Trésors d’archives n°34 – Refus de carte de combattant

Alexandre Bazoge est un habitant du village de Pruillé, dans la Sarthe. Il a usé ses fonds de culotte sur les bancs de l’école communale étudiée dans l’article en lien. Mobilisé en 1917, il survit à la guerre. On le retrouve en 1929, lorsqu’il essaie d’obtenir la carte de combattant. Or, pour obtenir la carte de combattant, la règle était d’avoir passé au moins 90 jours en unité combattante.

Pas de carte automatiquement pour les mobilisés

En février 1930, Alexandre Bazoge réalise sa demande de carte du combattant. Il précise son parcours qui correspond en tous points à ce qui est enregistré dans sa fiche matricule.

CARTE DU COMBATTANT (Décret du 28 juin 1927, article 5)
DEMANDE pour obtenir la délivrance du certificat tenant lieu, provisoirement, de carte de combattant.
Le soussigné, Nom et prénoms Bazoge Alexandre René, né le 25 juillet 1898 à Pruillé le Chétif Grade soldat de 2e classe Classe et numéro matricule au recrutement 1490, Le Mans – classe 1918 Adresse actuelle Le Breil Allonnes (Sarthe) Affectations successives au cours de la guerre 1914-1918 ou des opérations effectuées sur l’un des théâtres d’opérations extérieures (avec dates correspondantes) Appelé le 17 avril 1917. Parti fin mars 1918 au front avec le 19e bataillon de chasseurs, à la forêt de Barrois jusqu’au 6 juin. Malade jusqu’au 3 7bre à l’hôpital du Mans. A regagné le front le 23 7bre 1918 et y est resté jusqu’à l’armistice.
Dates et lieux des blessures reçues /
Date des évacuations de l’une des unités énumérées au tableau I, annexé au décret du 28 juin 1927 (joindre, le cas échéant, la copie certifiée conforme par l’autorité locale des pièces relatives à l’évacuation). /
Date et lieu de la capture / (S’il y a lieu) Nom et adresse de l’Association d’anciens combattants de la carte du combattant. /
demande la délivrance du certificat provisoire de la carte du combattant.
Allonnes, le 3 février 1930, Signature : Bazoge A.
Vu pour la légalisation de la signature de M. Bazoge Alexandre apposée ci-contre. Allonnes, le 3 février 1930 Le Maire
Centre de Mobilisation d’Infanterie N°41 BON POUR CERTIFICAT PROVISOIRE Mayenne, le 31 OCT 1930

Toutefois, l’apposition du cachet de validation du dossier cache un processus qui ne fut pas aussi simple qu’on pourrait l’imaginer.

En avril 1930, l’administration militaire cherche à savoir si le demandeur a bien 90 jours de présence en unité combattante et s’adresse à l’unité qui gère administrativement le 19e BCP. Cela donne un échange montrant la rapidité des échanges mais aussi la difficulté à reconstituer certains parcours, l’unité indiquant seulement sa première période au bataillon et concluant logiquement que la durée nécessaire n’est pas atteinte.

Place de Mayenne
Centre de Mobilisation d’Infanterie n°41
C/C RENNES 6417
Le Chef de Bataillon BOULMER Commandant le Centre de Mobilisation d’Infanterie n°41. à Monsieur Le Commandant du 19e Bataillon de Chasseurs à Trêves (AFR)
OBJET
J’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir me faire connaître si le Réserviste BAzoge Alexandre René cl. 1918 Mle 1490 Le Mans a droit à la carte de Combattant au titre du 19e Bon de chasseurs où l’intéressé a été affecté le 17.4.18 à la 2e Cie, 6e Cie, CM1.
Mayenne, le 14 Avril 1930
REPONSE
Centre de Mobilisation d’Infanterie n°205
J’ai l’honneur de vous faire connaître que le nommé Bazoge n’a pas le droit à la carte de combattant n’ayant appartenu à une unité combattante du 18/4/18 au 28/5/18 (2e Cie) parti en permission le 28/5/18, entré à l’hôpital étant en permission. Sarrebourg le 19 avril 1930 Le Capitaine chargé du Personnel
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Centre de Mobilisation d’Infanterie n°41
J’ai l’honneur de vous faire retourner la demande de renseignements ci-jointe en vous faisant connaître que l’intéressé est rentré après sa maladie au 19e Bon de chasseurs le 25-9-18 au C.I.D. le 10-10-18 à la 2e Cie. Je vous demande de bien vouloir me faire connaître si l’intéressé a le droit à la carte de combattant au titre de ce régiment.
Mayenne, le 25 Avril 1930

Informé du refus sans que l’on sache dans quelles circonstances, dans une lettre manuscrite non datée mais attachée à la décision finale d’octobre 1930, Alexandre Bazoge explique son calcul personnel. Il est loin de celui de l’administration militaire puisqu’il arrive à 6 mois et 24 jours.

