Aller au contenu

Trésors d’archives n°30 – Caroline Beauverger

    Même si un tri important a souvent été fait, ne laissant que peu de documents, la consultation des archives communales permet la découverte de trésors, d’histoires appartenant à la partie immergée de l’iceberg. Tel est le cas de cette lettre envoyée en 1917 au maire de Beaufort-en-Vallée, petite commune du Maine-et-Loire.

  • Le soldat disparu Guertin

    La présente histoire commence avec la disparition d’Henri Guertin. Il est né le 29 juillet 1890 en Indre-et-Loire à Huismes. Lors de son recensement, en 1910, il réside à Guingamp. Il effectue son service actif de 1911 à 1913 au 69e RI de Nancy-Toul. Son voyage ne s’arrête pas là : il s’installe successivement à Paris en décembre 1913 puis à Nice en 1914. Son métier de valet de chambre explique peut-être cette mobilité. Il est toutefois domicilié à Beaufort, chez ses parents. C’est la raison pour laquelle il est mobilisé dans un régiment proche de son domicile en août 1914, le 135e RI d’Angers.

    En septembre 1914, alors que le régiment combat autour de Fère-Champenoise pendant la bataille de la Marne, il est considéré comme disparu. Ni l’armée ni sa famille n’ont de nouvelles et ne savent ce qu’il est advenu de lui.

  • Mairie de Beaufort-en-Vallée, 1917

    La mairie de Beaufort reçoit la lettre suivante en septembre 1917 :

« Monsieur le Maire

Voulez-vous s’il vous plait avoir la bonté de me faire savoir si Monsieur Henri Guertin, fils de Monsieur Guertin, au chateau de la Blinière, par Beaufort en Vallée, Maine-et-Loire
A donner de ses nouvelles depuis septembre 1914.
J’avais sû qu’Il était disparu et depuis je n’ai plus eu de ses nouvelles.

Je voudrais aussi savoir si je pourrai toucher l’allocation pour sa fille, car j’ai une fille de lui et les charges deviennent de plus en plus lourdes d’autant plus que ma chère petite aura 3 ans le 14 Octobre prochain.
Monsieur le Maire, j’ai des lettres de lui où Il me dit qu’Il m’aidera a élever mon Enfant dans la mesure de ses moyens, en attendant qu’Il aurait pû m’épouser.

Je n’ai pas oser en parler plutôt de crainte de faire de la peine a ses Parents, et n’ai rien voulut non plus demander a l’assistance, mais ne pouvant plus y arriver, Monsieur le Maire je me suis adresser a vous, pour remédier un peu ma situation, et me donner un bon conseil.

Ma chère petite est en nourice a Thilouze (Indre-et-Loire) et moi je travaille comme f. de chambre à Tours.
Je paye 35 fr par mois, pour ma chère mignionne, et je gagne seulement 50 fr, il me faut entretenir ma fille et moi a présent qu’elle devient grande et que tout ai trai cher, je ne peu plus arriver à sufit à tout.
Avec mes remerciements, je vous présente Monsieur le Maire mes respectueuses salutations

Caroline Beauverger
12 Place de la Gare
à Tours
Indre-et-Loire »

    On retrouve bien la trace de la naissance dans l’état civil de Tours, de Marie Albertine Henriette Beauverger le 14 octobre 1914. Caroline Beauverger est mère célibataire. Elle reconnaît son enfant le 24 octobre suivant. Elle est domiciliée à Thilouze, ce qui donne du sens au placement en nourrice de sa fille dans cette petite commune située au sud-ouest de Tours.

    Réponse fut faite par la mairie le 19 septembre suivant. Ne figure comme élément de la réponse envoyée que la date, notée au crayon de bois sur la lettre. Impossible de savoir si le maire contacta la famille du soldat, si la famille vit dans cette nouvelle une source de joie dans la douleur de la perte d’un fils ou un opportunisme morbide et déplacé. Quelle valeur pouvaient-ils donner à la parole de cette femme qui annonçait trois ans après que leur fils disparu avait une fille ? D’autant plus que la motivation principale de la demande semble être l’argent. Quels poids pouvaient avoir les courriers du fils, ou que le troisième prénom de l’enfant soit Henriette ?

    Les sources ne permettent pas de répondre à ces questions pour l’instant. Aucune mention marginale dans l’acte de naissance ne vient attester d’une reconnaissance du statut de pupille de la Nation. Seule la consultation des dossiers de pupille de la nation et de refus aux Archives départementales d’Indre-et-Loire permettrait d’avoir quelques certitudes : si la fille n’y apparaît pas, c’est que sa demande est restée lettre morte.

  • Sources

– Archives départementales du Maine-et-Loire : https://archives.maine-et-loire.fr/

88 AC 5 H 6 : archives de la commune de Beaufort-en-Vallée, correspondance autour des décédés et disparus pendant la Première Guerre mondiale.
1 R 875 : fiche matricule d’Henri Guertin, classe 1910, matricule 135 au bureau de recrutement d’Angers.

– Archives départementales d’Indre-et-Loire : https://archives.touraine.fr/

6 NUM8/261/398 : état civil de la commune de Tours, naissances 1914.

– Archives départementales de Côtes-d’Armor : https://archives.cotesdarmor.fr/

État civil de la commune de Langoat, naissances 1882-1889

Mise en ligne de la page : 2 octobre 2022.


Revenir à la page précédente

Étiquettes:

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *