le groupe, on voit, dans une zone manquant de netteté, deux hommes en train de travailler sur la partie cintrée d’une porte ou d’une grande fenêtre. Ils prennent également la pose, ou observe tout simplement le spectacle de ce groupe de soldats en train de se faire photographier un peu plus loin.
- En guise de conclusion
Bien que signée, cette garde est loin de nous apprendre tout ce que nous pourrions espérer sur son expéditeur. Alors qu’il est sur l’image, on ne sait quel visage lui donner. Il n’est pas non plus possible de dater avec précision cette photographie. D’autres questions restent sans réponse : quand, durant cette période d’exercices, le cliché a-t-il été pris ? Dans quelle caserne ? Toutes ces questions qui font la frustration d’avoir si peu d’éléments qui font toujours dire : Ah si cette image pouvait parler. Mais aussi ce qui pousse à chercher pour nourrir la curiosité qui naît de chaque image.
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