[…] Je suis parti en permission de 20 j. appartenant à la 2e Cie Ce temps de permission n’est déduit sur aucun séjour dans les unités combattantes de mes camarades. Je suis fortement surpris que pour moi on est (sic) fait cette déduction. Mon temps se trouverait dans ces conditions être au minimum de (71+20) 91 jours.
D’autre part, dès le début de cette permission, j’ai été atteint d’une laryngite et le 6e jour j’ai dû me présenter à la visite médicale et ai immédiatement été hospitalisé au Mans pour ce motif, c’est-à-dire le 6 juin 1918. Cette maladie est donc bien consécutive à mon séjour dans une unité combattante. Je suis resté en traitement jusqu’au (illisible) 1918 et suis sorti à cette date titulaire d’une convalescence de 20 jours. Je suis rentré au C.I.D. du 19e B.C.P. vers le 29 sept. 1918 et ai été versé à la 2e Cie le 10.10.18.
J’estime en conséquence, n’avoir aucune interruption dans les unités combattantes entre le 28.5.18 et le 11.11.18, c’est à dire pendant 6 m 24 j. En résumé, j’estime que mon temps de séjour dans les unités combattantes devrait se décompter de la façon suivante : 19e B.C.P. 2e Cie du 18.4.18 au 28.5.18 = 41 j Permission de 20 j. du 29.5/18 au 5.6.18 = 7 j Hôpital du 6.6.18 au 3.9.18 (environ) 88 Convalescence du 4.9.18 au 28.9.18 25 6e Cie du 29.9.30 au 9.10.18 11 2e Cie di 10.10.18 au 11.11.18 32 Soit au total 204 j ou 6m 24 j
Je vous serai reconnaissant, mon Commandant, de bien vouloir examiner ce décompte, et de me faire connaître, le cas échéant, les raisons qui s’opposent à son application. Veuillez je vous prie, mon Commandant, agréer l’assurance de mes sentiments respectueux.
Bazoge A.

Le 14 octobre, le centre mobilisateur donne finalement son feu vert pour la délivrance de la carte de combattant, sans retenir le calcul proposé par Alexandre Bazoge, mais en arrivant tout de même à un décompte de 90 jours tout juste.

CENTRE DE MOBILISATION D’INFANTERIE N°205
J’ai l’honneur de vous faire connaître que Bazoge Alexandre René a acquis les droits à la carte de combattant au titre du 19e B.C.P. ayant appartenu à la 2e Cie unité combte du 18/4/18 au 4/6/18 permission de 7 jours compris = 48 jours 6e Cie unité combte du 29/9 au 9/10/18 = 12 jours 2e Cie d° du 10/10/18 au 11/11/18 = 30 jours Total 90 jours
Sarrebourg le 14 Octobre 1930 Le Capitaine chargé du Personnel
Alexandre Bazoge obtient donc sa carte d’ancien combattant. Elle lui fut réalisée en novembre 1930. Les choses ne s’arrêtent pas là pour autant. En 1948, il demande le renouvellement de sa carte.
[…] Nom : Bazoge, prénoms Alexandre René né à Pruillé le Chétif, le 25 juillet 1898 titulaire de la carte de Combattant n° 33.005, délivré par le Comité départemental de la Sarthe, demeurant actuellement à Pruillé-le-Chétif rue au Petit Brainbeuf, n° /
Indication (facultative) de l’Association d’anciens combattants et victimes de la guerre dont fait partie l’intéressé Anciens Combattants du Front
A. Opérations effectuées entre le 2 août 1914 et le 11 novembre 1918. 1° A appartenu au 19e Chasseur à Pied du 17 Mai 1917 au 20 Juin 1920
[…]
B. Opérations effectuées après le 11 novembre 1918 1° A appartenu du 19 Chasseur à Pied 1er Mai 1917 au 20 Juin 1920 et a pris part aux opérations suivantes à Lunéville, forêt de Parois en la Somme, à la Chapelle en Meurthe Moselle.
3° A reçu une blessure de guerre le ________ à _____________ Rappelé en activité au 41e RR 6e Cie 1939 arrivé à la CM 42 le 27-8-39
[…]
Je soussigné, certifie, sur l’honneur et sous peine de sanctions de droit commun, que les renseignements ci-dessus, ainsi que ceux que j’ai été appelé à fournir en vue de l’obtention de ma carte du Combattant, sont sincères et véritables. A Pruillé le Chétif, le 5 Décembre 1948 […]

Le dossier ne dit pas quelle fut la réponse. Rien ne fait penser que ce fut un refus. Ce qui est intéressant, c’est qu’on y retrouve agrafée la carte qu’il avait eu tant de mal à obtenir en 1930.